Bayard page, ou Vaillance et Beauté, comédie en deux actes mêlée de vaudevilles, de Théaulon et Armand Dartois, 6 décembre 1812.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Bayard page, ou Vaillance et Beauté
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Genre
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comédie mêlée de vaudevilles
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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6 décembre 1812
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Théaulon et Armand Dartois
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Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome VI, p. 409-410 :
[Compte rendu d’une pièce sans grand intérêt aux yeux du critique, qui la rattache au courant des pièces mettant en scène les grands hommes, en les rapetissant. L’intrigue est réduite à quelques « espiégleries » qui « manquent peut-être un peu de gaieté et d'originalité ». « Tout cela forme un mélange auquel il manque un peu d'intérêt, et surtout un style plus soigné. »]
Bayard page, ou Vaillance et Beauté, comédie en deux actes, mêlée de vaudevilles, jouée le 6 décembre.
Quelques anecdotes de la jeunesse de Bayard, ont inspiré l'idée de le mettre en scène sur le Théâtre du Vaudeville, où l'on s'est déja amusé plusieurs fois à rapetisser nos grands hommes. Celui-ci figure assez bien à côté de Voltaire chez Ninon, du Maçon poète, etc. Les espiégleries de Baillard [sic] manquent peut-être un peu de gaieté et d'originalité : mais c'est moins dans l'invention que dans l'exécution. Il s'échappe d'un château où le retient son oncle, et feint, pour l'apaiser, de s'être cassé la jambe. Il chante des romances sous les fenêtres de sa cousine ; on lui donne 800 francs pour s'habiller, il les employe à acheter des armes, cela est bien d'un écolier ou d'un page espiègle : mais il se trouve incognito à un tournoi, et renverse les meilleurs chevaliers : cela n'est pas trop vraisemblable. Enfin sa cousine Héloise refuse sa main, et il la cède généreusement à son rival aimé : voilà de l'héroïsme. Tout cela forme un mélange auquel il manque un peu d'intérêt, et surtout un style plus soigné.
Les auteurs ont été demandés; et, malgré une légère opposition, on a nommé MM. THÉAULON et DARTOIS.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome I, janvier 1813, p. 287-294 :
[De la vie de Bayard, les auteurs du théâtre du Vaudeville choisissent de montrer un élément anecdotique de sa jeunesse, empruntée aux « mémoires du temps » (nous n’en saurons pas plus sur la source de l’anecdote). Et le critique nous fait le récit précis de cette petite histoire (une petite tromperie destinée à soutirer un peu d’argent à un oncle fortuné pour pouvoir participer à un tournoi), avant de dire que les auteurs l’ont dénaturée, et de faire le bilan de cette transformation de l’histoire (vraie ?) en sujet de vaudeville : Bayard est enfermé dans un château d’où il s’échappe, il est amoureux d’une jeune fille, sa cousine, bien sûr, qui est amoureuse d’un autre, et que tous les jeunes gens aiment. Son prétendu (puisque l’oncle veut la marier) est un imbécile. Le tournoi a lieu. La jeune cousine en est le prix, et c’est bien sûr Bayard qui l’emporte. Mais il cède sa cousine à celui dont elle est épris. Et heureusement l’oncle accepte, sinon la pièce aurait encore été plus long. Parce que la pièce est mauvaise. Si le public a beaucoup ri, c’est « beaucoup plus aux choses sérieuses qu'aux bouffonneries ». Défaut majeur : le « manque absolu de convenances ». Tous les personnages sont mal conçus. La pièce manque de « traits », indispensables au Vaudeville où on n’écoute que le trait final des couplets. Et elle est mal écrite. Elle a pourtant été sauvée de la chute par un vaudeville final, assez heureux. Les acteurs ont été bons, sauf Guénée dans le rôle de Bayard, où « il n'a eu ni tenue, ni noblesse ». Et il s’est de plus ridiculisé avec un casque trop grand qui lui masquait le visage.
L'intrigue de ce vaudeville paraît avoir de sérieuses ressemblances avec Bayard à Lyon.]
Bayard Page, ou Vaillance et Beauté.
Toute [sic] le monde connaît les grandes actions du chevalier Sans Peur et Sans Reproche ; mais bien peu de personnes se souviennent des tours que Bayard a pu faire lorsqu'il était page. Les auteurs du Vaudeville, qui n'ont osé s'attaquer au chevalier, se sont jetés sur le page. Ces messieurs sont vraiment dangereux pour les grands-hommes. Ils vont scrutant partout dans les mémoires, dans les chroniques, dans les recueils d'anecdotes ; ils n'y a si petite faiblaisse [sic] qu'ils ne trouvent moyen d'exhumer. Par exemple, c'est en vain que trois siècles ont confirmé à Bayard le surnom de chevalier Sans Peur et Sans Reproche, MM. Théaulon et d'Artois, ont découvert que lorsqu'il était page, il avait trempé dans une petite supercherie faite à son oncle. Cette supercherie paraissait d'autant plus excusable, que l'oncle était riche et chanoine. Ils n'en ont pas moins traduit Bayard sur la scène du Vaudeville ; ils lui ont infligé la pénitence de deux actes, et pour l'honneur de la morale, ils l'ont fait siffler d'un bout à l'autre. Voici d'abord l'anecdote telle que les mémoires du temps nous l'ont transmise.
Bayard successivement page du duc de Savoie et du roi de France Charles VIII, venait d'entrer dans la compagnie des hommes d'armes de ce prince. La cour était à Lyon, et le seigneur de Vaudrey qui avait pris pour devise : J'ai valu, vaux, et vaudrai, obtint du roi la permission de donner un tournois [sic]. Ses écussons étaient attachés à un poteau sur la place ; il suffisait d'y toucher pour être reçu à combattre. Bayard, qui brûlait d'envie d'entrer dans la carrière, passait des heures entières à rêver devant ces écussons « Ah ! mon ami, disait-il à Bellabre, son compagnon d'armes, les mains me démangent de toucher là ; mais quand je l'aurai fait, qui me fournira des chevaux et des équipages nécessaires ? » Bellabre, un peu plus âgé que Bayard, lui rappelle qu'il avait un oncle fort riche, et qu'il fallait l'aller trouver à son abbaye. Les deux amis partirent et arrivèrent chez l'oncle de Bayard, que celui-ci aborda très-respectueusement. L'abbé, déjà instruit que son neveu avait touché aux écussons du sir [sic] de Vaudrey, se douta du motif de cette visite, et reçut les jeunes gens avec beaucoup de froideur. Bayard n'osait pas trop insister; mais Bellabre, plus hardi, sut si bien prendre l'abbé, qu'il en obtint cent écus et un billet qui ordonnait à Laurencin, fournisseur ordinaire de l'abbaye, de donner au nouveau gendarme les étoffes qui lui seraient nécessaires pour paraître honorablement au tournois. En chemin, Bellabre s'avisa que ce que l’on attrape à moines porte bénédiction, et que puisque l'abbé n'avait point limité son ordre, il fallait en profiter ; car aussi bien, ajoutait-il, « tu n'en auras autre chose de ta vie. » Bayard y consentit, et nos deux étourdis allèrent chez le marchand et prirent, avec toute la diligence possible, pour sept à huit cents livres de belles étoffes d'or et d'argent. L'abbé faillit se pendre lorsqu'il apprit les suites de son imprudence. Le roi et toute la cour s'amusèrent beaucoup de cette aventure.
Voici le parti que les auteurs ont tiré de cette anecdote, qu'ils ont tout-à-fait dénaturée. Dans la pièce, un riche chanoine, oncle de Bayard, l'a fait enfermer au château du Terrail pour quelques tours de jeunesse. Bayard s'échappe, et vient à Lyon où demeure son oncle, et où il sait qu'il doit y avoir un magnifique tournois. Il se présente d'abord à sa cousine Héloïse dont il est amoureux, et qui le reçoit assez froidement, parce qu'elle aime Bellabre. Le pauvre Bayard est fort embarrassé pour paraître devant sou oncle. Il espère l'attendrir en feignant qu'il s'est cassé la jambe. Mais l'oncle, prévenu de cette ruse par Héloïse, se moque de son neveu, et veut le renvoyer au château du Terrail. Le chevalier est fort désappointé ; il veut figurer au tournois, et ne sait comment s'y prendre pour avoir des armes, des habits et tout l'équipage convenable ; chose fort difficile alors, comme aujourd'hui, quand on n'a pas d'argent.
Héloïse, aimée de Bayard et de Bellabre, avait encore un autre prétendu avoué par le chanoine. Au Vaudeville le prétendu devait nécessairement être une caricature. On n'y a rien épargné ; il arrive en vrai matador, armé de pied en cap et la lance en arrêt. Bayard, qui ne l'a jamais vu, s'adresse à lui pour obtenir le pardon de son oncle et l'obtient en effet. Le bon chanoine consent à donner un bel habit à Bayard, et lui remet un ordre pour son marchand, que les auteurs ont mieux aimé appeller Laurent que Laurencin. Le valet de Bayard, nommé Pigeonneau, se sert de cet ordre en valet de comédie ; il se fait donner pour huit cents livres de velours, qu'il revend tout de suite, et achète un équipage complet au chevalier.
Tout allait le mieux du monde, lorsque le chanoine surprend Bajard escamotant à Héloïse une écharpe qui était destinée à Bellabre ; il veut le renvoyer au château du Terrail.
Cependant, on entend le signal du tournois ; les chevaliers entrent dans la lice. La belle Héloïse n'est pas seulement aimée de Bayard, de Bellabre et de son prétendu, une foule d'autres chevaliers en sont amoureux : elle doit être le prix du vainqueur ; petite circonstance imaginée très-adroitement par les auteurs pour amener le dénouement. Bientôt Bellabre, le campagnard et les autres prétendans arrivent, et confessent qu'ils ont été terrassés par un chevalier inconnu ; ce qui était peu rassurant pour Héloïse. Ce chevalier ne pouvait être que Bayard ; il ne tarde pas en effet à venir lui-même, et cède sa cousine à son ami Bellabre. L'oncle n'avait rien de mieux à faire que de pardonner à son neveu, et que d'approuver le mariage. S'il avait fait quelque façon, nous aurions eu trois actes au-lieu de deux.
La pièce n'est pas bonne ; mais la représentation a été fort gaie. La majorité du public prenait les choses du bon côté ; quelques sifflets se faisaient entendre de temps en temps : mais ils étaient couverts par les éclats de rire. Les auteurs ont excité plus de gaîté qu'ils ne voulaient. Ils pourraient dire comme Alceste :
Je ne me croyais pas si plaisant que je suis.
Il est vrai qu'on riait beaucoup plus aux choses sérieuses qu'aux bouffonneries.
Le grand défaut de la pièce est un manque absolu de convenances. Les personnes ne font et ne disent rien de ce qu'ils devraient dire et faire. Le rôle de Bayard est pitoyable, et ce héros est indignement travesti ; celui de Bellabre est insignifiant. Pigeonneau est de mauvais goût, n'a ni sel ni gaîté, et le chevalier campagnard n'est qu'une détestable caricature. Les auteurs ont été trop avares de traits ; c'est pourtant une chose indispensable au Vaudeville. A ce théâtre, on n'écoute presque pas les premiers vers d'un couplet, tant on attend impatiemment le trait qui le termine. Enfin, la pièce est mal écrite. Malgré tous ces défauts, elle n'est pas tout-à-fait tombée. Le vaudeville de la fin a un peu calmé les sifflets. Les auteurs y ont ramené assez heureusement le refrain : Sans peur et sans reproche. On a fait répéter un couplet malin où l'on dit qu'à Paris les maris ne sont pas sans peur, parce que les femmes ne sont pas sans reproches.
Saint-Léger a fort bien représenté le chanoine. Mlle. Arsène, dans le rôle d'Héloïse, justifiait par sa beauté le grand nombre de ses adorateurs, et Isambert est placé à merveille dans le rôle de Bellabre. Guénée, qui a dans le répertoire du Vaudeville deux ou trois rôles dont il s'acquitte fort bien, a tout-à-fait échoué dans celui de Bayard. Il n'a eu ni tenue, ni noblesse, et s'efforçait en vain de paraître étourdi et léger. C'était bien assez de son air décontenancé pour faire rire ; il a fallu qu'une circonstance malencontreuse vint [sic] encore ajouter au ridicule de sa position : dans un transport de bravoure, Bayard prend les armes du chevalier campagnard ; mais le casque était trop grand pour la tête de Guénée ; il avait beau relever sa visière, elle s'obstinait à retomber. L'acteur aurait pu remédier à cet inconvénient en ôtant ce malheureux casque, il n'en a rien fait, et a été contraint d'achever la scène visière baissée ; ce qui a dû paraître d'un mauvais pronostic à. MM. Théaulon et d'Artois , qui avaient dit dans le couplet d'annonce en parlat de l'auteur :
Il va faire ouvrir la barrière,
Messieurs, secondez sa valeur,
Et que ce soir avec honneur
Il puisse lever sa visière.
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