Benoît, ou le Pauvre de Notre-Dame

Benoît, ou le Pauvre de Notre-Dame, vaudeville en deux actes, de Pain et Dumersan, 23 novembre 1809.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Benoît ou le Pauvre de Notre-Dame

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

23 novembre 1809

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Pain et Dumersan

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome VI, p. 165-166 :

[Le compte rendu part de l’histoire, censée connue de tous (elle est datée de 1764, dans la brochure), d’un donneur d’eau bénite qui a pu marier sa fille en lui donnant 40 000 francs de dot (une fortune ). Le résumé de l’intrigue en rend la complexité. Bien sûr la pièce s’achève par le mariage attendu, mais cette complexité va bien au-delà de ce qu’on trouve le plus souvent dans des vaudevilles. C’est d’ailleurs ce que conclut le critique : « Des tableaux variés, beaucoup de gaieté, de mouvement, des couplets agréables », mais aussi « plus d'intrigue que n'en a ordinairement un vaudeville », le tout expliquant le succès de la pièce.]

Benoit, ou le Pauvre de Notre-Dame, vaudeville en deux actes, joué le 23 novembre.

Tout le monde a entendu parler du donneur d'eau bénite de Notre-Dame, qui a marié sa fille avec une dot de quarante mille fraucs. Cette anecdote singulière a paru propre à égayer la scène du Vaudeville. Benoît y a été présenté comme un homme dont l'esprit est au dessus de son état. Il jouit de sa fortune dans son intérieur, sous un autre nom. Il s'intéresse à Dorsey, jeune avocat, poursuivi par les parens d'un ministre, contre lesquels il a plaidé et gagné sa cause. Dorsey est amoureux d'une jeune personne qu'il voit tous les matins à la promenade au Jardin du Roi; Benoît lui donne une lettre de recommandation pour le père de cette jeune personne qu'il dit s'appeler Dumont. Mais Dorsey remet cette lettre au lieu d'un cartel, à un M. Descarrières, mauvais sujet, qui devoit-se marier le matin même avec Mademoiselle Jobelin, fille du Commissaire du quartier. Descarrières change d'idée et ne se rend pas à l'église. Sa disparution [sic] augmente les embarras du Commissaire, qui ce jour là même, doit faire des visites domiciliaires pour chercher M. De Latude. Dorsey, qui entend parler de recherches, craint pour lui-même, et demande un asile à Benoît qui le cache dans sa petite chambre : mais tout d'un coup, une cloison mobile s'entr'ouvre, et Dorsey se trouve dans un salon très-joli où arrivent Constance et M. Dumont. Sa surprise est à peine dissipée, que M. Descarrières vient apporter la lettre de recommandation, et que bientôt après le clerc du Commissaire y arrive avec le guet ; la cloison mobile fait son effet, et le guet se trouve pris avec M. Descarrières. Le Commissaire survient lui-même, se fâche, et Benoît plaide sa cause en chantant son histoire. La jeune personne n'est point sa fille : c'est une orpheline, nièce de la personne dont Dorsey a gagné la cause. On se doute bien qu'il l'épouse.

Des tableaux variés, beaucoup de gaieté, de mouvement, des couplets agréables, ont contribué à faire applaudir cette pièce où on trouve plus d'intrigue que n'en a ordinairement un vaudeville. L'auteur est M. Joseph Pain.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome II, février 1810, p. 290-293 :

[Ayant à rendre compte d’une pièce qu’il juge mauvaise, le critique décide de se désolidariser de ses confrères qui prennent plaisir à « être les fléaux des auteurs », et de dire quels sont les défauts de son ouvrage, et comment il aurait pu les éviter. « C'est alors qu'un journaliste peut devenir utile à la littérature, au lieu d'en être l'effroi et le tyran. ». Il insiste d’ailleurs sur la possibilité d’une pièce sévèrement jugée de se relever et donne des exemples convaincants de ces résurrections. Dans le cas de Benoît, ces défauts sont examinés de façon très méthodique : « l’immoralité du sujet, l'invraisemblance des moyens, l'inutilité des accessoires, la duplicité d'action, de lieu et d'intérêt ». Ces quatre reproches sont donc repris successivement pour justifier le reproche : un personnage qui n’est pas digne de paraître sur un théâtre (une sorte d’escroc, finalement : on voit que ce genre de reproche est éloigné de nos critères de jugement) ; une série de quatre invraisemblances, de nature assez variée ; une collection de personnages qui ne servent qu’à allonger le vaudeville de un à trois actes ; cette fameuse triple duplicité «  d'action, de lieu et d'intérêt », contraire à la nécessaire unité qui doit être la règle dans une pièce. Après ce réquisitoire sévère, on attend vainement des conseils pour améliorer la pièce : le critique se contente de dire qu’il lui « serait facile d'en indiquer les moyens à l'auteur », mais il ne le fait pas. Est-ce une offre de service ?]

Théâtre du Vaudeville.

Benoît, ou le Pauvre de Notre-Dame, comédie en trois actes, mêlée de vaudevilles.

La critique, sans doute, est nécessaire ; c'est elle qui crée les talens, c'est elle qui forme le goût. Autant il est agréable pour un journaliste, en louant un auteur, de pouvoir développer toutes les beautés de son ouvrage, autant il est pénible pour lui d'affliger le talent naissant et de le décourager.

Je laisserai donc a ces critiques, dont la méchanceté fait le premier mérite, le cruel plaisir d'être les fléaux des auteurs. Je prendrai un rôle moins brillant peut-être, mais certainement plus utile.

Après avoir franchement indiqué à un auteur les défauts de son ouvrage, indiquons-lui comment il aurait dû faire ; aidons-le à se relever. C'est alors qu'un journaliste peut devenir utile à la littérature, au lieu d'en être l'effroi et le tyran.

Commençons par Benoît, puisque, comme il le dit,

Un grand oublie un service,
Un petit s'en souvient.

Benoît fut bien plus heureux au bénitier de Notre-Dame, qu'il ne l'a été sur le théâtre du Vaudeville, où il ne fera pas la même fortune que Fanchon, ni celle que fait la fille mendiante à l'Ambigu-Comique. Je ne répéterai pas tout ce qu'en ont dit les journalistes. Je conviens avec eux que c'est un très-mauvais vaudeville ; mais ne serait-il pas possible avec beaucoup de suppressions, de grands changemens et un plan plus sage, d'en faire une pièce agréable et intéressante ? C'est ce dont je ne doute pas, et je vais présenter mes idées à l'auteur qui peut se ressouvenir que le Pauvre Diable, fut aussi mal accueilli la première fois qu'il parût sur la scène, que vient de l'être son Benoît ; et que cependant le Pauvre Diable est resté au théâtre, et qu'il y est même assez bien reçu. L'auteur qui a fait Fanchon la Vielleuse et Amour et Mystère a des droits à l'indulgence des habitués du Vaudeville.

Les défauts de Benoit sont l’immoralité du sujet, l'invraisemblance des moyens, l'inutilité des accessoires, la duplicité d'action, de lieu et d'intérêt. Examinons ces défauts les uns après les autres.

Immoralité du sujet : Il est contre toute moralité de présenter sur le théâtre un homme qui, pendant quarante ans, a abusé de la pitié pour lui arracher les secours qu'elle comptait donner au besoin : il a trompé la bienfaisance, il a volé la véritable indigence ; un tel exemple est fait pour décourager l'artisan laborieux, en lui montrant les ressources de la mendicité : le sujet est donc immoral.

Invraisemblances. La plus forte de toutes est dans ce changement subit et à volonté d'un grenier en un riche salon, et de ce salon en un galetas. On a bien vu un seigneur voluptueux, voulant tromper un mari jaloux, imaginer une cheminée tournante et s'en faire une issue pour entrer dans une chambre mitoyenne ; on a bien vu dans des palais des trapes s'ouvrir pour laisser monter des tables toutes servies ; mais ce n'est que dans des contes des fées qu'on trouve des murs qui disparaissent et reparaissent à volonté. L'auteur dira sans doute que ce ne sont pas des murs ; que ce n'est qu'une simple cloison à coulisse, qu'un contrepoids ou un ressort peut faire ouvrir et fermer aussi facilement qu'on fait mouvoir une décoration d'opéra. Mais il ne persuadera à personne que ce changement puisse se faire sans que ceux qui sont dans le salon s'en apperçoivent et qu'un commissaire et des archers prennent une simple cloison pour un mur. Première invraisemblance.

Que Mme. Darmincour, dans son infortune, ait abandonné sa fille unique à la charité publique ; que Benoît en ait eu pitié, qu'il l'ait retirée chez lui, qu'il l'ait élevée comme sa fille, c'est très-bien ; et quoique très-rare, c'stn naturel. Mais comment Mme. Darmincour, aussitôt qu'elle a recouvré sa fortune, laisse-t-elle sa fille chez un pauvre ? Comment ne vient-elle pas la réclamer ? Seconde invraisemblance.

Comment Benoît laisse-t-il croire à Constance Darmincour qu'elle est sa fille ? Comment la laisse-t-il aller tous les jours se perdre dans le labyrinte du jardin du roi, lorsqu'il sait qu'elle n'y va que pour y trouver un jeune avocat qui lui fait sa cour ? Comment Constance n'avoue-t-elle pas à son amant que M. Dumont, dont elle se croit la fille, n'est que Benoît, le donneur d'eau bénite de Notre-Dame ? Troisième invraisemblance.

Comment enfin Dorset, ce jeune avocat, qui n'a aucun reproche à se faire, qui a défendu avec l'énergie qui honore son état cette Mme. Darmincour, qui l'a fait rentrer dans ses biens injustement usurpés par le parent d'un ministre en faveur, peut-il craindre le ressentiment de ce ministre, au point de venir se cacher chez un pauvre, dans le moment même qu'il traite d'une charge de magistrature, et que, pour en faire l'acquisition, il accepte de ce pauvre une somme de 30,000 fr. ? Quatrième, invraisemblance.

Inutilité des accessoires. Qu'ont de commun avec Benoit, avec Constance, avec Dorset, véritables personnages de la- pièce, M. et Mlle. Jobelin, et M. Cornet, clerc de M. Jobelin, et M. Descarrières, prétendu de Mlle. Jobelin, et M. de la Tude, échappé de la Bastille où le gouvernement le tenait enfermé, parce qu'il avait envoyé à Mme. de Pompadour un petit paquet de cendres pour du poison ? Tous ces personnages ne sont amenés qu'afin d'allonger la pièce et d'en faire un vaudeville en trois actes.

L'action se passe d'abord dans le parvis de NoireDame, puis dans le grenier, puis dans le riche salon, de Benoît, enfin dans l'appartement du commissaire. Jobelin : est-ce à Constance, est-ce à Mlle. Jobelin qu'on doit s'intéresser ? Est-ce le mariage de Dorset, est-ce celui de M. Descarrièces, est-ce celui de Cornet qui est le sujet de la pièce ? Il y a donc duplicité de lieu, d'action et d.'intérêt.

Voilà les défauts de la pièce ; pourrait-on les faire disparaître et la rendre agréable et intéressante ? Je le crois, et il me serait facile d'en indiquer les moyens à l'auteur.

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