Célestine ou la Fille alcade, pièce en deux actes de Gardy J.-A., joué en thermidor an 7 [juillet-août 1799].
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, an 7 :
Célestine, ou la Fille alcade, pièce en deux actes, en prose, Représentée, pour la première fois, à Paris, en Thermidor de l'an VII de la Republique. Par J. A. Gardy.
La liste des personnages est présentée de façon originale, en séparant les « personnages du premier acte » des « personnages du second acte », dont la liste commence par signaler que les quatre premiers personnages du premier acte figurent aussi dans le second.
Journal de Lyon et du département du Rhône, n° 76 (quatrième année), du 26 juin 1813, p. 1 :
[Cette Célestine n'est pas une pièce toute neuve, mais le critique la traite comme le reflet du temps présent et de l'évolution actuelle du goût littéraire. Elle est présentée comme une adaptation d'une nouvelle de Florian, le charmant Florian, nouvelle au fond « vraiment dramatique », porteuse de la terreur et de la pitié qui la rendent apte à devenir un mélodrame. Et l'auteur a su y ajouter ce qu'il faut d'incident pour accentuer le caractère déplorable de la situation des deux amants, Célestine devenue alcade et celui qu'elle est et qu'elle doit juger, puisqu'il est accusé d'un meurtre. Les deux premiers actes sont bien construits, le premier contient deux excellentes scènes comiques, mais le troisième est trop embrouillé, et ne craint pas de s'affranchir des sacro-saintes règles et convenances pour faire de l'effet, si bien que la pièce, agréable jusqu'au dénouement a essuyé quelques sifflets obstinés à la fin. Et des sifflets qui n'étaient pas destinés aux acteurs irréprochables, et donc visaient la pièce et son auteur. Ce n'est pas, selon le critique, que la pièce soit mauvaise, elle est dans l'honorable moyenne des mélodrames du répertoire. Son défaut, c'est d'introduire dans un mélodrame une sentimentalité pleurnichardes qui sont loin d'améliorer le genre du mélodrame : il y a tout un répertoire pour cela (et le critique donne quelques noms d'auteur). Le vrai mélodrame n'a pas qu'on y incorpore des « mots pour rire ». L'article dresse la liste de tout ce qu'on attend d'un mélodrame incidents multiples, violences en tout genre. Et les mélodrames nouveaux cessent de satisfaire le spectateur sur ce plan : il s'en faut de peu que « l'art touche à sa décadence ». L'auteur n'est pas cité. Bien qu'il soit connu (la pièce n'est pas neuve), ce n'est pas bon signe.
Lyon, le 26 juin.
Théatre des Célestins.
Première représentation de Célestine, ou la Fille Alcade, Melodrame. Pierrot, ou le Diamant perdu, Vaudeville.
Florian, qui a fait des petites comédies pleines d'esprit, de grâces et de naturel, Florian, dont une princesse a dit qu'elle croyait manger la soupe au lait en lisant ses ouvrages, cet aimable auteur, dont on ne peut se lasser de relire les estimables productions, était loin de s'attendre qu'une nouvelle tracée par sa plume élégante et facile fournirait un jour le sujet d'un mélodrame bien conditionné.
Ceux qui aiment Florian autant que je l'aime, out lu sans doute avec plaisir l'histoire de cette jeune fille qui, séparée de son amant par un concours d'événemens extraordinaires, se trouve par hasard Alcade d'un petit village d'Espagne. Comme leurs cœurs ont dû être émus, lorsque l'amant de Celestine, accusé d'un meurtre dont il est innocent, est conduit dans la prison du village, et va être jugé par cette femme qu'il adore, et qu'il croit perdue pour lui !
On ne peut le nier, un pareil fond est vraiment dramatique, et la terreur et la pitié que prescrit Aristote, s'y trouvent réunies au plus haut degré, pour un mélodrame. L'auteur a tiré tout le parti possible de ce sujet ; il a créé de nouveaux incidens, et augmenté le puissant intérêt qu'inspire la déplorable situation des deux amans. L'exposition, commencée au premier acte, et achevée au second, est claire et parfaitement motivée. La scène du Mendiant, celle du signalement, sont d'un comique qu'on trouve rarement dans les mélodrames. La marche du second acte est simple, rapide, et attachante ; je n'en dirai autant de celle du troisième, qui m'a pas paru pénible, embrouillée, et visant trop à l'effet ; résultats qu'on ne peut obtenir qu'en s'affranchissant des règles et des convenances.
La pièce a fait plaisir jusqu'au dénouement, où, malgré la satisfaction générale, deux ou trois sifflets se sont fait entendre avec un acharnement diabolique. Jamais, peut-être, on ne poussa si loin la rage de la sifflomanie Heureusement, les nombreux applaudissemens ont couvert cette musique discordante. Les siffleurs avaient-ils raison ? avaient-ils tort ? je laisse au public à décider cette question ; tout ce que je puis dire, c'est que les acteurs n'ont rien à se reprocher.
Mlle. Marigny a été très intéressante dans le rôle de Celestine. Peut être Renaud et Emile étaient-ils un peu trop effrayans.
Notaire et Armand ont beaucoup fait rire ; enfin, Lancelin, Lecordier, Guérin, et Mme. Roland, ont contribué de tout leur pouvoir à l'ensemble de cet ouvrage, qui, tout bien considéré, n'est ni meilleur ni plus mauvais qu'une foule de mélodrames qui tiennent leur place au répertoire.
La principale cause à laquelle j'attribue le léger désagrément qu'a éprouvé la pièce nouvelle, c'est que depuis quelque temps, les auteurs ne font plus de Mélodrames proprement dits ; ils ont cru ce genre susceptible d'être amélioré, et ils n'ont pas songé qu'ils tombaient dans un excès plus condamnable. Otez le Fron fron obligé aux entrées et aux sorties, et Palmerin, archambaud, etc. sont tout uniment des drames, dans lesquels on ne trouve pas le plus petit mot pour rire. Le public s'accoutume insensiblement à ces Pleurnicheries sentimentales, et le véritable mélodrame finira par lui paraître détestable. Eh! Morbleu ! Messieurs les auteurs, vous oubliez le précepte de Gresset,
L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a.
Si j'ai envie de m'attendrir, j'irai voir les productions des Montvel, des Mercier, des Volmerange ; mais toutes les fois que vous m'annoncerez un Mélodrame, il faut me tenir parole ; je veux des coups de théâtre, des incidens multipliés, des sièges, des combats ; un niais qui me divertisse, un tyran bien renforcé, un enfant qui parle comme Père et mère ; je veux enfin que toutes ces belles choses soient assaisonnées de quelques petites explosions, et d'une vingtaine de coups de fusil, pour le moins. Voilà ce qu'il faudrait faire, et voilà ce que vous ne faites plus Prenez-y garde ; encore un pas, et l'art touche à sa décadence.
L'article se continue par le compte rendu de Pierrot ou le Diamant perdu, vaudeville de Désaugiers et Gentil. Il est signé par Grégoire Lefranc.
Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 233 (quatrième année) du 5 juillet 1813, p. 13 :
[Confirmation de l'article du Journal de Lyon ci-dessus. Le mélodrame est en danger, et l'art avec lui...]
Un nouveau mélodrame vient d'être joué à Lyon, sur le théâtre des Célestins, sous le titre de Célestine ou la Fille alcade. Le sujet est tiré d'une Nouvelle de Florian. La pièce a fait plaisir jusqu'au dénouement, où, malgré la satisfaction générale, deux ou trois sifflets se sont fait entendre avec un acharnement inconcevable. La principale cause à laquelle le journaliste de Lyon attribue le désagrément qu'a éprouvé cet ouvrage, c'est que depuis quelque temps, on ne fait plus de mélodrames proprement dits, et que dans les drames, tels que Palmerin et Archambaud, on ne trouve pas le plus petit mot pour rire : « Le public, dit-il, s'accoutume à ces pleurnicheries sentimentales,et le véritable mélodrame finira par lui paraitre détestable. Il me faut des combats, un niais, un tyran, un enfant qui parle comme père et mère. Prenez-y garde, messieurs les faiseurs de mélodrames, encore un pas, et l'art touche à sa décadence.
L'esprit qu'on veut avoir, gâte celui qu'on a. »
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