Charles et Victoire, ou les Amours de Plailly, fait historique en deux actes, d'Amiou, 28 septembre 1793.
Théâtre du Lycée des Arts.
A ne pas confondre avec la pièce homonyme de Plancher de Valcour.
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Titre :
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Charles et Victoire, ou les amours de Plailly
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Genre
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fait historique
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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28 septembre 1793
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Théâtre :
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Théâtre du Lycée des Arts
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Auteur(s) des paroles :
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Amiou
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La création de la pièce est annoncée dans la Gazette nationale à la date du 28 septembre 1793, sous le titre de les Amours de Plailly, fait historique en 2 actes [Réimpression de la Gazette nationale, volume 17, p. 760].
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 2 (février 1794), p. 322-326 :
[Après le résumé de la pièce, le compte rendu attaque la pièce sur deux points au moins. Il conteste l’introduction d’un valet censé rendre la pièce plus gaie, mais que le critique trouve balourd, et réduit à des plaisanteries triviales, des janotismes, qui ne lui paraissent pas amusantes (exemples à l’appui). Il affirme ne pas vouloir critiquer la pièce « sur le plan & la conduite », parce que c’est un « fait historique », qu’on ne peut, dit-il, pas juger comme un drame ou une comédie. Mais il s’en prend violemment au style, qu’il juge très négligé, et la pièce (or, « une chose de laquelle un auteur qui se produit au théatre ne sauroit se dispenser, c'est de soigner son style ». Nouvelle série d’exemples pour nous montrer les fautes de style dans la pièce. La critique sur le style s’étend aussi aux couplets, où les négligences pourraient passer aux yeux de certains pour des licences poétiques. Mais la critique s’achève sur le rejet de ces facilités, qui conduit, selon le critique, à la barbarie : « sans ces regles la république des lettres & des arts ne seroit plus qu'une vile aristocratie, dans laquelle tout seroit bientôt détruit, confondu & par laquelle nous arriverions par le chemin le plus court à la plus avilissante barbarie. »]
THÉATRE DU LYCÉE DES ARTS.
Les amours de Plailly, fait historique en deux actes; par M. Amiou.
Charles & Victoire, désespérés de la rigueur de leurs parens, qui refusent de consentir à leur mariage, ne prennent conseil que de leur désespoir. L'impétueux jeune homme voulant se donner la mort, parce qu'il a oublié sans doute qu'il faut bien plus de courage pour supporter ses malheurs que pour devenir suicide, prend un pistolet, le tourne contre son front, en lâche la détente, & dans l'instant il tombe à terre noyé dans son sang. Victoire imite ce fatal exemple. On accourt, on leur prodigue les secours les plus empressés, on est assez heureux pour les sauver.
Mais rien ne peut faire revenir le pere Bouchard de son entêtement ; il persiste à refuser son consentement au mariage de son fils, & il n'a d'autres raisons pour cela que l'inégalité des fortunes. Le pere de Victoire, Gardeil, est pauvre ; un chirurgien de village ne gagne pas autant qu'un fermier. L'état du premier lui inspire une certaine fierté; la richesse du second le rend intraitable : comment rapprocher ces deux hommes ? Cependant que vont devenir leurs enfances ? Charles est plus amoureux que jamais, Victoire adore toujours Charles, & la dureté de Bouchard leur fait regretter de ne pas être morts des suites de leur blessure.
Heureusement M. Lange, juge-de paix du village de Plailly, s'est intéressé au sort de ces infortunés, & ce brave citoyen a rendu compte de ce qui s'étoit passé dans son canton au ministre de la justice, touché du respect filial de Charles, qui, malgré qu'il fût autorisé par la loi (puisqu'il a trente ans) à se marier sans le consentement de son pere, aime mieux se donner la mort que de lui manquer de respect ; le ministre écrit à M. Lange, & l'exhorte à se hâter de conduire à l'autel de la patrie ce couple si intéressant sous tous les rapports.
Le juge-de-paix est sur le point d’obéir lorsqu'il fait réflexion que Charles, étant en état de réquisition, est obligé de partir avec tous les jeunes gens du village. Il en écrit au ministre de la guerre. Celui-ci voulant, à l'exemple de son collegue, récompenser ce jeune homme, lui accorde un congé de trois mois, pour donner le tems à sa blessure de se guérir parfaitement.
M. Lange, qui a toujours consolé Gardeil & sa fille, & donné les plus grandes marques d'attachement à Charles, parvient enfin à faire entendre raison au pere Bouchard. & à sa femme, & les deux amans sont unis par les plus doux liens, à la grande satisfaction de tout le monde.
Tel est le fait historique que M. Amiou a mis au théatre, sans autres ornemens étrangers que le personnage d'un valet du juge de-paix, Nicodême, dont le nom dit assez que l'auteur l'a chargé du soin d'égayer la piece par ses balourdises. Mais, soit que les caracteres de ce genre se trouvent usés aujourd'hui par l'emploi trop fréquent qu'on en fait au théatre ; soit que celui-ci se permette des plaisanteries trop triviales ; soit qu'il ne se trouve pas assez fortement lié au sujet, soit enfin parce que l'auteur, se contentant d'un certain comique de mots, ait négligé d'en mettre dans les situations, ce rôle de Nicodême n'a certainement pas produit l'effet qu'il en attendoit. Les janotismes ne sont pas des plaisanteries !... J'ai cru à ces mots qu'il m'auroit étranglé avec ses yeux. -- Une grosse, grande, large & longue lettre sur laquelle étoit le ministre de la justice sous une enveloppe. – Tu étois sous-lieutenant dans ta compagnie, si tu avois resté, on t'auroit nommé caporal. – M. Lange, en faisant sa motion, a parlé comme une tromptette.... Il a- fait un bruit qui a mis la guerre dans la tête de nos jeunes garçons, & une infinité d'autres tournures que nous pourrions citer, peuvent appeller le rire sur les levres d'une certaine classe de spectateurs ; mais nous doutons très-fort que ce soit sur celles du plus grand nombre.
Nous sommes bien loin de vouloir nous livrer à la critique sur le plan & la conduite de cette piece ; l'auteur, en lui donnant le titre modeste de Fait historique, nous l’a interdit. C'est tout ce que nous pourrions faire, si les Amours de Plailly nous avoient été présentés comme un drame ou une comédie. Mais une chose de laquelle un auteur qui se produit au théatre ne sauroit se dispenser, c'est de soigner son style, & il paroît que M. Amiou se laissant entraîner par le zele & les sentimens qui brillent dans toute sa piece , ne s'est appliqué à rien moins qu'à soigner le sien. Aussi entendons - nous dire à Charles : « Moi, je me promenois ce matin derriere la maison de mon pere, je m'assis à l'ombre d'un ormeau. » Aussì trouvons-nous dans la bouche de Victoire: « Tu connois son courage, il n'a jamais lâché pied devant l'ennemi...... » & autres phrases semblables qu'il est inutile de citer. Victoire peut-elle bien s'exprimer de la sorte, puisque Nicodême seroit à peine excusable de nous parler d'un courage qui lâche pieds ? Quoi qu'il en soit, rien ne sauroit autoriser Charles à nous dire : Ce matin je m'assis.... & ce qui frappa ma vue, &c. ; tandis que la grammaire lui imposoit le devoir de tourner ainsi cette; phrase : Ce matin je me suis assis..... & ce qui a frappé ma vue, &c.
Les couplets qui terminent cette piece offrent de pareilles négligences. Dans le dernier, l'auteur fait rimer essai avec parfait ; dans un autre il dit : Nous servirons l’amour après notre retour ; & tout le monde fait qu'il faudroit à notre retour ; enfin dans un troisieme il ajoute: Je me sens tout joyeux d'un enfant j’en ai deux, quand il auroit dû dire : au-lieu d'un enfant j'en ai deux ; mais, nous répondra t-on peut-étre, ce sont-là des licences poétiques sinon permises, du moins tolérés, & on les doit passer en faveur des sentimens de civisme qu'elles concourent à développer ; à la bonne heure, car sans cela nous ne cesserions de dire que rien ne peut excuser un auteur qui ne respecte pas sa langue ; que, s'il est vrai qu'il est louable de manifester son civisme, quelle que soit la maniere qu'on emploie pour l'exprimer, il est vrai aussî qu'on seroit bien plus digne de louange, si l'on se conformoit aux regles prescrites,& que sans ces regles la république des lettres & des arts ne seroit plus qu'une vile aristocratie, dans laquelle tout seroit bientôt détruit, confondu & par laquelle nous arriverions par le chemin le plus court à la plus avilissante barbarie.
La base César dit de cette pièce qu’elle est en un acte, et d’auteur inconnu. Jouée à partir du 28 septembre 1793, elle a connu au Théâtre du Lycée des Arts 32 représentations jusqu’au 3 avril 1794 (19 en 1793, 13 en 1794).
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