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Charles Rivière Dufresny, ou le Mariage impromptu
Charles Rivière Dufresny, ou le Mariage impromptu, vaudeville, de Deschamps, 11 germinal an 6 (31 mars 1798).
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
Charles Rivière Dufresny, ou le Mariage impromptu
Genre
comédie en vers, mêlée de vaudevilles
Nombre d'actes :
1
Vers / prose ?
dialogue en prose, couplets en vers
Musique :
vaudevilles
Date de création :
11 germinal an 6 (31 mars 1798)
Théâtre :
Théâtre du Vaudeville
Auteur(s) des paroles :
Deschamps
Sur la page de titre de la brochure conservée dans la collection Marendet de l’Université de Warwick, à Paris, chez Barba, an sixième :
Charles Rivière Dufresny, ou le Mariage impromptu, comédie en un acte et en vers, mêlée de vaudevilles. Par le C. Deschamps. Représentée le 11 germinal an 6.
[Seuls les couplets sont en vers : le dialogue est en prose, comme dans tout bon vaudeville...]
Courrier des spectacles, n° 403 du 11 germinal an 6 [31 mars 1798], p. 2-4 :
[De façon inhabituelle, le jour même de la première, le Courrier des spectacles consacre un long article à Dufresny. L'article est censé faire un portrait de ce poète aujourd'hui bien oublié, dont le journaliste met en avant deux caractéristiques : son lien avec le pouvoir (un protégé de Louis XIV) et la fantaisie du personnage, fort éloigné des conventions du temps (un homme plein de fantaisie). Le mariage qui fait le sujet de la pièce du jour est longuement évoqué (mais le public sait-il que c'est de cela qu'il sera question le soir même au Théâtre du vaudeville ?). Article intéressant sur la façon dont on imagine la biographie d'un écrivain en cette fin de 18e siècle.]
Sur Dufresny.
Une jardinière d’Anet, surnommée la Belle Jardinière, avoit plu à Henri IV ; le fruit de leurs amours fut un fils, qui suivant l’opinion commune, devint l’ayeul de Charles Rivière Dufresny, né à Paris en 1648. Cette anecdote étoit connue de Louis XIV. Peut-être est-ce le motif qui lui fit prendre notre poëte, très-jeune encore à son service, en qualité de valet-de-chambre.
En considérant les divers talens que Dufresny avoit reçus de la nature, on pourrait lui appliquer ce vers de Voltaire :
Tous les goûts à la fois sont entrés dans mon ame.
Architecture, sculpture, peinture, poésie, musique, jardinage ; tous ces arts paroissoient lui être familiers. Les morceaux de musique, épars dans ses pièces, sont de lui. Après les avoir composés, il alloit trouver Grandval père, qui se chargeoit de les noter. Vouloit-il faire un dessin, sa manière d’y procéder étoit unique ; il découpoit des parties d’hommes, d’animaux, de plantes, d’arbres, prises de différentes collections d’estampes, et il en formoit un sujet en collant toutes ces parties les unes auprès des autres. Si l’expression des têtes ne répondoit pas à son idée, il supprimoit les yeux, la bouche le nez, y substituoit d’autres parlies plus convenables ; et ce qu’il y a de surprenant, c’est que toutes ces pièces rapportées offraient un ensemble agréable ; mais l’art qui avoit le plus d’attrait pour lui, étoit celui du jardinage ; il a fait preuve de génie dans ce genre ; on a admiré long-tems plusieurs jardins qui étoient son ouvrage, tels que ceux de Mignaux, près Poissy, ceux du Moulin et du Chemin creux, au Faubourg Antoine, et ceux enfin de Pajou près Vincennes.
Son esprit vif et enjoué lui avoit gagné l’affection de Louis XIV qui l’avoit mis dans un état d’opulence, mais la prodigalité du poète surpassa les bienfaits du monarque, au point que celui-ci ne put s’empêcher de dire qu'il ne se croyoit pas assez puissant pour l’enrichir. Ce mot fut pour Dufresny un avertissement qu’il avoit épuisé les bonnes grâces de ce prince. Il prit donc le parti de quitter la cour, et vendit sa charge. Retiré à Paris, il y consacra les prémices de son talent dans le genre dramatique au théâtre Italien, qui étoit alors en vogue. Regnard à cette époque ne dédaignoit point de courir la même carrière que Dufresny. Cette conformité de goût, jointe à un égal penchant qu’ils avoieut aussi pour la volupté, établit entre ces deux poëtes une liaison intime ; ils composèrent plusieurs pèces en société. La réunion de leurs talens valut à la Comédie Italienne les Chinois, la Baguette de Vulcain, etc. dont le succès augmenta encore la foule des partisans de ce spectacle.
On sait la querelle qui divisa ces deux auteurs. Dufresny avoit-il inventé le sujet du joueur, et Régnard lui en fit-il le larcin ? c’est ce qu’on ne veut point approfondir ; mais ce qu’il y a de certain en ce cas, c’est que Regnard, comme on l’a dit, fut le bon larron. Dufresny dit assez plaisamment dans son livre des Amusemcns sérieux et comiques, que le pays du mariage a cela de particulier, que les étrangers ont envie, de l'habiter, et que les habitans naturels voudraient en être exilés. Cependant cette remarque ne l’empêcha point de s’exposer deux fois à desirer cet exi1. Tout ce que l’on sait de son premier ménage, c’est qu’il en eut deux enfans. Les circonstances de son second mariage sont plus connues et méritent d’être rapportées. Lesage en raconte ainsi l’histoire dans le chapitre X du Diable Boiteux, où il sagit de marquer des places aux Petites Maisons à divers personnages. « J’y veux envoyer aussi, dit le Diable, un vieux garçon de bonne famille, lequel n’a pas plutôt un ducat, qu’il le dépense, et qui ne pouvant se passer d’espèces, est capable de tout faire pour en avoir. Il y a quinze jours que sa blanchisseuse, à qui il devoit trente pistoles, vint les lui demander, en disant qu’elle en avoit besoin pour se marier à un valet-de-chambre qui la recherchoît. Tu as donc d'autre argent, lui dit-il, car où Diable est le valet-de-chambre qui voudra devenir ton mari pour 30 pistoles ? Eh ! mais, repondit-elle, j’ai encore outre cela 200 ducats. — 200 ducats ! répliqua-t-il avec émotion, Malepeste ! tu n’as qu’à me les donner à moi, je t'épouse, et nous voilà. quitte à quitte ; et la blanchisseuse est devenue sa femme. » C’est au sujet de cette aventure que l’abbé Pellegrin répondit un jour à Dufresny, qui lui reprochoit de porter du linge sale, que tout le monde n’étoit pas assez heureux pour pouvoir épouser sa blanchisseuse.
Au reste cet engagement qu’on regarde d’ordinaire comme très-sérieux ; ne pouvait être pour Dufresny que l’effet du caprice ou d’un besoin momentané. La distraction involontaire de son esprit ne lui permettoit point de se livrer aux soins d’un ménage ; aussi la gêne qu’impose cet état ne lui ôta-t-elle pas son indépendance ; il avoit même à la fois quatre logemens dans différens quartiers opposés. Il les quittoit successivement, dès qu'ils étoient connus des gens dont le commerce lui étoit à charge.
Ce fut le 6 octobre 1724 que Dufresny mourut à la suite d’une fièvre continue. Il consentit, sur la demande de ses enfans, à laisser brûler tous les ouvrages qui lui restoient en porte-feuille. De ce nombre étoient quelques comédies et une suite aux Amusemens sérieux et comiques, l’un de ses meilleurs ouvrages, et dont l'idée ingénieuse, comme on l'a conjecturé avec raison, a pu fournir à Montesquieu ses Lettres Persannes et servir encore de modèle aux Lettres Turques, Chinoises, etc.
Dufresny remplit ainsi sa longue carrière, en repoussant toujours la fortune qui s’offrit sans cesse à lui. Livré, comme il l’étoit, au goût de la dissipation, l’excès contraire n’en devoit être que plus ridicule à ses yeux. Aussi disoit-il d’un courtisan qui, plus que septuagénaire, songeoit à prendre des mesures pour quitter la cour, après avoir amassé encore quelques richesses, que les gens de cette espèce travaillent jusqu’à la mort, pour vivre à leur aise le reste de leur vie. Exempt d’ailleurs de toute ambition, i1 ne voulut faire tourner les bonnes graces du roi qu’au profit de ses plaisirs ; mais ces plaisirs même, assaisonnés par la volupté, n’admettoient point le libertinage. Il haïssoit la médisance, qui lui sembloit plus blâmable que le larcin même, en ce qu’elle nuit davantage à la société, et qu'il est moins aisé de se garder d’un médisant que d’un voleur. Tel il s’est peint dans ses écrits, tel il étoit dans le monde ; homme de bonne compagnie, faisant les délices d’une conversation par son esprit qui abondoit en saillies fines et plaisantes, mais sans application rmaligne ni obscénité. A tant d'avantages faits pour plaire, il joignoit, comme on 1'a dit, le talent de la musique ; mais ce qu'on ne peut transmettre, c’est le goût et l’intelligence qu’il mettoit à chanter ses airs, et sur-tout l’art avec lequel il savoit les varier. Au surplus, comme homme de lettres, il fut toujours supérieur à cet esprit de rivalité. Il fut le premier à rendre justice aux bons écrivains, et il se contentoit de dire à ceux qui étoient affamés de fausses louanges qu’il n’avoit pas d’éloges à vendre.
Les pièces que Dufresny nous a laissées sont la Réconciliation Normande, com, en 5 actes, en vers, en 1719 ; le Dédit, com, en 1 acte et en vers, en 17 19 ; le Double veuvage, com. en 3 actes, en 1702 ; le Mariage fait et rompu, com. en 3 actes et en vers, en 1721 ; la Noce interrompue, com en 1 acte, en prose, en 1699 ; le Malade sans maladie, com. en 1699, le Jaloux honteux, com. en 5 actes, en prose, en 1708 , la Joueuse, com. en 5 actes, en 1709 ; le Chevalier joueur, com. en 5 actes, en prose, en 1728 ; le Faux honnête homme, com. en 3 actes, eu prose, en 1703 ; le Faux instinct, com. en 3 actes , en prose, en 1707 ; la Coquette de village, en 3 actes, eu 1715 ; le Faux sincère, com. en 5 actes et en vers, en 1731 ; le Négligent, com. en 3 actes, en prose, impr. à Paris, en 1728.
Courrier des spectacles, n° 404 du 12 germinal an 6 [1er avril 1798], p. 2-3 :
[La nouvelle pièce est la simple illustration d'une anecdote concernant le second mariage de Dufresny avec sa blanchisseuse. Curieusement, au lieu d'en faire l'analyse, le critique renvoie à l'article paru la veille et qui est une « notice de la vie de Dufresny ». Le succès a été au rendez-vous, en raison d'un « rôle de Dufresny […] tracé avec adresse, et de main de maître ». Même qualité accordée aux couplets, dont deux sont cités. Ils sont crédités de « saillies fines et piquantes ». L'article s'achève par des compliments à l'auteur dont la carrière est rappelée et aux interprètes. Juste un petit reproche à la pièce : « quelques longueurs dans les premières scènes », l'apparition du héros de la pièce étant jugée trop tardive.]
Théâtre du Vaudeville.
On a donné hier sur ce théâtre la première représentation de Charles Rivière Dufresny, ou le Mariage inpromptu [sic], vaudeville en un acte. Cet ouvrage a obtenu un très-grand succès : voici le couplet d’annonce qui a été redemande
Air : Vaudeville d'Arlequin Afficheur.
Vers, compas, musique et pinceaux,
Dufresny trouvant tout facile,
Aimoit à changer de travaux,
Et plus encore de domicile ;
Il en eut dans quatre faubourgs,
Sans cesse allant de l’un à l’autre ;
Puissent vos bontés pour toujours
Le fixer dans le nôtre.
Le plan de cet ouvrage n’est absolument que l’anecdote du Mariage impromptu de Dufresny avec sa blanchisseuse ; l’auteur a ajouté l’épisode d’un huissier qui vient se faire payer de cent livres de capitation dues par Dufresny. Celui-ci n’étant pas en état de satisfaire à sa demande, l’huissier veut faire saisir les meubles et effets de l’auteur comique, mais Mme Duhamel, sa blanchisseuse, paye les cent livres, en lui disant qu’elle se trouve trop heureuse de pouvoir lui être utile, et qu’elle possède encore deux cents ducats ; c’est alors que Dufresny lui dit ces paroles remarquables : Malepeste ! tu n’as qu’à me les donner à moi, je t’épouse, et nous voilà quitte à quitte. Le lecteur trouvera de plus grands éclaircissemens, en consultant la notice de la vie de Dufresny donnée dans le numéro d’hier.
Ce vaudeville a parfaitement réussi, le rôle de Dufresny est tracé avec adresse, et de main de maître ; les couplets sont faits avec beaucoup d’esprit, de délicatesse et de goût ; en voici deux qui ont été fort applaudis, et que le public a redemandés.
Dufresny.
Air des Visitandines.
Plein de mépris pour la satyre,
J’ai cent fois dit et répété
Qu’il vaut encor mieux mal écrire,
Qu’écrire avec malignité.
Moi ! des belles j’irois médire !
Un fat leur cause assez d’ennuis . .
Par mes couplets, tant que je puis,
J’aime mieux les faire sourire.
Regnard.
Air: Vaudeville du Jockey.
Dans le monde, tout à mes yeux
Prouve qu’il faut une existence,
Et le trésorier (de France) déjà vieux
Me propose sa survivance.
Dufresny.
Quoi ! mon cher, d’un obscur vieillard
Tu ferois ta muse héritière !
N’as-tu donc pas, dis-moi, Régnard,
La survivance de Molière.
On a aussi beaucoup applaudi à des saillies fines et piquantes ; en un mot, cet ouvrage ne peut que faire honneur au cit. Deschamps déjà fort connu par ses charmans vaudevilles de Piron avec ses amis, et de la Revanche forcée, etc. J’ai seulement trouvé quelques longueurs dans les premières scènes, et que Dufresny étoit un peu tardif à venir satisfaire l’impatience du public qui désireroit le voir plutôt en scène. Le rôle de Dufresny a été joué avec beaucoup d’originalité et d’esprit par le cit. Carpentier, dont chaque rôle ajoute à la réputation ; le cit. Hypolite a fait preuve d’intelligence et de finesse dans celui de Regnard ; et les autres ont été agréablement remplis par les cit. Duchaume, Léger, et les citoyennes Sara et Duchaume.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 4e année, 1798, tome I, p. 121-122 :
[Rappel de l’anecdote qui sert de point de départ à la pièce (un mariage contracté par Dufresny pour capter l’argent que la mariée promet à qui l'épousera. La pièce est gaie, en raison de la présence en particulier d’un huissier que Deschamps utilise pour faire rire. La critique reproduit ensuite le couplet d’annonce, à la gloire de Dufresny et de ses talents multiples.
Une anecdote singulière attribuée à Dufresny, a fourni le sujet de Rivierre Dufresny, ou le Mariage impromptu, comédie en un acte, donnée au Vaudeville le 11 germinal. Cet homme extraordinaire, et qui réunissoit presque tous les talens agréables, se trouvoit souvent, par son inconduite, dénué d'argent et de ressources. Dans un de ces momens de gêne, pressé par sa blanchisseuse, d'acquitter une dette de trente pistoles, il apprit qu'elle étoit sur le point de se marier et qu'elle destinoit à son futur une dot de deux cents ducats. Tenté par cet argent, Dufresny se présente lui-même pour l'épouser, parvient sans peine à supplanter un rival peu dangereux, et gagne ainsi à la fois l'argent qu'il devoit et celui qui étoit destiné à un autre.
L'auteur a rendu sa pièce très-comique par le rôle d'un huissier, rival de Dufresny, et qui vient pour lui faire payer sa capitation. Regnard, qui se trouve là, lui demande s'il est l'huissier du Mont-Parnasse : Non, répond l'huissier, je ne vais que jusqu'à la barrière d'Enfer. Cette saillie et d'autres du même genre, ont été vivement applaudies.
Voici le couplet d'annonce qu'on a fait répéter :
Air d'Arlequin afficheur.
Vers, compas, musique et pinceaux,
Dufresny, trouvant tout facile,
Aimoit à changer de travaux
Et plus encor de domicile.
Il en eut dans quatre faubourgs,
Sans cesse allant de l'un à l'autre :
Puissent vos bontés pour toujours
Le fixer dans le nôtre!
La pièce est du citoyen Deschamps, auteur de Piron avec ses amis. Elle a eu le plus grand succès.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1798 (vingt-septième année), tome V (mai 1798, floréal, an VI), p. 217-220 :
[Sur un personnage bien oublié aujourd’hui, encore une pièce sur « un de ces personnages célèbres » dont « tout le monde sait » qu’il était à la fois doué pour tous les arts, et dissipé au point de devoir se marier pour payer ses factures. La pièce est pleine d’esprit, et le compte rendu insiste largement, mais sans en faire une critique, sur les libertés prises avec la réalité. Des rôles épisodiques servent à rendre la pièce gaie, et l’auteur a pu ainsi donner « à son portrait son véritable coloris & la ressemblance théâtrale qu’on pouvoit désirer » (la ressemblance théâtrale pouvant être asse éloignée de la ressemblance réelle, semble-t-il). Le rappel de quelques plaisanteries de la pièce permet de voir ce qui amuse le public, ou le critique. Ce dernier règle d’ailleurs quelques comptes avec des spectateurs incapables de saisir l’esprit dont la pièce est remplie. La pièce restera dans le répertoire du Vaudeville avec les autres pièce de Deschamps. Un couplet permet de reier Deschamps à son personnage ils ont le même esprit...]
THÉATRE DU VAUDEVILLE
Charles Rivière Dufresny, ou le Mariage impromptu.
Voici encore un de ces personnages célèbres avec lesquels on est bien aise de se retrouver, parce qu'ils sont pour nous d'anciennes connoissances. L'hommage des enfans du Vaudeville étoit bien dû à Dufresny, auteur comique, ingénieux, presque rival de Regnard pour la gaieté, & peut-être supérieur pour la finesse de l'observation.
Tout le monde sait que Dufresny, né avec l'aptitude la plus singulière à tous les arts, y joignit un goût pour la dissipation, qui dérangea beaucoup ses affaires, & qu'un jour il épousa sa blanchisseuse, à laquelle il devoit un petit mémoire, afin de s'acquitter avec elle.
C'est ce trait que le C. Deschamps a mis en scène avec beaucoup d'esprit. Il a annobli & relevé l'action de son personnage, en donnant à cette blanchisseuse un caractère un peu relevé ; il a spirituellement accolé Dufrefny avec Regnard, autre personnage intéressant à revoir sur la scène, & les a mis en opposition avec certain huissier ignorant & capable, rival de Dufresny, qu'il ne connoît pas sous ce nom, & qu'il vient assigner sous celui de Rivière pour la capitation ; il a de plus ajouté un valet jovial : & au moyen de ces rôles épisodiques à la vérité, mais fort gais, il a donné à son portrait son véritable coloris & la ressemblance théâtrale qu’on pouvoit désirer.
Les couplets sont en général très agréablement tournés ; quelques-uns même ont une originalité de style qui ajoute à la saillie, & rappelle les meilleurs faiseurs.
L'auteur n'a pas négligé de tirer parti de tous les traits qui appartenoient à Dufresny, & dont il a pu s'emparer : il en a fait un choix heureux dans ses amusemens sérieux & comiques. On est aussi bien aile de retrouver sa chanson connue :
Philis plus avare que tendre.
Enfin, le personnage de Regnard est très-piquant, en ce qu’on rappelle & son talent comique & son voyage en Laponie ; mais, dit-il fort plaisamment :
On peut bien voir de petits hommes
Sans voyager chez les Lapons.
On a beaucoup ri d'une bêtise plaisante de l'huissier, à qui Regnard demande s'il est celui du Mont Parnasse, & qui prenant le mot à la lettre, répond qu'il n'exploite que jusqu'à la barrière d'Enfer : quelques merveilleux ont pris cette saillie pour un calembourg ; ils se trompoient : ce n'est point là un froid jeu de mots, parce qu'il sort naturellement de la scène, dont l'intention n'est autre chose que l'opposition de l'ignorance confiante & bête, avec la malice spirituelle. En fait de plaisanteries, c'est la place qui fait tout ; la même, mal amenée, mal encadrée, deviendroit peut-être détestable ; c'est ce dont ne se doutent pas toujours ceux qui aspirent à la réputation de plaisans.
La pièce du C. Deschamps figurera fort bien dans l'agréable répertoire du Vaudeville, avec ses autres jolis ouvrages de Piron, de la Revanche forcée & des Effets au porteur. On peut lui appliquer ce qu'il a mis dans la bouche de Dufresny, par ce couplet vraiment original :
Ma foi le spectateur est tout ;
Dès qu'il condamne on se retracte,
Ici, mon cher, où de faux goût
Il faut tenir sa muse intacte,
Où l'esprit doit, plus que partout,
Avec la gaîté faire un pacte,
Où du sombre on défend surtout
Que l'habitude se contracte,
Où le public souvent n'absout
Qu'avec une justice exacte ;
C'est encore beaucoup
Jusqu'au bout,
De mener gaîment un seul acte
La base César connaît la pièce sous le titre de Charles Rivière, ou le Mariage impromptu. Elle a été jouée 18 fois au Théâtre du Vaudeville, du 31 mars au 15 septembre 1798 (curieusement, les représentations sont données deux fois pour chaque jour : 9 jours pour 18 représentations...)..
La base César connaît la pièce sous le titre de Charles Rivière, ou le Mariage impromptu. Elle a été jouée 18 fois au Théâtre du Vaudeville, du 31 mars au 15 septembre 1798 (curieusement, les représentations sont données deux fois pour chaque jour : 9 jours pour 18 représentations...)..
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