Claudine, ou le petit commissionnaire

Claudine, ou le petit commissionnaire, opéra en un acte, mêlé de musique. Paroles du c. Deschamps, musique du c. Bruni, 16 Ventôse an 2 (6 mars 1794, vieux style).

Théâtre de la rue Feydeau

Almanach des Muses 1795.

Sujet propre à faire chérir les avantages de la destruction des préjugés ; il est tiré d'une nouvelle du c. Florian.

Florville a séduit une jeune villageoise, dans le temps où on connoissoit les distinctions. Il ne pouvoit unir son sort à celui de Claudine, qui, devenue mère, s'est sauvée avec son enfant à Genève, où, déguisée en commissionnaire, elle décrote les passans, et porte des fardeaux. Après nombre d'années, converti par les principes de la révolution, Florville revient chercher sa Claudine, pour l'épouser. Un petit commissionnaire se présente ; il lui fait cirer ses bottes et l'engage à chanter une chanson savoyarde. Comme Florville répète le refrein, Claudine le regarde, le reconnoit et s'évanouit : l'enfant veut continuer l'ouvrage, mais un ami de Florville apprend à celui-ci que ce commissionnaire est justement celle qu'il a cherchée si long-temps. Il embrasse son fils, et épouse la mère. Tous chantent les bienfaits de l'Egalité.

Tableau touchant, beaucoup d'intérêt. Dans la musique, de la simplicité, et un chant agréable.

 

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Huet, an II :

Claudine ou le petit commissionnaire, comédie en un acte et en prose mêlée d'ariettes ; Par le C. Jacques-Marie Deschamps. Musique du C. Bruni.

 

Réimpression de l'ancien Moniteur, tome vingtième : Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 194, Quartidi 14 Germinal, l'an 2e (Jeudi 3 avril 1794, vieux style), p. 120 :

[Le compte rendu commence par un jugement très positif sur la pièce et sur l'auteur. Le critique part de la nouvelle de Florian que la pièce met en scène, l'histoire d'une femme abusée, qui cache son déshonneur sous une tenue de commissionnaire, et qui intéresse un homme qui comprend qui elle est. Celui qui a séduit Claudine revient, et dans une scène très émouvante, dans un « tableau plein d'intérêt et de charmes » elle lui montre l'étendue de ses malheurs. C'est sur la musique que l'article s'achève. Elle est jugée décevante, faute de piquant et d'originalité : Bruni peut mieux faire, et le critique l'invite à reprendre son travail pour donner à ses airs « un caractère de nouveauté plus digne des paroles qu'ils doivent exprimer ».]

THÉÂTRE DE LA RUE FEYDEAU.

Il y a peu de pièces en un acte aussi intéressantes, aussi piquantes, aussi jolies que celle qu'on donne à ce théâtre sous le titre de Claudine ou le Petit Commissionnaire. Situations touchantes et comiques en même temps, présentées avec assez d'art pour que l'une de ces qualités ne détruise pas l'autre ; caractères aussi prononcés, aussi développés qu'un seul acte peut le permettra ; style simple et aussi naturel qu'élégant, tel est cet ouvrage du citoyen Deschamps, déjà connu par plusieurs charmants ouvrages au théâtre du Vaudeville et par l'intéressante traduction de Simple Histoire et de Mathilde.

Le fond est tiré des nouvelles de Florian. Une jeune bergère, dans l'âge de l'inexpérience, s'est laissé séduire par un de ces hommes que les préjugés d'alors faisaient croire beaucoup au-dessus d'elle. Un fils est le fruit de ce moment d'erreur. Elle se croit abandonnée, et, pour cacher sa honte et ses chagrins, elle se retire à Chambéry, où, sous l'habit d'un commissionnaire, elle se dévoue à tout ce que cet état a de pénible et de rebutant. Elle intéresse l'homme riche à la porte duquel elle se trouve ; mais, ayant découvert son sexe, il veut l'éprouver et cherche à lui présenter de nouvelles séductions. Sa résistance ajoute à l'estime qu'elle lui a inspirée.

Alors l'amant de Claudine, poursuivi par ses remords, et à qui la révolution française et le renversement des abus a permis de réparer son crime, arrive, au désespoir de l'inutilité de ses recherches. Il descend chez ce même Lorenzi, dont Claudine fait les commissions. Son domestique, voulant qu'il se présente d'une manière plus convenable, s'empare de la sellette de Claudine ; mais celle-ci arrive avec son fils, enfant de cinq ou six ans, et tous deux exercent leur métier sur les bottes de Dorval, tandis que Claudine, invitée à chanter, fait entendre une romance qui peint leurs malheurs. Ce tableau plein d'intérêt et de charmes amène le dénouement.

On regrette que la musique ne soit pas aussi piquante que le poème ; elle est presque toute composée de petits airs qui manquent pour la plupart de piquant et d'originalité. L'auteur, le citoyen Bruni, a pourtant prouvé plus d'une fois qu'il est capable de faire beaucoup mieux. Est-ce qu'il aurait dédaigné ce poëme ? Est-ce qu'il aurait partagé l'erreur de quelques-uns des acteurs qui comptaient sur sa chute ? Dans ce cas on l'inviterait à refaire successivement les morceaux faibles de son ouvrage, et, sans en élever le ton par des formes plus grandes, à leur donner un caractère de nouveauté plus digne des paroles qu'ils doivent exprimer.

D'après la base César, la pièce a connu un grand succès : 52 représentations en 1794 à partir du 6 mars 1794, 55 en 1795, 22 en 1796. Pour la suite (1797 et 1798), il est possible qu'il y ait confusion des deux Claudine, celle de Deschamps, et celle de Pigault-Lebrun, et il est difficile de faire le décompte de ce qui appartient à l'une et ce qui appartient à l'autre.

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