Colombine philosophe soi-disant, comédie-parade en un acte. de Radet, 17 prairial an 11 [6 juin 1803].
Théâtre du Vaudeville
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Titre :
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Colombine philosophe soi-disant
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Genre
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comédie parade mêlée de vaudevilles
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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17 prairial an 11 [6 juin 1803]
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Radet
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Almanach des Muses 1804
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Madame Masson, an 11-1803 :
Colombine philosophe soi-disant, Comédie en un acte et en prose, mêlée de Vaudevilles. Représentée pour la première fois sur le théâtre du Vaudeville, le 17 Prairial, an XI.
Courrier des spectacles, n° 223 du 17 prairial an 11 [6 juin 1803], p. 2-3 :
[Deux pièces sur le même sujet en même temps, il a fallu choisir laquelle serait jouée la première, et c'est l'adaptation au théâtre du roman de Germaine de Staël, Delphine qui a été choisi pour débuter. Mais la pièce a à son tour subi des retards dus à des indispositions, et l'auteur de Colombine croit nécessaire d'informer le public, via le Courrier des spectacles, de la situation, craignant l'accusation de plagiat.]
AU REDACTEUR du Courrier des Spectacles.
Paris, ce 16 prairial.
Vous vous doutez bien, Monsieur , que la pièce nouvelle annoncée au Vaudeville, et intitulée d’abord la Philosophie de Colombine, puis Colombine philosophe soi disant, a rapport au roman de Delphine, et vous vous étonnez sans doute qu’elle vienne aussi tard et après une autre piece sur le même sujet ; mais vous saurez, Monsieur, que ces deux pièces ont été lues le même jour, et Colombine avant Delphine.
L'administration du Vaudeville leur ayant trouvé une couleur et un but tout différent, crut devoir les accepter l'une et l'autre : cependant quelques circonstances particulières, et qu'il est inutile de rapporter ici, ont fait donner à Delphine le pas sur Colombine. Leur rang étant ainsi réglé, et la première ayant été long temps retardée par indisposition, Colombine fut obligée d'attendre. Cette préférence et ce retard nuisant nécessairement à l'auteur de Colombine, et quelques personnes pourraint, de plus, lui croire le tort d’avoir fait sa pièce d’après l’autre. Pour éviter ce reproche, je crois devoir instruire le public de la vérité , et je vous serai très-obligé, Monsieur, de vouloir bien insérer cette lettre dans votre journal.
Salut et considération.
L’auteur de Colombine Philosophe Soi-disant.
Courrier des spectacles, n° 2283 du 18 prairial an 11 [7 juin 1803], p. 2 :
[Colombine arrive enfin au théâtre, trois semaines après Delphine, et le critique insiste sur le fait que jouer les deux pièces dans l'ordre inverse aurait condamné Delphine, sans donner de raison nette rendant impossible la représentation de Delphine après Colombine. Peut-être faut-il comprendre que la pièce de Radet montre trop clairement combien la lecture du roman est nuisible à l'esprit de gens comme Colombine. Le nom de l'auteur n'a pas été révélé à la fin de la première, l'auteur voulant conserver l'anonymat, mais c'est un secret de polichinelle : la pièce est de Radet qui obtient un nouveau succès, dont il ne tirera pas un surcroît de gloire. Le résumé de l'intrigue montre une héroïne que l'abus de la philosophie (de la lecture du roman Delphine a rendu folle. Quand Arlequin revient après un an et demi, elle refuse de l'épouser (Colombine refusant d'épouse Arlequin, voilà qui est renversant) : elle s'est promise à Léandre. Mais Léandre ne souhaite pas plus épouser une philosophe qu'Arlequin, et il lui préfère une autre femme. Colombine, désespérée, tente de s'empoisonner, mais on a remplacé sa forte dose d'opium par un calmant, et elle échappe à la mort. Il ne reste plus qu'à marier Madame Lélio, tandis que Scapin, revenu de voyage en même temps qu'Arlequin, épouse Colombine. Ce qui bouleverse les règles établies des arlequinades, sans s'achever en drame.]
Théâtre du Vaudeville.
Première Représentation de Colombine philosophe soi-disant.
Colombine, ainsi qu'on l'a vu par la lettre insérée dans notre numéro d'hier, avoit été lue avant Delphine, et traitant le même sujet que cette dernière pièce, elle lui a cédé le pas. La meilleure raison qu’on puisse donner, c’est que Delphine n’auroit pu être jouée après Colombine. Il en est tout autrement de celle ci ; elle le fut hier avec un très-agréable succès. L’auteur a été appelé ; M. Laporte est venu, pour réponse, chanter le couplet suivant :
L'auteur que vous rendez heureux
Desire garder l’anonyme,
Il craignoit un accueil fâcheux,
Et votre bonté le ranime.
Tantôt il étoit aux abois,
N'osant réclamer l'indulgence ;
Mais il a recouvré la voix
Pour chanter sa reconnoissance.
Toutes fois le secret de l'auteur n'a point été gardé, et comme c’est un secret de comédie qui circuloit dans l’orchestre, nous croyons pouvoir le divulguer et nommer M. Radet : un succès de plus. Il n'ajoute rien à sa réputation, nous le savons ; mais il n’ignore pas que nous devons chercher à contenter la curiosité de nos abonnés et surtout de nos abonnées.
Colombine étoit sur le point d’épouser Arlequin lorsque celui-ci est parti avec Scapin. Pendant son absence, qui a duré dix-huit mois , il est survenu un grand changement dans la de sa maîtresse. On peut dire quelle est devenue folle, et sa folie, c’est de se croire philosophe. On conçoit, sur tout en se rappellant le modèle que l’auteur a-suivi, jusqu’à quel point la pauvre Colombint déraisonne. Son style- est tel que personne ne l'entend plus. Arlequin cependant apprend avec plaisir qu'elle ne peut l'épouser s'étant promise à Léandre. La philosophie de Colombine n’est pas la seule cause quî a détaché d’elle Arlequin ; madame Lélio, sœur de Scapin, y est pour beaucoup. Jusqu’ici tout va bien, mais Léandre n’aime pas plus qu’Arlequin les philosophes de l’espèce de Colombine ; il lui écrit pour lui annoncer son mariage avec une autre. Nous ne dirons pas que Colombine perd toute sa philosophie à cette nouvelle ; mais elle y trouve un motif suffisant pour s’empoisonner. Heureusement pour la philosophe qu’on a substitué un calmant à la forte dose d’opium qu’elle a demandée. A peine 1'a-t-elle bue, qu'elle s'imagine sentir les approches de sa mort : on la laisse quelque tems dans l'idée qu’elle touche à sa fin ; ensuite on la rend à la vie et elle se rend elle-même à la raison en abandonnant sa fausse philosophie. Arlequin épouse Madame Lélio et Scapin offre sa main à Colombine.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, IX.e année (an XI-1803), tome I, p. 414-415 :
[Une pièce sur les ravages de la lecture des romans, en l'occurrence Delphine, de Madame de Staël. Les personnages de la comedia dell’arte sont utilisés pour une critique que l’auteur du compte rendu trouve « comique, juste, et sans rigueur ». Les deux acteurs principaux ont été « très-comiques », l’auteur demandé n’a pas paru, mais il avait préparé un couplet pour le dire. Par contre l’article signale qu’il n’y a pas eu de « couplet d’annonce », « contre la coutume » (même au Théâtre du Vaudeville il peut y avoir des changements !). Autre entorse aux règle : le nom de l'auteur était connu d'avance ! Mais le couplet final disait qu'il voulait rester anonyme...]
Théâtre du Vaudeville.
Colombine philosophe soi-disant.
Le roman de Delphine a donné lieu à une pièce qui n’a pas eu grand succès. Celle qui a été jouée pour la première fois le 17 prairial, en a eu davantage, quoiqu’elle doive la naissance au même roman. Mais si elle a été reçue plus favorablement, c’est qu’elle le parodie et même d'une manière assez piquante.
Colombine a lu le roman de Delphine, elle ne rêve plus que philosophie et métaphysique, et elle parle un jargon qui ne le cède en rien à celui des Précieuses ridicules. Arlequin qui devoit l'épouser, mais qui redoute beaucoup une femme philosophe, cherche un prétexte pour se dégager. Colombine le lui fournit en lui avouant qu’elle en aime un autre. Cet autre est le beau Léandre qui manque à sa parole, et remercie Colombine. Elle croit alors n’avoir plus d’autre ressource que celle de s’empoisonner ; heureusement qu'au lieu de poison, on lui donne un calmant qui opère en elle un changement complet. Scapin, qui étoit amoureux d'elle, et qui croit sa guérison entière, lui offre sa main, et Arlequin épouse une jeune veuve qui n’est pas philosophe.
Tel est le fond léger de cette bluette dont le principal mérite est de critiquer, d'une manière comique, juste, et sans rigueur, l'ouvrage de M.me de Staël.
Laporte et M.lle Delille ont été très-comiques dans les rôles d'Arlequin et de Colombine.
L’auteur a été demandé, et Laporte est venu chanter le couplet suivant. On observera que, contre la coutume, il n’y avoit pas eu de couplet d'annonce.
L'auteur que vous rendez heureux
Desire garder l'anonyme ;
Il craignoit un accueil fâcheux,
Et votre bonté le ranime.
Tantôt il étoit aux abois,
N'osant réclamer l'indulgence ;
Mais il a recouvré la voix
Pour chanter sa reconnoissance.
On savoit d'avance que c'étoit M. Radet.
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