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Conaxa, ou les deux Gendres dupés
Conaxa, ou les deux Gendres dupés, comédie en trois actes et en vers, attribuée à un jésuite du Collége de Rennes ; 2 janvier 1812.
Théâtre de l'Impératrice.
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Titre :
Conxa, ou les deux gendres dupés
Genre
comédie
Nombre d'actes :
3
Vers ou prose ?
en vers
Musique :
non
Date de création :
2 janvier 1812 (reprise d’une pièce de 1710)
Théâtre :
Théâtre de l’Impératrice
Auteur(s) des paroles :
Almanach des Muses 1813.
Sujet tiré d'un vieux fabliau, et qui paraît avoir fourni à M. Étienne l'idée de ses Deux Gendres ; quelques vers bien tournés, mais nulle connaissance de la scène. Comique bas et forcé ; succès de circonstance ; on a bien su pourquoi.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Michaud frères, 1812 :
Conaxa, ou les deux gendres dupés, comédie, Représentée dans le Collège de la Compagnie de Jésus, pour la distribution des Prix fondés par Messieurs les nobles Bourgeois de la ville de Rennes, Le 22 août, à une heure après-midi (vers 1710). Imprimé et collationné sur le manuscrit de la Bibliothèque impériale.
La pièce est précédée d'une ample préface des éditeurs, qui fait le point sur la polémique autour de l'accusation de plagiat portée contre Etienne, auteur des Deux Gendres, pièce à succès, qu'on a dite étroitement inspirée de Conaxa.
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1812, tome I (janvier 1812), p. 289-297 :
[La nouveauté du Théâtre de l’Impératrice date de plus de cent ans, et sa réapparition est due à l’énorme polémique qui a agité le monde du théâtre autour de l’éventuel plagiat de la vieille pièce par Etienne, l’auteur des Deux Gendres. L’intérêt de cette critique réside d’ailleurs bien plus dans ce qui est dit de l’affaire Etienne que dans la valeur de la pièce de collège. Imprimée et mise sur scène, Conaxa a fait l’objet d’une comparaison minutieuse avec la pièce nouvelle. L’auteur de l’article trouve légitime ce désir de savoir du public, de se faire une idée par soi-même. Mais Conaxa retorunera vite dans l’oubli, quand la pièce d’Etienne, malgré ses défauts, continuera sa carrière. C’est « une pièce dans les mœurs nouvelles, et dans les caractères que ces mœurs présentent, dans le comique de notre temps, et dans le style de nos jours ». La représentation de Conaxa a surtout permis d’observer le public à l’affut des ressemblances accréditant le plagiat, et qui n’a pas trouvé grand chose pour alimenter cette accusation. Finalement, Conaxa est une pièce sans invention, une « historiette mise en scène, sans art, sans intrigue, sans opposition de caractères ». La représentation a été froide, de plus en plus froide au fil de son déroulement, et elle permet de clore une polémique sans objet : les deux pièces ont leurs qualités, et sont représentatives de leur époque.]
Conaxa.
Un concours tout-à-fait extraordinaire s'est porté à la première représentation de cette pièce. Jamais sa vaste et élégante enceinte ne s'était remplie avec un égal empressement : toutes les loges étaient louées, et les issues du parterre avaient été assiégées de très-bonne heure par une foule impatiente ; un nombre à-peu-près égal de curieux s'est vu forcé de remettre à un autre jour le plaisir qu'il se promettait.
Comment le nom bizarre de Conaxa lu sur l'affiche a-t-il eu tant d'influence ? Pourquoi une pièce de collége, ouvrage présumé d'un jésuite, et jouée par les élèves de la compagnie à Rennes, est-elle devenue de nos jours une pièce nouvelle ? Comment a-t-elle percé l'obscurité profonde qui l'enveloppait, et est-elle sortie tout-à-coup du carton de la bibliothèque impériale, où elle languissait inconnue ? Si jamais le mot et habent sua fata libelli a trouvé sa juste application, certes, c'est dans une telle circonstance : oui, il faut que les livres aient aussi leur destinée, et la littérature son fatalisme.
J'ignore, et je ne prétends pas examiner quel accueil eût reçu Conaxa, si aucune circonstance étrangère au mérite réel de l'ouvrage n'eût prêté à sa représentation un éclat qui ne peut se soutenir, et donné un prix passager précisément à des choses qui en ont assez peu par elles-mêmes : il faut le dire ; ce n'est pas au tribunal du goût que la pièce a été soumise ; c'est devant le redoutable tribunal de la malignité publique qu'elle a été traduite ; mais :il faut se hâter d'ajouter qu'elle y a été mise en jugement par celui-là même qui semblait devoir le plus y redouter sa comparution : le public impartial ne doit pas perdre de vue un fait essentiel, positif, incontestable, dans cette guerre passagère livrée à un talent très-remarquable, comme pour lui faire acheter un succès rapide et brillant, c'est que si Conaxa a été imprimé et représenté, l'auteur des Deux-Gendres, dans une lettre que tout Paris a lue, avait ·pris acte de la demande formelle qu'il en faisait à tout imprimeur et à tout directeur de spectacle qui pourrait désirer un succès de circonstance.
L'auteur des Deux-Gendres aurait tort, ce me semble, de regarder comme des ennemis personnels, et même comme des détracteurs de son talent, tous ceux qui dans cette occasion ont pris part au débat, ont ·consulté, rapproché, commenté les pièces du procès ; tous ceux même qui voyaient ou croyaient voir avec une satisfaction maligne ce que les Deux-Gendres paraissent devoir à Conaxa ; qui comparaient le fonds des deux ouvrages, le point de départ, le moyen principal, le dénouement ; qui notaient les scènes dues à la même intention ; qui comptaient et les idées dues à une imitation apparente, et celles dues à une situation pareille ; qui marquaient les vers offrant de la ressemblance, supputaient les hémistiches, et additionnaient même les rimes en guise de fraction. Si toutes les personnes étrangères aux lettres par leurs fonctions, mais non par leur goût ; si tous les hommes du métier qui se sont fait de cette recherche et de cette comparaison un secret plaisir et une malicieuse joie, étaient en effet des ennemis, des envieux ou d'injustes détracteurs, l'auteur des Deux-Gendres serait à coup sûr trop malheureux ; mais il n'est pas besoin à cet égard de le rassurer. Pour croire que la chose soit ainsi, lui-même connaît trop bien les mœurs d'une grande ville, les habitudes que l'on y contracte, les passe-temps que l'oisiveté ou le besoin de distraction s'y ménagent, et sur-tout ce besoin si naturel à l'homme de surprendre son semblable en faute, cette envie de troubler un triomphe dont l'éclat incommode, et ce désir, si ce triomphe a déplu, de prouver qu'il n'était pas mérité. L'auteur des Deux-Gendres nous paraît avoir acquitté cette partie de la dette qu'on contracte envers le public, toutes les fois qu'on brigue ses suffrages : ces suffrages avaient été unanimes ; ils lui avaient été en quelque sorte prodigués ; tout-à- coup un bruit ennemi s'est fait entendre; et voilà ce même public, chez lequel on trouve, comme chez les individus, passions, intérêt, susceptibilité, préjugés, caprice, qui appelle lui-même, non de son propre jugement, mais de son application, et qui veut savoir si en effet les idées qu'il a applaudies, le but qu'il a trouvé moral, les caractères qu'il a vus bien en opposition, les situations qu'il a jugées intéressantes ou comiques, sont ou ne sont pas de l'auteur qu'il a couronné.
La chose ainsi considérée, qui peut blâmer le public de l'occupation nouvelle qu'il s'est donnée depuis quelque temps, du mouvement des conversations, de la variété des conjectures, de la différence des avis sur le plus ou moins de parité qui se trouve entre les Deux-Gendres et Conaxa ? Qui pourrait reprocher à ce public d'attacher du prix à l'estime qu'il accorde, et aux récompenses littéraires qui ne doivent être que le témoignage de cette estime ? M. Etienne lui-même, que ce mouvement extraordinaire avait pour unique objet, n'a pas le droit de s'en plaindre, et rien dans ce qu'il a écrit ne prouve qu'il s'en plaigne en effet. Il a paru même espérer que cette sorte de persécution littéraire tournerait sous tous les rapports à son avantage, et je crois que son espérance ne sera pas trompée, lorsque les esprits se seront calmés, et que toutes les confrontations possibles auront été faites, refaites, vérifiées et contrôlées.
J'aime à me reporter à l'époque très-peu éloignée, où il ne sera plus question de Conaxa, et où il sera encore question des Deux-Gendres, malgré les défauts que cet ouvrage présente à son point de départ et à son dénouement, dont l'un me paraîtra toujours invraisemblable et hors de nos mœurs, l'autre très-peu satisfaisant sous le rapport de l'effet moral de la pièce : à cette époque j'ai lieu de présumer que l'auteur des Deux-Gendres sera totalement absous par un raisonnement que son extrême simplicité aura fait adopter à la très-grande majorité : ou l'auteur des Deux - Gendres, dira-t-on alors, a connu et imité Conaxa, et il en avait le droit le plus incontestable et le plus usité ; ou il n'a connu que l'histoire de ce malheureux beau-père, mise à sa disposition dans vingt recueils. Dans le premier cas on ne pourrait qu'exiger de lui un aveu qu'il eût pu s'épargner par une déclaration ; dans le second on reconnaîtra qu'une situation donnée peut amener les mêmes développemens. Dans l'une et l'autre supposition, les Deux-Gendres resteront toujours ce qu'ils sont, c'est-à-dire, une pièce dans les mœurs nouvelles, et dans les caractères que ces mœurs présentent, dans le comique de notre temps, et dans le style de nos jours ; pièce qu'on a trop exaltée peut-être, et pour laquelle on a traité avec trop peu de justice d'autres ouvrages dignes d'une haute estime ; mais au total comédie d'un ordre très-distingué ; comédie qui, suivant le systême du paradoxe ingénieux que l'auteur a soutenu dans son discours de réception à l'académie, marquera dans l'histoire du théâtre, parce qu'elle pourra marquer dans l'histoire de nos mœurs.
La représentation de Conaxa était un spectacle très-curieux et très-digne de l'observateur ; pour celui-ci c'était le public lui-même qui était la partie la plus intéressante du spectacle ; il était piquant de voir cette attention soutenue, ce passage continuel des mêmes yeux sur deux imprimés différens, ces coups de crayons donnés à tous deux successivement, et sur· tout ces cris de joie, ces applaudissemens immodérés qui se faisaient entendre lorsque certaines situations, certains passages, ou même quelques vers paraissaient établir des ressemblances entre l'ancien et le nouvel ouvrage ; mais cet appât offert à la curiosité publique, et on doit le dire, à la malignité littéraire, a été bien vîte épuisé. Si l'envie a été pour quelque chose dans ces démonstrations bruyantes, on peut dire qu'elle s'est fatiguée en s'attachant avec acharnement au premier acte de Conaxa, et que dans les deux derniers, elle n'a trouvé que peu d'alimens ou peu de force. Le second acte a été entendu très-froidement ; le troisième a offert deux scènes remarquables. Le dénouement est naturel et moral, c'est celui de l'anecdote imprimée ; les deux gendres abusés croient que leur beau-père a un coffre-fort, qu'ils le trouveront après lui ; ils lui font les plus belles promesses, souscrivent aux conditions les plus dures, et le spectateur rit en songeant qu'après la mort du bon homme, ses avides héritiers, ne trouveront que de nombreuses pierres cachées sous quelques écus ; l'idée du dénouement est bonne en soi ; mais il manque d'effet théâtral, il tourne trop court, et la toile se baisse avant qu'on doive croire la pièce finie.
Il n'y a dans Conaxa nulle invention ; c'est l'historiette mise en scène, sans art, sans intrigue, sans opposition de caractères : le rôle du beau-père est froid ; celui de Phronime a seul de la chaleur et de la vérité : les rôles des deux gendres sont d'une nullité et d'une monotonie complettes : le rôle d'un valet Gorinet, qui passe une partie de sa journée à recevoir des coups de bâton, et l'autre à s'en plaindre, abuse singulièrement de la patience des spectateurs ; ses répétitions sont pour nous insupportables, mais l'auteur écrivait pour. un collége, il s'agissait de faire rire des écoliers et non des hommes du monde ; le jésuite connaissait bien son auditoire, et le comique d'un valet qui craint le bâton, était le seul à présenter à des spectateurs dans l'âge où l'on ne redoute que la férule. Ce rôle, au surplus, amène au 3°. acte une scène très-piquante, celle où le valet de l'un des gendres est forcé de demander pardon au pauvre Gorinet, et de le nommer M. de Gorinet : chose étrange, cette scène a soutenu le 3°. acte de Conaxa, et celle qui, dans les Deux-Gendres, reposait sur le même motif, a déplu et a été retirée après la première représentation. L'ancienne est-elle mieux faite que la nouvelle ? Je ne pourrais l'affirmer ; mais elle était mieux dans son cadre ; elle est plus conforme au ton général de l'ouvrage, où la seule chose remarquable est en général la franchise, la fermeté, la naïveté du style. A cet égard, s'il y avait un reproche à faire à l'imitateur, si toutefois il y a imitation, certes, ce serait d'avoir été trop scrupuleux. Il y a dans Conaxa une foule de vers de comédie qui étaient littérairement de bonne prise, et qu'on ne trouve point dans les Deux-Gendres. Les principaux annotateurs du parterre en paraissaient eux-mêmes tout surpris, et presqu'affligés.
La représentation a fini, comme on le voit, plus froidement qu'elle n'avait commencé ; la ferveur des applaudissemens n'a pas été de longue durée, et on a dû compter dans la salle plus d'un calcul désappointé. L'auteur des Deux-Gendres a donc très-sagement fait de demander, dans sa lettre, la représentation de Conaxa ; depuis, il a déclaré lui-même avoir travaillé sur le sujet des Deux-Gendres, de concert avec un autre homme de lettres ; il paraît ne pas douter qu'il ne doive à cette communauté d'un moment les imitations qui lui sont reprochées, et qu'il pourrait très-hautement avouer, si elles lui étaient personnelles, sans qu'il pût résulter pour lui le moindre sujet de blâme. La représentation est venue confirmer sa déclaration, à laquelle on ne voit rien à opposer, et qui dès-lors est suffisante. Cette représentation rend un service signalé à M. Etienne ; elle dissipe toute l'obscurité qu'on a cru voir dans cette affaire ; enfin, toute considération d'imitation et d'originalité mise à part, considération qui n'altérerait en rien ce que l'ouvrage moderne a de mérite réel, cette représentation a dû fixer les idées sur cette étrange contestation entre un jésuite mort, et un jeune académicien ; elle peut être comparée à la lumière qui, habilement disposée dans une scène d'optique, sépare les sujets, établit les distances, détermine la perspective, et donne à chaque objet la place qu'il doit avoir, l'éclat qui lui convient, et le degré d'élévation qui lui est propre. S.
Parmi les documents publiés lors de l'affaire Conaxa-Deux Gendres, les prises de position d'Hoffman, Fin du procès des "Deux gendres", ou Histoire philosophique et morale de l'exhumation et de l'apothéose de Conaxa, de M. H. Hoffman, et Nouveaux éclaircissemens en forme de conversation, sur Conaxa et les Deux gendres (1812).
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