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Crispin financier

Crispin financier, comédie en un acte, mêlée de couplets, de Merle et Ourry, créée sur le Théâtre des Variétés le 23 décembre 1812.

Journal de Paris politique, commercial et littéraire, n° 359 du 24 décembre 1812, p. 2-3 :

[Le compte rendu est plein d'allusions qui peuvent nous échapper. Colalto est un acteur de la comédie italienne, qu'on retrouve dans une pièce de 1809, Un tour de Colalto, de Dumolard et Moreau, où l'acteur sollicite que le duc Alfieri lui fasse donner 150 coups de bâton, parce qu'il a promis de partager ce que le duc lui donnera avec trois fripons, moyen de dénoncer les maîtres chanteurs, et d'obtenir une récompense de la part du duc. Poisson est un comédien de l'époque de Louis XIV spécialiste des rôles de Crispin, un valet rusé et âpre au gain comme la comédie italienne en connaît tant, et La Popelinière est un financier de la même époque, fermier général, comparé ici à Plutus, dieu de la richesse. Là encore, la demande d'un soufflet est un moyen d'obtenir de l'argent, ici une dot pour sa fille. Le critique ne se soucie pas de la réalité de l'anecdote : le critique ne retient de la pièce que les couplets qu'il cite abondamment, « plus spirituels que soignés ». Il annonce finalement renoncer à critiquer la pièce, « pourquoi troubler la joie d'un succès ? ». L'article s'achève sur une allusion au jeu de la main morte qui comporte le fait de donner un léger soufflet à quelqu'un qui consent à le recevoir. Inutile de faire de la peine aux auteurs...]

THÉATRE DES VARIÉTÉS.

Première- représentation de Crispin financier.

Ce théâtre nous a déjà montré Colalto implorant d’un duc une gratification de cent cinquante coups de bâton, parce qu’il avait promis au suisse au valet de chambre et à l'intendant de ce seigneur de leur donner à chacun un tiers de ce qu’il recevrait de la munificence de leur maître. Dans la pièce nouvelle, c'est Poisson, dernier Crispin de ce nom, qui supplie M. de la Popelinière de lui donner en temps et lieu un petit soufflet. Ce témoignage d’une caressante intimité produit un merveilleux effet. Deux avides sous-traitans craignent que ce protégé du favori de Plutus ne leur souffle le bail des sous-fermes qui doit s’adjuger ce jour-là même obtenir de lui qu’il n’aille pas sur leur enchère, ils lui comptent quarante mille francs, et font ainsi sans le savoir et sans le vouloir une restitution à la jeune Lucile, pupille de Poisson. Son père avait prêté à ces deux coquins une somme pareille qu’ils avaient toujours niée. Les quarante mille francs deviennent la dot de Lucile, qui épouse un jeune auteur, nommé Dorval.

Il importe peu que cette ingénieuse espièglerie attribuée à beaucoup d’autres, ait été réellement imaginée par Poisson ; le point principal était de la mettre en scène avec esprit en gaieté.

C’est ce qu’ont fait MM. Merle et Ourry. Leurs noms ont été demandés et proclamés au milieu des applaudissement. Parmi les Couplets, plus spirituels que soignés, qui ont contribué au succès de l’ouvrage, je citerai les deux suivans.

Vous n’avez rien pour vous marier, dit Poisson à Lucile et à Doryal. — J’ai mon ordre de début aux Français,-répond Lucile. — J'ai trois pièces en manuscrit, s’écrie Dorval,... Poisson leur répond :

Air : Traitant l’amour sans pitié.

Votre espoir est bien léger ;
La gloire est souvent trompeuse.
Sur une scène orageuse
Redoutez plus d'un danger.
Jeune actrice qui commence,
Jeune écrivain qui se lance
Peuvent de leur imprudence
Y voir les tristes effets ;
Cherchant un éclat frivole,
C’est le papillon qui vole
Pour se brûler aux quinquets.

Je ferai observer aux auteurs que du temps de Poisson on ne connaissait pas les quinquets.

« L'amour des lettres est incompatible avec l’esprit des affaires », dit un jeune poète au financier qui cite Beaumarchais avec anachronisme. Dorval répond :

Air : de Marianne.

J’ai, pour démontrer le contraire,
Un exemple chez nous fameux,
D'un grand homme que l’on révère
Le ministère glorieux.
            De toutes parts
            L’esprit, les arts,
            Auprès de lui
      Rencontraient un appui,
            Ses soins constans
            En même temps,
Enrichissaient son prince et les talens.
      Dans ce siècle cher à l’histoire :
      Qui de tant d’éclat fut couvert,
      La France dut au grand Colbert
            Sa fortune et sa gloire.

Je pourrais facilement faire la part de la critique, mais pourquoi troubler la joie d'un succès ? Je crois entendre les auteurs qui me disent comme Poisson à M. de la Popelinière : Main morte, main morte........ petit soufflet.

A.          

Main morte, main morte........ petit soufflet : c'est un jeu de nourrice qui consiste à agiter la main d'un enfant qui se laisse faire, avant de lui donner un petit soufflet avec sa propre main.

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