La Capricciosa pentita

La Capricciosa pentita, dramma giocoso per musica in due atti / la Capricieuse repentante, opéra bouffon en deux actes, 18 fructidor an 13 [5 septembre 1805].

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Hénée, seconde édition, 1808 :

La Capricciosa pentita, dramma giocoso per musica in due atti. La Capricieuse repentante, opéra-bouffon en deux actes. Représenté pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de S.M. l’Impératrice et Reine, le 18 fructidor an 15.

La date de la représentation est donnée dans le calendrier révolutionnaire, pourtant abandonné depuis le 1er janvier 1806 (11 nivôse an 14) : il n’y a pas eu d’an 15. Elle ne correspond pas à la date de création, 18 fructidor an 13.

Sur la brochure parue à Rome en 1808, la musique est attribuée à Valentino Fioravanti, et « la poesia » à Luigi Romanelli.

Félix Clément et Pierre Laroussse, Dictionnaire lyrique ou Histoire des opéras, 1869, p. 137 :

CAPRICCIOSA PENTITA (LA) [la Capricieuse repentante), opéra en deux actes, musique de Fioravanti, représenté pour la première fois à Turin en 1797, puis à Milan en 1801 et sur le Théâtre de l'Impératrice le 5 septembre 1805. Fioravanti, maitre de chapelle de Saint-Pierre du Vatican et auteur d'un grand nombre de messes, a réussi principalement dans la musique bouffe. Le succès qu’obtint la Capricciosa pentita décida l'administration du Théâtre-Italien à monter les Cantatrice villane, dont le trio est encore connu des chanteurs.

Journal de l’Empire, 22 fructidor an 13, lundi 9 septembre 1805, p. 1-3 :

[On reconnaît bien les opinions personnelles du critique du Journal de l’Empire, à savoir sa certitude de la supériorité du théâtre français, et sa préférence pour la musique française. Les productions italiennes sont inférieures à ce que produit la France, avec l’exemple de la Belle Arsène présentée comme un modèle d’opéra-comique. Le public ne partage visiblement pas les jugements sévères du critique, puisqu’il se précipite à l’Odéon pour voir une pièce ramenée à une farce dénuée de sens commun. De même, il conteste les marques d’enthousiasme qui amènent à la multiplication des bis, multiplication que le critique condamne. L’article s’achève sur un jugement positif sur le talent de la cantatrice et sur la musique de Fioravanti. Finalement, cet opéra est finalement supérieur à ce qu’on donne habituellement à l’Opéra-Bouffon.

La Belle Arsène est un opéra-comique en 4 actes, mêlé d'ariettes, de Charles-Simon Favart, musique de Pierre-Alexandre Monsigny, représenté pour la première fois au château de Fontainebleau le 6 novembre 1773. Son succès a été considérable. Elle symbolise ici le bon goût français faceà une Italie extravagante.

Le vers cité dans l'article appartient à Tartuffe, acte I, scène, 1 : c'est un propos de madame Pernelle qui condamne le désordre qui règne dans la maison de son fils.]

Théâtre de l’Impératrice.

      (Opéra-Bouffon)

La Capricciosa pentita.

Il y a des caprices aimables, et qui rendent la beauté plus piquante. La capricieuse de l’Opéra-Bouffon n’a que des caprices extravagans, ignobles et désagréables : ce caractère ne pouvait être traité qu’en France, où les caprices sont une partie considérables du domaine de la coquetterie. La capricieuse italienne n’est qu’une folle ; elle n’a que des fantaisies bizarres : tantôt elle se déguise en bohémienne pour faire peur à son mari, tantôt elle veut qu’il se batte pour elle comme un chevalier errant, et lui donne une leçon d’armes. Toutes ces folies ne prennent point : son mari et ses amans excédés, finissent par l’abandonner. La pauvrette va pleurer ses péchés dans une forêt jusqu’à ce que, touché à son repentir, son vieux mari lui pardonne. Et c’est à une nation qui possède la Belle Arsène, que des étrangers viennent représenter cette rapsodie grotesque ; et par un caprice plus bouffon que tous ceux de la Capricciosa pentita, la nation y court, tandis qu’il n’y a personne à l’Opéra-Comique quand on donne la Belle Arsène.

Ce n’est pas seulement le poëme de Favart qui est un chef-d'œuvre d’esprit, d’imagination et de goût en comparaison de la farce italienne. On sait que les Italiens n’ont pas la prétention au sens commun ; mais ils en ont une autre bien chimérique ; ils s’imaginent l’emporter sur nous en musique autant que nous l’emportons sur eux en poésie ; ils sont persuadés que leur musique a par elle-même tant de charmes, qu’elle n’a nul besoin, pour plaire, du secours de l’esprit ; et comme il suffit souvent dans le monde de vanter son mérite pour faire croire qu’on en a, on a cru les Italiens sur leur parole : parce qu’ils sont étrangers, parce qu’ils ont été nos maîtres, on a jugé cette déférence leur étoit due ; mais enfin la politesse doit faire place à la justice, il faut que ce préjugé s’évanouisse devant la vérité. La musique de la plupart des pièces que les Bouffons nous donnent est très-inférieure à celle de nos bons opéras comique ; et nommément celle de Fioravanti, quelque mérite de composition et d’harmonie qu’elle puisse avoir d’ailleurs, ne peut pas se comparer avec la musique de Monsigni pour l’expression, la mélodie et la variété.

J’avoue que ce désavantage des compositeurs italiens est presqu’obligé. La musique, quoi qu’on en dise, doit marier ses sons à quelque idée, à quelque situation ; et quand elle n’a rien à exprimer, il faut de toute nécessité qu’elle soit insipide et monotone. On a beau vanter les brillantes combinaisons des finales italiens, qui n’ont pour objet que de peindre le chaos, ce ne sont que d’harmonieux et superbes charivaris qui, sans rien dire à l’esprit, étourdissent les oreilles. Jamais ce charlatanisme musical n’approchera d’une situation vive et touchante, rendue avec goût et avec vérité par une musique naturelle. Quoiqu’il y ait de beaux morceaux d’ensemble dans la Capricciosa pentita, en est-il un seul qui puisse entrer en parallèle avec ce trio délicieux de la Belle Arsène :

Doux espoir de la liberté,
Viens calmer mon cœur agité.

La principale raison de cette supériorité, c’est que le trio français est plein de sentiment et peint une situation charmante, tandis que les morceaux d’ensemble de la pièce italienne ne peignent que la confusion et l’embarras de plusieurs personnes dont les idées et les discours se heurtent, qui s’interrompent et parlent ensemble sans vouloir s’entendre ; car voilà le sujet éternel, voilà le motif banal de tous les grands morceaux italiens.

Et c’est tout bonnement la cour du roi Petaut.

On sera tenté de me demander pourquoi la Belle Arsène et beaucoup d’autres ouvrages excellens ne produisent point d’effet et n’attirent personne à l’Opéra-Comique ? Je répondrai tout à l’heure quand il sera question du Théâtre Feydeau : il faut parler maintenant de madame Ferlendis, l’héroïne de la fête, celle pour qui une assemblée nombreuse et brillante s’étoit réunie.

Elle est meilleure actrice que la plupart des italiennes ; elle a de l’aisance et une bonne tenue sur la scène. Le trouble et la timidité lui ont d’abord arraché quelques tons faux ; c’est le tribut des cantatrices qui débutent : mais en général madame Ferlendis chante juste, avec art et méthode. Sa voix a peu d’éclat, peu d’étendue ; mais elle est douce et touchante : c’est ce qu’on appelle un contr’alto. Ce genre de voix ne brille pas beaucoup ; mais il convient à l’expression du sentiment mieux qu’un organe plus sonore. Madame Ferlendis peut être fort utile à ce théâtre, si l’on sait l’employer à propos.

Quant à la musique de Fioravanti, elle est un peu plus forte d’harmonie et d’accompagnemens que le commun des opéras italiens : le récitatif y est prodigué, et l’on y reconnoît une teinte de germanisme. On assure qu’elle a eu le plus grand succès en Italie ; elle n’a pas moins réussi à Paris, où la moitié des auditeurs est composée d’Italiens. Le parterre m’a paru se livrer à tout l’enthousiasme ultramontain, et ne pas distribuer toujours les bravos avec une équité bien scrupuleuse. Depuis quelque temps il a pris le goût des répétitions ; le bis, autrefois si rare, devient beaucoup trop fréquent : on fait répéter des morceaux qui n’en valent pas la peine, sans égard pour le veto des gens raisonnables. Si l’on en croyoit certains amateurs, on répéteroit toute la pièce depuis l’ouverture jusqu’au dernier finale. Cette manie, si elle s’accrédite, deviendra très-onéreuse aux auditeurs français, pour qui les opéras italiens sont toujours trop longs.

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