Le Concert de la rue Feydeau, ou la Folie du jour

Le Concert de la rue Feydeau, ou la Folie du jour, comédie en 1 acte, en prose, par les citoyens René Périn et Cammaille. 15 pluviôse an 3 [3 février 1795].

Théâtre de l’Ambigu-Comique.

La pièce fait partie de la grande vague de pièces anti-jacobines qui déferlent sur les théâtres parisiens de février à avril 1795.

Pour comparer le destin des deux pièces mettant en scène le Concert de la rue Feydeau, celle de Périn et Cammaille et celle de Chaussier et Martainville, voir le Concert de la rue Feydeau.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez les Marchands de Nouveautés, an 3 :

Le Concert de la rue Feydeau, ou la Folie du jour, comédie en un acte, en prose ; Représentée pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de l’Ambigu-Comique, le 15 pluviôse an troisième de la République. Par les citoyens René Périn et Cammaille.

La voix naïve de l’enfance, est la plus douce harmonie pour l’oreille d’une mère.

Mad. Dorval, scène XIII.

La pièce a donné lieu à une vive polémique, commencée avant même sa représentation. La brochure tente d’y répondre, d’abord par un « avertissement » qui rappelle qu’une lettre diffusée avant même que la première ait eu lieu précisait les intentions pures des auteurs, et qui répond à une assez obscure attaque contre la pièce, apparemment fondée sur un malentendu proche de l’absurde. Il s’agit en tout cas pour les auteurs de se défendre contre tout soupçon de favoriser le « terrorisme » et de proclamer leur leur attachement aux valeurs morales d’humanité et de vertu.

AVERTISSEMENT.

L'Accueil favorable que le public fit à la pièce, dès la première représentation, les entraves qu'un mal-entendıı y apporta par la suite, nous engagent à publier nos intentions.

La France entière, en écrasant le hideux terrorisme, a voulu fonder sur des bases invariables l'empire de la justice et de l'humanité. La vertu seule devoit donc proscrire à jamais les extrêmes. C'est d'après ces principes que nous avons établi la pièce intitulée le Concert de la rue Feydeau.

La lettre suivante a été imprimée avant la représentation ; elle est une preuve évidente des sentimens qui nous ont dirigés.

Nous répondrons seulement ici à une objection qui nous a été faite, relativement au ridicule jetté sur les jeunes gens, qui, avec de bons yeux, ont affecté de porter des lunettes. Le sens d'une phrase, mal compris, a donné lieu au reproche le plus injuste. Un mot suffira pour l'anéantir.

A la dernière scène , Dorval dit : – « Vous irez entendre un concert ? – Madame Dorval répond : – qui ne sera pas celui de la rue Feydeau. Et puis, par réflexion : – Mais il a la vue basse. – Dorval : – Eh bien, on le mettra au premier rang, il aura l'ennemi sous les yeux ». – On a crié au meurtre, à la cruauté. – Envoyer un jeune homme à la tête d'un bataillon parce qu'il a la vue basse ! – Les sentimens d'humanité répandus dans la pièce, prouvent que la cruauté n'a jamais été dans notre cœur ; et les jeunes gens en eussent été convaincus, s'ils avoient remarqué que, dès la cinquième scène, dans la description du Concert, Desrosées a de bons yeux. – « Mes yeux se promènent dans ce séjour de délices. – J'y vois, &c. » – Or, Dorval, qui est du même bureau que lui, sait parfaitement qu'il n'a affecté d'avoir la vue basse que pour se soustraire à la défense de l'Etat. Cette idée n'attaque donc en rien ceux qu'une malheureuse incommodité a privés réellement de la vue.

Encore une fois, voilà notre déclaration. Nous ne voulons pas de terrorisme, et nous chérissons l'humanité et la vertu.

Vive la République, une et indivisible!

Signés, RENÉ PÉRIN et CAMMAILLE.

La musique se trouve chez le citoyen Desvignes, artiste au théâtre de la Cité-Variétés.

Après avertissement, reproduction de la lettre de justification, diffusée avant la première, et qui rappelle les accusations portées contre la pièce, qui aurait eu pour but de « ridiculiser les principes de la jeunesse parisienne ». La réponse des auteurs commence par le rejet de l’identification du personnage immoral qui « asseoit ses nombreux revenus sur la débauche et le jeu », puis ils protestent qu’ils ne croient pas que les « vraies républicaines » puissent ce reconnaître dans « ces Bacchantes déhontées » que la pièce met en scène ; « ce luxe de corruption ne sera jamais celui de la jeunesse parisienne ». La lettre s’achève bien sûr par des gages donnés à la vertu et à la République, les deux allant de pair.

A LA JEUNESSE PARISIENNE;

Le 14 pluviôse, an 3e de la République, une et indivisible.

Le meilleur moyen de déjouer la malveillance , c'est de lui opposer la franchise. On a fait courir le bruit que notre dessein étoit de ridiculiser les principes de la jeunesse parisienne, dans une comédie intitulée le Concert de la rue Feydeau, qui va être jouée au théâtre de l'Ambigu-Comique. Voici notre réponse.

Dans un pays bien policé, le luxe, père des arts et du commerce, d'une main tient la colonne de l'état, et de l'autre présente la palme de l'émulation : c'est le luxe de l'abondance et le seul qu'on doive vivifier. Mais nous ne croyons pas que jamais nos jeunes concitoyens reconnoîtront leurs traits dans l'être immoral, vermisseau à face humaine, qui, sans génie, sans ressources, sans état, asseoit ses nombreux revenus sur la débauche et le jeu, et met le prix à chaque espèce de vice, dont il s'est créé une propriété exclusive.

Les vraies républicaines dédaigneront également ces Bacchantes déhontées, qui se font un jeu d'établir la hausse sur leurs attraits d'emprunt, qui, contemplant tous les matins dans un miroir ce que chaque boucle de leurs cheveux peut contenir d'assignats, amorcent la vertu et l'étranglent ensuite dans un tissu doré.

Ce luxe de corruption ne sera jamais celui de la jeunesse parisienne : elle veut l'empire de la justice, et non le règne des escrocs et des courtisanes. Voilà les vices que nous avons attaqués. Si nous avons réussi, la jeunesse parisienne applaudira sans doute à notre courage, et nous crierons ensemble : vive l'empire de la vertu ! vive la République !

Signés, René PERRIN et CAMMAILLE,

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