Doria, ou la Tyrannie détruite, opéra en trois actes, de Legouvé et Davrigny, musique de Méhul. 22 ventose an 3 [12 mars 1795].
Opéra comique national
Almanach des Muses 1796.
Entreprise de Doria contre le Gouverneur de Gênes qui tyrannise cet Etat. Ce Gouverneur s'empare, au moyen d'une trahison, de la personne de Doria. Le Peuple se soulève. Le tyran paroît sur les murs d'un fort, tenant le poignard levé sur son prisonnier et menaçant de le tuer si on ne rentre pas dans le devoir : mais il est lui-même atteint et frappé par un ami de Doria, qui avoit trouvé moyen de pénétrer dans la forteresse.
Réimpression de l'ancien Moniteur, tome 23, Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 175, 25 Ventose an 3 (dimanche 15 mars 1795, vieux style) p. 674 :
[Deux informations avant de passer au résumé de l'intrigue : d'abord une relative déception devant un succès moins grand qu'attendu, et puis le rappel du caractère historique du sujet (mais aussi de son rapport avec le présent). Commence ensuite un résumé très circonstancié de l'intrigue, insistant sur le caractère patriotique des événements mis en scène. Doria est une patriote ardente, ennemie de Gonzague le tyran qui règne sur Gênes. La pièce raconte la conjuration destinée à tuer le tyran, mais un traître informe Gonzague. Au moment même où Gonzague menace de poignarder Doria, il est tué d'un coupe de feu : Doria est sauf. Un dernier paragraphe porte un jugement mitigé sur la pièce : « peu d'intérêt », « plus de remuement que de mouvement ». Si le style est « noble et correct », il est sans relief. « En un mot, l'ouvrage n‘a pas de défaut très-remarquable mais il manque entièrement d'effet. » La musique le sauve pas la pièce, puisqu'elle « n'a produit qu'une sensation médiocre », à l'exception d'un seul air et du final de l'acte 2, morceaux dignes du talent de Méhul. L'article s'achève sur le nom des auteurs des paroles, qui ne sont pas des inconnus (d'où sans doute l'ampleur de la déception.]
Théâtre de 'Opéra-Comique national.
Le succès de Doria, ou la Tyrannie détruite, opéra en trois actes, donné dernièrement à ce théâtre, n'a pas été aussi grand que le nom et la réputation méritée des auteurs le faisaient espérer. L'histoire nous a transmis la conjuration de Doria. qui a délivré Gênes de la tyrannie monarchique. Voici comment cet événement vient d'être transporté sur la scène.
Doria, brûlant d'amour pour la liberté, pour sa patrie, gémissant de la voir sous le joug de Gonzague, de voir chaque jour les meilleurs citoyens immolés aux soupçons que la tyrannie entraîne après elle, épouse Albanie, fille de Montalto, mort l'une des premières victimes du monstre qui tient les Génois dans les fers. Non-seulement il cherche par cet hymen à relever l'espoir de la famille infortunée de Montalto, mais il veut même profiter du trouble de la fête pour faire éclater un complot qu'il a formé secrètement avec quelques amis et avec les citoyens les plus distingués qu‘il a su arracher des prisons. Il a fait part de ses desseins à Vivaldi, capitaine des gardes de Gonzagne ; et comme le mariage doit être célébré dans le palais du tyran, c'est Vivaldi qui, en distribuant les postes, doit favoriser le plus l'exécution du complot. Un des conjurés qui figure encore dans cet ouvrage, c'est le frère de Doria, jeune homme de dix-sept ans, plein de courage, et que le hasard met dans le secret de cette glorieuse entreprise. Amoureux de la jeune sœur d‘Albanie. il saisit un moment où sa mère la laisse seule, assez imprudemment, dans le salon de Doria. Les deux jeunes amants sont surpris ; le jeune homme se cache derrière un rideau, et c'est de là qu'il entend la conjuration.
Cependant Vivaldi trahit Doria ; celui-ci, qui a demandé un entretien secret avec Gonzague, Iul decouvre ses desseins, se croyant sûr du succès, et lui offre la vie, à la condition de lui livrer la citadelle, pour épargner le sang des Génois. Gonzague, qui compte avec plus de raison sur ceux qui le servent, qui n'a nul motif de se regarder comme vaincu, rejette cette proposition, comme Doria devait peut-être s'y attendre, et le fait saisir et désarmer. Cependant Sporta, l'ami de Doria, est parvenu à soulever le peuple, et déjà l 'on assiège le palais. Gonzague se retire avec son prisonnier dans la citadelle, et, à instant où l'on en forme aussi le siège, il paraît sur l'esplanade, un poignard levé sur Doria, menaçant de le percer si le peuple ne se retire. Cette situation connue finit comme à l'ordinaire : Sporta s'est emparé de la citadelle ; pendant le débat, du haut d'une travée on tire un coup d'arme à feu qui tue Gonzague, et Doria est délivré.
Cette pièce offre peu d'intérét. On y trouve plus de remuement que de mouvement. Aucun effet dramatique n'y presse le cœur, et la curiosité même n'est pas excitée. Le style en est noble et correct, mais il manque de traits et de ce charme qui attache. Excepté quelques maximes de liberté, qui sont d'un effet toujours certain sur des Français, on n'y trouve rien qui excite l'applautlissement. En un mot, l'ouvrage n‘a pas de défaut très-remarquable mais il manque entièrement d'effet. La musique même n'a produit qu'une sensation médiocre, si l‘on en excepte un air de Doria, très-bien chanté par Philippe, morceau parfaitement dramatique et d'un effet prodigieux, le final du second acte, plein de chaleur et d'énergie, et l'ouverture, qui est celle que Méhul avait faite pour Cora. On reconnaît tout son talent dans ces trois morceaux ; on le cherche dans les autres où cet habile compositeur parait s'être trompé. Il a voulu donner du chant à la citoyenne Davrigny : il l'a été chercher bien loin, sans se rappeler que son imagination lui en fournit toujours quand il en a besoin ; témoin l'air de Philippe dans Stratonice, et beaucoup d'autres. Les auteurs des paroles sont les citoyens Davrigny, connu par plusieurs productions agréables, et Legouvé, auteur de la Mort d'Abel et d'Epicharis.
Dans la base César : les auteurs, Legouvé et d'Avrigny ; le compositeur, Méhul. Une seule représentation : 13 mars 1795.
Mais Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 228, lui attribue à la fois des coupures après la première (ce n'est pas bon signe), et seulement trois représentations
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