Ericie, ou la Vestale, tragédie en trois actes, de Joseph-Gaspard Dubois-Fontanelle, 19 août 1789.
Théâtre Français.
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Titre :
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Ericie, ou la Vestale
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Genre
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tragédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose ?
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vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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19 août 1789
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Théâtre :
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Théâtre Français
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Auteur(s) des paroles :
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Joseph-Gaspard Dubois-Fontanelle
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L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome X (octobre 1789), p. 323-325 :
[Article repris très largement du Mercure de France, tome CXXXVII, n° 36, du 5 septembre 1789, p. 21-23. L’Esprit des journaux français et étrangers y a simplement ajouté la faute d’orthographe de la première ligne et l’exemple de « vers de sentimens » vers la fin.
La pièce appartient à une série de pièces portant sur l’obligation faite à une enfant de se retirer dans un couvent pour favoriser les desseins paternels concernant un fils, obligation transposée dans le monde romain : la jeune fille est devenue vestale. Elle a été imprimée en 1769, sans pouvoir être représentée, et le compte rendu souligne qu’elle a perdu de ce fait une part de sa force (« les tems ont changé »). Elle est comparée à la Mélanie de La Harpe (imprimée en 1770, jouée en 1791). Contestation intéressante de son dénouement, qui excède ce qui est acceptable la pitié qu’il doit susciter doit rester dans des limites raisonnables.]
THÉATRE FRANÇOIS.
Le mercredi, 19 août, on a représenté pour la premiere fois Ericie ou la Vestale, tragédie en trois actes.
Ericie aimoit Osmide ; mais Aurele, son pere, l'a sacrifié [sic] à l’avancement de son fils, en la forçant d'entrer au nombre des vestales. Ericie maudit les vœux qu'elle a prononcés, quand Osmide trouve le moyen de s'introduire dans le temple de Vesta, lui rappelle ses sermens, ranime son amour, & l'engage à le suivre. Pendant leur conversation, le feu sacré s'éteint ; & une jeune aspirante, effrayée de ce malheur & de l'aspect d'un homme, révele aussi-tôt le secret fatal. Ericie, qui s'accuse elle-même devant la grande-prêtresse, est remise au grand-pontife, son juge suprême. Dans ce juge, elle reconnoît Aurele, son pere, qui frémit en la reconnoissant à son tour. Aurele a perdu le fils qui la rendu barbare ; il a cherché des consolations dans le ministere des autels, & il n'est parvenu au pontificat que pour devenir une seconde fois le bourreau de sa fille. La situation du pere & de la fille est très-intéressante. Elle le devient davantage quand Osmide reparoît, reproche à Aurele ses torts affreux, reçoit les adieux d'Ericie, & emploie tour-à-tour, auprès d'Aurele, la menace & la priere en faveur d’Ericie. Aurele écoute en silence, regarde Osmide, s'attendrit, & se retire. Le malheureux amant forme alors le projet d'enlever Ericie à main armée. On conduit Ericie au-lieu de son supplice. Elle est en proie, ainsi qu'Aurele, aux mouvemens les plus douloureux. La grande-prêtresse hâte le barbare sacrifice ; Ericie s'avance vers son tombeau, Osmide paroît suivi d'une troupe de Romains armés ; il plaide sa cause devant le peuple effrayé de ce qu'il appelle son audace sacrilege, il veut enlever son amante ; Ericie au désespoir, voit le peuple prêt à sacrifier son amant ; elle renouvelle l'aveu de son amour, se poignarde ; Osmide se saisit du fatal couteau, s'en frappe, & tombe auprès d'Ericie.
Cette tragédie est imprimée depuis 1769, & des raisons de police en ont empêché la représentation sur la scene françoise, où elle avoit été reçue avant son, impression. Depuis, elle a trouvé une rivale redoutable dans Mélanie, piece dont le but morale [sic] est plus sensible, plus direct, & par conséquent plus susceptible d'un grand effet, qu'un ouvrage qui ne marche à ses fins que par des voies détournées, Les Auteurs d'Ericie & de Mélanie ont eu les mêmes intentions ; ils ont voulu, l'un & l'autre, s'élever contre le criminel orgueil de ces parens insensé, qui pou- voient impunément immoler une partie de leurs enfans à l'autre, & qui en se vouant à la haine de ceux qu'ils sacrifioient ainsi, se vouoient en même-tems au mépris de ceux pour lesquels ils consommoient le sacrifice. On doit des éloges à l'auteur d'Ericie, on en doit davantage à celui de Mélanie, parce qu'à l'avantage d'avoir présenté son sujet en face, il joint la supériorité du style.
Ericie a produit peu d'effet ; ce n'est pas qu'il n'y ait de très-belles données dramatiques, des mouvemens tragiques d'un grand intérêt ; mais deux personnages seulement y développent leurs caracteres, & il en résulte un peu de monotonie dans la marche des scenes. Le dénouement d'ailleurs n'eſt point satisfaisant. La mort d'Osmide, qui suit immédiatement celle d'Ericie, offre un spectacle qui outre-passe ce qu'au théatre on appelle la pitié, & il a excité des murmures. On a fort applaudi des vers de sentimens, des idées fortes, & des détails très-bien exprimés. Ce que la vestale dit au moment de mourir, a été extrêmement applaudi, principalement ces deux vers
Des vains ménagemens déchirant le bandeau,
La vérité s'assied sur le bord du tombeau.
Il a manqué à cet ouvrage d'être représenté il y a vingt ans ; à cette époque , il auroit, à coup sûr, obtenu le plus grand succès, ce qui alors auroit paru vigoureux, ferme & courageux, paroît aujourd'hui naturel & simple, parce que les tems pont changés : Et habent sua fata libelli,
D’après la base César, la pièce à connu une série de représentations en province : à Lyon en 1768, à Besançon en 1769, à Bordeaux en 1772, à Saint-Quentin en 1778. Sa création parisienne a eu lieu le 19 août 1789, au Théâtre de la Nation où elle a été jouée 2 fois (19 et 24 août).
Dans Anastasie et sa besace : ce qu'il y a dedans et ce que nous allons y mettre (Paris 1892), Louis Chatillon rappelle que la pièce a été victime de la censure : interdite à Paris, elle a été jouée à Lyon, avant d'y être également interdite (p. 61-62).
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