L'Enfant prodigue, ou les Délices et les dangers de Memphis

L'Enfant prodigue, ou les Délices et les dangers de Memphis, pantomime en 3 actes et à grand spectacle, de J. G. A. Cuvelier et J. B. Hapdé, musique arrangée par M. Foignet, 22 janvier 1812.

Cirque Olympique.

La date de création est incertaine : le Journal de Paris annonce la première le 22 janvier, mais aussi le 23. Et le Journal de l'Empire, qui ne donne pas le programme du Cirque Olympique le 22, annonce la première le 23. Le 24, le Journal de Paris annonce la deuxième représentation de la pièce.

Il s’agit d’une nouvelle version de l’Enfant prodigue des mêmes auteurs mélodrame en 4 actes, joué au Théâtre de la Porte Saint-Martin le Paris, 3 frimaire an 12 [25 novembre 1803].

Elle a été publiée chez Barba en 1812.

Journal de Paris, n° 24 du 24 janvier 1812, p. 4 :

[L'auteur de cet article n'a rien oublié : il parle de la vogue récente des pièces reprenant un sujet à succès, dont il donne plusieurs exemples. Il en profite pour annoncer l'apparition d'autres Enfant prodigue, celui du Théâtre du Vaudeville étant une arlequinade. Le sujet se prête à de nombreuses variations, et sa place est bien sur les théâtres où on met l'intérêt de la pièce avant « le joug des règles ». Ce serait un très beau sujet pour l'opéra, mais « pour l'instant », il attire la foule au Cirque Olympique. Dès le sous-titre, on comprend que les auteurs n'ont pas négligé la morale et suivent la parabole, ou sa version sous forme de « complainte populaire ». Tous les éléments du récit évangélique sont présents. Le critique regrette d'ailleurs que le fils prodigue ne soit pas un peu plus un mauvais sujet. La présence d'une fidèle maîtresse permet d'introduire des éléments spectaculaires. Il y a même un combat, mais que le critique n'a pu voir à cause de la fumée qu'il produit. Reste à donner le nom de presque tous les auteurs (rien sur la musique). Rien oublié ? Si, quand même : il manque le rapprochement de la pièce de Cuvelier et Hapdé à celle qu'ils ont mis sur le théâtre en 1803, sous le même titre, mais sans sous-titre, et en 4 actes, réduits ici à trois.]

CIRQUE OLYMPIQUE.

Première représentation de l’Enfant prodigue,
ou les Plaisirs et les Dangers de Memphis.

A Paris, le succès d’une pièce ou plutôt d'un titre donne l’éveil à tout le peuple des imitateurs, et les affiches de tous les théâtres annoncent le même sujet, sous vingt formes différentes. Qui pourrait compter toutes les Cendrillons qu’a fait naître celle de Feydeau ? Nous avons eu cinq ou six Fanchons, autant de Belles au Bois dormant, etc. etc. ; faut-il donc s’étonner que l'Enfant prodigue obtienne le même honneur que ses devancières ? Azaèl-Elleviou nous a peint, sous des traits si touchant, l’infortune et le repentir de ce déserteur du toit paternel, que son retour a fait autant de plaisir au public qu’à sa famille. Je ne parlerai pas du malencontreux Cadet Roussel panier percé ; il est mort, laissons en paix sa cendre. Mais comme il est naturel aux hommes d’être plutôt enhardis par l’exemple d’un succès, que découragés par le spectacle d’un revers, on annonce de tous côtés des Enfans prodigues. Le vaudeville même nous offrira le sien. Je craignais d’abord que, séduit par l’exemple de quelques succès larmoyans obtenus à ce théâtre, l’auteur ne mît dans sa pièce de la prétention au pathétique ; mais on a dissipé mes craintes en m’apprenant que L'Enfant prodigue sera représenté par le joyeux bergamasque. La pièce est une arlequiuade.

La parabole de l’Enfant prodigue offre un sujet éminemment dramatique. Mais je crois qu’il convient surtout aux théâtres où il est permis de secouer le joug des règles. En observant l’unité de temps et de lieu, on ne peut présenter le principal personnage que dans une seule situation, malheureux et repentant ; mais sur une scène où l’on n’exige qu’un vif intérêt et un brillant appareil théâtral, l’auteur peut présenter en action tout ce qu’il est obligé do mettre en récit sur un théâtre régulier.

Quelle variété de tableaux, tous contrastans de la manière la pins pittoresque, ce sujet offrirait à l’Opéra ! Aussi le public attend-il avec impatience le jour où il pourra jouir de, ce beau spectacle, et en attendant il s’était porté en foule au Cirque Olympique.

Les auteurs , en ajoutant le second titre des Plaisirs et des Dangers de Memphis, ont pensé qu’un peu de morale ne gâtait rien, même dans l’affiche d’une pantomime. Ils ont suivi littéralement la parabole, ou plutôt la vieille complainte populaire de l’Enfant prodigue. On le voit exigeant et recevant de son père sa légitime qu’il va dissipera Memphis, au sein des plus coupables plaisirs ; bientôt abandonné par ses lâches parasites et ses vénales maîtresses qui ont consommé sa ruine, il est dans le désert en proie au plus affreux besoin et tout voisin du crime ; enfin la voix du remords se fait entendre, et il se traîne jusqu’aux lieux qui 1'ont vu naître, où il retrouve le cœur et le banquet paternels.

On peut faire à cet enfant prodigue le même reproche qu’à celui du poème de M. Campenon ; c’est de n’être pas assez mauvais sujet. Ses fautes sont l’effet des pernicieux conseils d’un faux ami, à bon droit nommé Judas.

Mais s'il a le plus perfide des amis, il possède la plus fidèle des maîtresses. Sous le costume d’un esclave éthiopien, elle le sauve des griffes d'un lion, de son propre désespoir et du poison que lui avait préparé Judas, qui lui-même en meurt victime.

Je ne parlerai pas d’un combat magnifique. ni d’un brillant incendie, car la fumée ne m’a permis de rien voir de ces merveilles, et le Cirque a longtemps retenti d’une toux générale.

Fumée à part, l’Enfant prodigue a obtenu un succès complet. En sera-t-on surpris, quand on saura qu’il est de MM. Cuvelier et Hapdé, les maîtres en ce genre. Les ballets sont de M. Goddet. On a remarque un pas de lanternes fort orginal.

A.          

Journal de l'Empire, 1er février 1812, p. 4 :

[Un article assez court, pour faire le tour des Enfant prodigue qu'on joue sur bien des théâtres avec des succès divers, avant de parler plus longuement de la pièce du Cirque Olympique, dont Geoffroy pense beaucoup de bien. Il insiste sur le talent des deux auteurs, d'une grande expérience. Le succès de leur pièce, dont il ne donne le sous-titre, tient aux décors et aux costumes, mais aussi à « l'intérêt des situations » et à la fécondité de « l'imagination des deux auteurs ». Comme son collègue du Journal de Paris, Geoffroy ne fait pas le rapprochement avec la pièce des mêmes sur le même sujet en 1803.]

CIRQUE OLYMPIQUE.

L'Enfant prodigue.

Je n'ai rien dit d'une arlequinade qui a paru au Vaudeville, sous le titre de l'Enfant prodigue : faire un Arlequin de l'Enfant prodigue, c'était renoncer à tout intérêt. Cette facétie n'a point réussi, quoique les Enfans prodigues soient à la mode : le poème de M. Campenon en a fourni plusieurs théâtres. Le meilleur de tous, celui de Voltaire, a été puisé dans une autre source ; on l'a remis au Théâtre Français pour le faire profiter de la vogue mais on ne l'a joué que deux fois. J'ai parlé de l'Enfant prodigue de Feydeau, où il y a de l'intérêt : voici au Cirque une pantomime sur le même sujet, qui a beaucoup de succès. Je n'en suis pas surpris : on n'a rien à reprendre au style ; elle parte très éloquemment aux yeux ; c'est t'ouvrage de deux faiseurs des plus fameux : l'un M. Cuvelier qui est une espèce de thaumaturge en ce genre ; l'autre, M. Augustin qui fait maintenant courir tout Paris à la Barbe-Bleue, sur le théâtre des Jeux Gymniques, auteur d'une foule de mélodrames et de pantomimes dont les représentations se comptent par centaines. Le nouveau spectacle du Cirque attire la foule par la beauté des décorations et des costumes, par l'intérêt des situations et par les richesses variées que l'imagination des deux auteurs y a prodiguées.

Geoffroy.          

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