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L'Enlèvement de Ragotin et de Madame Bouvillon, ou le Roman comique dénoué

L'Enlèvement de Ragotin et de Madame Bouvillon, ou le Roman comique dénoué, comédie en deux actes, de Cailhava [an 7, 1799]

Pièce non représentée, d'après la Biographie universelle ancienne et moderne de Michand, tome 6 (1854), p. 348.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Charles Pougens, an 7 :

L'Enlèvement de Ragotin et de Mme. Bouvillon, ou le Roman comique dénoué, comédie en deux actes; Par Cailhava de l'Institut.

La pièce s'adresse aux lecteurs du Roman comique de Scarron, où sévissent Ragotin et Madame Bouvillon.

Le texte de la pièce est précédé d'une lettre adressée aux administrateurs du Théâtre-Français de la République, suivie d'un long commentaire sur la façon, indigne à ses yeux, dont il a été traité quand il a voulu faire jouer sa pièce du Dépit amoureux. On sent combien Cailhava souffre de ne pas être reconnu à ce qu'il pense être sa juste valeur.]

SUPPLÉMENT
AUX MÉMOIRES HISTORIQUES
SUR MES PIÈCES.

LETTRE

Aux Citoyens composant l'administration du Théâtre-Français de la République.

Citoyens,

C'est sous les yeux du plus sévère des juges, le parterre du pays latin, que je débutai dans la carrière dramatique ; et ses leçons m'instruisirent à marcher sur les traces des grands hommes qui l'avaient formé. Ma persévérance à ne pas m'écarter des anciens modèles, m'a valu et les bontés du public, et l'indifférence de quelques comédiens; aussi il n'est pas une seule de mes pièces qui, une fois échappée aux dangers des premières représentations, n'ait tout de suite disparu du répertoire : le Tuteur dupé, le Mariage interrompu, l'Egoïsme, les Menechmes grecs, transplantés sur plusieurs théâtres étrangers, sont bannis de celui qui les vit naître. Je suis enfin le seul de nos auteurs vivans, qui, depuis neuf à dix mortelles années, n'ait point paru sur la scène française.

Indigné, je l'avoue, des manœuvres qui m'en écartent, j'avais résolu de me venger par le plus profond. . . . . silence. Mais aujourd'hui, qu'adopté par l'Institut je lui dois compte de mes ouvrages et de leurs succès, j'offre à la nouvelle administration, non-seulement mes pièces imprimées (1), mais quelques autres reçues depuis quinze ans, depuis douze, depuis huit, etc., etc.  la dernière surtout ne demande ni décorations, ni costumes nouveaux; elle n'exige pas même de grands frais de mémoire; c'est le Dépit amoureux, rétabli en cinq actes, avec les changemens que m'ont dictés et mon respect pour Molière, et le désir de renvoyer aux tréteaux une misérable rapsodie en deux actes, mal cousus, mal intrigués, sans exposition, sans dénouement, et où l'on réduit à deux scènes un ouvrage qui en offre vingt de la plus grande beauté. Aucun comédien, je l'espère, ne refusera d'être de moitié dans l'hommage que je brûle de rendre à son maitre et au mien.

______

Ma lettre fut renvoyée au Cen. Sageret; il me répondit fort honnêtement, et recommanda mes intérêts à l'un de ses administrateurs, le citoyen Dégligni. Celui-ci me fait beaucoup d'amitiés ; il a joué, dit-il, toutes mes pièces dans les départemens ; il est extrêmement surpris qu'elles ne soient pas sur le répertoire du Théâtre-Français ; il me promet ses soins pour leur reprise : nous convenons qu'on commencera par les Menechmes grecs ; ce n'est pas tout, il me fait inscrire pour trois pièces nouvelles, et m'engage à faire passer d'abord celle en deux actes, ayant besoin d'une petite comédie ; je n'attends ma lecture qu'environ six semaines; et me voilà au milieu de mes juges, trois comédiens et quatre amateurs.

A peine ma pièce était-elle lue, que le Cen. Desrozières m'invite à sortir. Je ramasse à la hâte ma redingotte, mes gants, mon chapeau, et déjà dans le corridor je demande pourquoi cet empressement. – On va délibérer. – J'attends donc ici la décision. – Je vous l'enverrai demain. – Pourquoi ce retard ? En cas de discussion, les comédiens refuseront-ils de dire franchement leur avis à un vieil habitué de leur théâtre ? Quant aux amateurs, ils ne dédaigneront certainement pas d'entrer en explication avec l'auteur de l'Art de la comédie. – Ce n'est pas l'usage : demain, je vous le répète, vous saurez la décision. – Je l'attends un jour,

deux jours, trois jours, enfin dix jours de suite, cette décision; et c'est inutilement.

Mes amis vont à la découverte ; ils apprennent mes torts et ceux de mon ouvrage: Les miens sont d'avoir mis en action des comédiens : ceux de mon ouvrage sont d'exposer les acteurs qui le joueraient à de malignes interprétations (2).

Je ne veux pas approfondir pourquoi, dans tous les cas, on s'est permis de ne pas m'écrire ; mais je répéterai à mes amis, pour la mille et unième fois : Me taxerez-vous encore de paresse ou d'indifférence  ? et ne voyez-vous pas qu'on s'obstine à vouloir me fermer la carrière dramatique?

Je soumets mon ouvrage au public ; j'ai cru qu'une intrigue comique, nouée et dénouée par un personnage toujours sérieux, pouvait être piquante : une bagatelle, si elle est sévèrement faite, n'est pas indigne des connaisseurs.

 

(1) Les bontés dont le public les a honorées, mon âge, les pertes que j'ai faites, tout veut que j'insiste.

(2) L'on joue dans ce moment, rue Feydeau, les Comédiens ambulans ; et cette pièce est l'ouvrage d'un comédien.

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