L’Épouse imprudente

L’Épouse imprudente, comédie en cinq actes et en vers, de M. Desforges, 13 septembre 1791.

Théâtre de mademoiselle Montansier.

Titre :

Épouse imprudente (l’)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

13 septembre 1791

Théâtre :

Théâtre Montansier

Auteur(s) des paroles :

M. Desforges

Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, Volume 2, p. 172, la pièce figure dans la liste des pièces de Théâtre de Desforges, avec sous-titre. Une note attribuée à M. de Soleinne précise qu'il a trouvé « dans l'Almanach des Spectacles de 1793 : […] l'Épouse imprudente ou les Dangers de la séduction, 4 ou 5actes ».

Jules-Édouard Bouteiller, Histoire complète et méthodique des théâtres de Rouen, tome 1 , p. 266 :

[Dans la liste des comédies jouées au Théâtre de Rouen en 1791-1792 :]

L'Epouse imprudente, ou les Dangers de la séduction, comédie en cinq actes et en vers, de Desforges, ornée d'une décoration nouvelle représentant un salon à la moderne. Première représentation en février 1792, au bénéfice de Mlle Dufresne. Cette pièce était la Femme adultère, retouchée par l'auteur lui-même.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 12 (décembre 1791), p. 342-346 :

[Après un long résumé qui peut sembler confus, le critique fait l’éloge de la pièce : de l’intrigue et des personnages, bien rendus par les différents acteurs (c’est la toute jeune Mlle Mars qui est la plus remarquable), de la mise en scène, de l’interprétation et du style. Un seul reproche, fait à l’auteur, il aurait dû mieux faire sentir les possibles faiblesses de Mde. d’Orgeval grâce à une scène supplémentaire entre elle et d’Ingerville au début de la pièce.]

THÉATRE DE MLLE. MONTANSIER.

On joue avec succès, à ce théatre, une comédie nouvelle, intitulée l'Epouse imprudente, en cinq actes & en vers, dont l'auteur est M. Desforges.

Mde d'Orgeval, fille d'un vieux militaire nommé Montelar, a pour mari un homme vertueux, sensible, mais d'un caractere un peu emporté. Elle a reçu chez elle, comme ami de son mari, un de ces séducteurs, qui faisoient autrefois le charme des sociétés & le malheur des familles. Cet intrigant parvient à lui persuader qu'elle n'est pas heureuse avec son époux.

Une sœur de Mde. d'Orgeval (Euphrosine) doit épouser aujourd'hui d'Alicourt, son amant. Mde. d'Orgeval veut retarder la fête, elle prétexte une indisposition ; son mari, son pere, obtiennent d'elle la promesse que le terme du délai mis à l'hymen de sa sœur sera fixé au lendemain.

Cependant d'Ingerville (c'est le nom du séducteur), profite de l'empire qu'il a pris sur l'esprit de Mde. d'Orgeval, pour la déterminer à écrire à son mari qu'elle ne l'aime plus : il se charge de faire parvenir la lettre ; & l'on se doute bien qu'il est exact à remplir son engagement. La lettre parvient à M. d'Orgeval, au moment où il se félicite avec Eup[h]rosine , d'Alicourt, & le pere de sa femme, de l'approche de la fête. D'Ingerville est présent. D'Orgeval s'évanouit à cette lecture, d'Ingerville s'éloigne, le pere devient furieux ; & laisse à Euphrosine & d'Alicourt, le soin de secourir son gendre.

Il court à l'appartement de sa fille ; d'Ingerville venoit de lui remettre une lettre qu'il lui avoit dit ne contenir que des conseils, sur la conduite qu'elle avoit à observer dans la position où elle se trouvoit ; il sort à l'approche de Montelar qui, resté seul avec sa fille, cherche à apprendre les motifs qui ont pu la déterminer à cette démarche. D'Orgeval paroît lui-même au mement où elle confirme à son pere, ce qu'elle avoit exprimé dans sa lettre à son mari. Elle s'éloigne, le pere & le mari s'affligent ensemble, la femme-de-chambre vient leur annoncer que sa maîtresse a pris la fuite. Ils se disposent tous deux à courir après.

D'Ingerville, dans sa lettre à Mde. d'Orgeval, l'invitoit à fuir la maison de son mari, & lui
offroit un asyle.

Le quatrieme acte commence : d'Ingerville est dans ce qu'il appelle sa petite maison : il y attend Mde. d'Orgeval. Son valet profite de cet instant pour lui faire des reproches sur le projet qu'il a conçu & qu'il exécute, de trahir l'amitié, de déshonorer une femme foible, mais vertueuse ; de porter la honte & le malheur dans une famille respectable. Ce valet est réellement un honnête homme : dans les premieres scenes, il a pris avec la femme-de-chambre de Mde. d'Orgeval, l'engagement de veiller pour cette victime de la plus abominable intrigue. D'Ingerville donne des ordres pour que sa porte ne soit ouverte qu'à Mde. d'Orgeval. Le vaiet semble se disposer à obéir ; cependant la premiere personne qu'il introduit est M. d'Orgeval lui-même, qui vient annoncer à son ami que sa femme a pris la fuite, & le presser à partager les démarches qu'il va faire pour la retrouver. D'Ingerville paroît étonné, affligé du malheur de son ami, mais il ne peut sortir ; il attend une fille innocente que ses parens veulent contraindre à épouser un homme qu'elle n'aime point. Le valet annonce à l'oreille de son maître Mde. d'Orgeval. D'Ingerville court à elle après avoir fait de nouvelles excuses à son ami, & l'avoir déterminé à s'éloigner par une fausse porte qu'il charge son valet de lui indiquer. Mais le valet ne profite de l'absence de son maître, que pour apprendre en deux mots à d'Orgeval, combien il lui importe de ne pas s'éloigner dans une piece voisine.

D'Ingerville & Mde. d'Orgeval sont sur la scene. Mde. d'Orgeval commence à sentir toute l'horreur de sa situation ; elle s'exhale en reproches contre le séducteur : celui-ci s'excuse & lui offre de l'accompagner à Bruxelles chez une certaine tante. Mde. d'Orgeval s'indigne ; le mari paroît & propose à sa femme de l'accompagner lui-même; il met alors l'épée à la main, & ordonne à d'Ingerville de se défendre. Montelar arrive ; il avoit trouvé dans la chambre de sa fille, la lettre de d'Ingerville ; elle lui avoit appris dans quels lieux il devoit espérer de la trouver ; il s'oppose au combat de son gendre, le force à s'éloigner avec sa fille, reste seul avec le coupable, & le provoque au combat.

Dans le cinquieme acte, Mde d'Orgeval n'éprouve que des remords ; son mari, qui n'a pas cessé de l'aimer, veut la dérober au courroux de son pere, il lui offre un porte-feuille, la propriété d'une maison de campagne, & la presse de partir pour s'y rendre. Ce procédé délicat accroît le repentir de Mde. d'Orgeval, qui après avoir mieux lu dans son ame, confesse qu'elle n'a jamais cessé d'aimer son mari, & qu'elle a pris pour de l'indifférence, ce qui n'étoit qu'un mouvement d'humeur ou de dépit. Elle proteste qu'elle n'a jamais été coupable ; le mari pardonne : Montelar arrive, il s'étonne, il entend les excuses de sa fille, & pardonne à son tour. Il vient de se battre avec d'Ingerville, il a été blessé à la main ; son adversaire est mort. Euphrosine & d'Alicourt vont être unis.

L'intrigue de cette piece marche toujours avec intérêt ; le spectateur aime tous les personnages, il ne hait que d'Ingerville Le rôle de celui-ci est plein de grace, de finesse & d'esprit. Il est rempli avec une grande intelligence par M. Beaumanoir. M. Patrat joue avec sens le rôle de Montelar ; ceux de M. & de Mde. d'Orgeval, remplis par M. Lacave & Mde. Vasel, arrachent souvent des larmes ; mais c'est sur-tout le rôle d'Euphrosine, qui fait honneur à l'auteur qui l'a créé, à l'actrice qui le joue. Mlle. Mars nous paroît s'être surpassée dans cette nouvelle piece. Dans les premiers actes elle est gaie comme son rôle ; dans le dernier elle joue avec son ame. Cette jeune actrice promet de grands talens, & peut-être, n'est-il pas exagéré de dire qu'elle tient déjà ce qu'elle promet. Nous l’invitons à préférer les rôles qui exigent de la sensibilité, aux rôles ingénus : il y a trop d'esprit dans sa figure, pour que, même au théatre, elle puisse jamais faire croire qu'elle en manque.

En général, cette piece est bien mise ; elle est jouée avec ensemble, & l'auteur auroit des graces à rendre aux acteurs, si son ouvrage n'étoit pas ce qu'il est. Le seul reproche que la critique peut lui faire, c'est que dans le 1er. acte, les foiblesses de Mde. d'Orgeval, ne sont pas assez promises. Il nous semble qu'une nouvelle scene entre Mde. d'Orgeval , & d'Ingerville, dans laquelle l'art de la séduction seroit déployé dans toute sa force, produiroit un heureux effet, si sur-tout elle étoit placée, comme nous croyons qu'elle doit l'être, au commencement du premier acte.

Quant au style, un mot en fait l'éloge. Il est encore plus élégant & plus pur que celui de la Femme jalouse, piece du même auteur qu'on revoit toujours avec un nouveau plaisir.

D’après la base César, la pièce de Desforges a été jouée 10 fois au Théâtre de Montansier du 13 septembre au 25 novembre 1791.

 

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