L'Épouseur de vieilles femmes

L'Épouseur de vieilles femmes, comédie en trois actes, par M. Planard ; 17 octobre 1808.

Théâtre de l'Impératrice.

Titre :

Epouseur de vieilles femmes (l’)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

17 octobre 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Planard

Almanach des Muses 1809

Imitation du Coureur d'Héritages, production agréable de M. Justin, représentée, l'année passée, au même théâtre. Point de succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1808 :

L’Épouseur de vieilles femmes, comédie, en trois actes et en prose, Par M. Planard, Représentée pour la première fois au théâtre de S. M. l'Impératrice, salle de l'Odéon, le 17 octobre 1808.

Mercure de France, p. 182-183 :

[Le compte rendu commence par résumer la pièce, sans oublier de donner son avis, plutôt critique, en cours de résumé (critique de la conversation en plein air : ce n’est en effet pas très prudent ; qualification du notaire, « le fripon le plus complaisant », la pièce ne lui semble pas très originale, ni très vraisemblable). Bilan : des scènes bien dialoguées, des détails spirituels, mais, inversement, une profonde immoralité, et c’est à propos du notaire qu’elle est montrée : comment peut-on s’attaquer à une fonction aussi honorable ? Jamais un notaire français n’agirait ainsi. Et je ne crois pas que le critique soit ironique !]

SPECTACLES. — Théâtre de l'Impératrice. — Première représentation de l'Epouseur de vieilles femmes; comédie en trois actes et en prose.

Fréville, jeune gascon, qui n'avait apporté de son pays qu’un grand fonds de mérite, est pourtant parvenu à se faire un revenu de quinze mille livres : Dulac, son compatriote, désirant aussi de faire fortune, le prie de lui communiquer son secret. Fréville lui apprend qu'il consiste à épouser de vieilles femmes qui font donation de leurs biens après leur mort : qu'il s'est déjà marié deux fois de cette manière, et qu'il espère bien ne pas rester en aussi beau chemin. Dulac, séduit par ses raisons, adopte les mêmes principes, et tous deux se promettent de battre le pays, dans l'espérance d'y trouver le gibier qui leur convient. Cette conversation (ce qui est très-naturel) se tient à table en plein air, à la porte d'une auberge de village. Le notaire du lieu, qui, tout en faisant de son côté un maigre déjeûner, prêtait l'oreille aux discours des deux gascons, leur apprend qu'ils trouveront, dans ce village même, deux vieilles filles riches, et qui brûlent d'envie de se marier. D'après les renseignemens de M. le garde-note, Fréville et Dulac se mettent à la poursuite des deux vieilles, et parviennent sans beaucoup de peine à leur but. Le notaire est chargé de dresser les contrats de mariage, et rien ne paraît plus s'opposer à l'accroissement de fortune des deux aventuriers. Mais les vieilles filles ont une nièce : toutes les nièces de comédie ont un amant; et celui d'Adèle, qui s'appelle Armand, arrive de Paris sur ces entrefaites. Comme le mariage des tantes ruinerait sa maîtresse, il cherche à le rompre. Le même notaire, qui est le fripon le plus complaisant, se prête à tout ce qu'il désire : il persuade aux tantes que Fréville et Dulac, apprenant qu'elles ont une nièce en âge d'être mariée, ont fait insérer dans le contrat une clause portant donation de cent mille livres en faveur de la nièce. Les vieilles, touchées d'un procédé si beau , se hâtent de signer le bienheureux contrat. Les gascons, qui voulaient tout ou rien, n'approuvent pas cette générosité, et repartent pour Paris, dans l'espérance d'y trouver quelques dupes au moyen des Petites-Affiches. On se doute bien qu'après leur départ, Armand épouse Adèle.

Cette comédie offre quelques scènes bien dialoguées et plusieurs détails spirituels, mais on peut dire, sans trop affecter de rigorisme, qu'elle blesse la morale. Le notaire paraît d'autant plus vil qu'il abuse de la confiance de ses commettans, sans y être porté par un motif puissant, et que c'est dans l'espoir d'un faible gain qu'il les trahit, tantôt pour Fréville et Dulac, tantôt pour Armand et la nièce. Les fonctions de notaire sont honorables et honorées, et j'ai peine à croire que l'auteur ait trouvé en France le modèle de celui qu'il a peint avec des couleurs si odieuses.

M. Planard, auteur de l'Epouseur de vieilles femmes, ne pourra se plaindre ni de l'injustice du parterre, qui n'a murmuré qu'après avoir écouté, ni des acteurs qui ont bien joué leur rôle, ni des journalistes qui l'ont jugé d'après les convenances de la scène.                            B.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année,1808, tome VI, p. 184 :

[Que reprocher à cette pièce qui n’a pas plu ? Qu’elle n’est pas très morale (des aventuriers qui épousent de vieilles femmes et tiennent des propos indécents). Qu’elle n’est pas originale. L’auteur pouvait mieux faire dans le traitement des détails. Un point positif : elle a fait rire (« du comique dans le dialogue »).]

ODÉON. THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

L’Epouseur de vieilles Femmes, comédie en trois actes et en vers, jouée le 8 octobre.

Cette pièce n'a pas eu de succès. On a désapprouvé le tableau de deux aventuriers qui s'enrichissent en épousant de vieilles femmes, et qui plaisantent d'une manière peu décente sur les avantages d'une pareille ressource. Ce fond est celui de plusieurs comédies ; mais l'auteur, qui a déjà fait preuve de goût et de talent, auroit pu en tracer les détails avec plus d'adresse et de ménagement. La pièce a pourtant eu quelques représentations, et ceux mêmes qui l'ont le plus blâmée, n'ont pu s'empêcher de trouver du comique dans le dialogue : elle est de M. Planard.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome XII, p. 274-280 :

[Le compte rendu fait la part belle à l’analyse de la pièce, mais c'est pour en montrer l’invraisemblance, parfois de façon curieuse (il n’y avait vraiment pas de vieilles filles à cette époque ?). Mais ce résumé tourne au réquisitoire, quand il s’agit de dénoncer l’immoralité de ces mariages (le critique parle de dégoût et se montre d’une grande sévérité). La pièce s’achève dans la plus belle confusion, certains tentant de faire nommer l’auteur, sans doute pour siffler son nom, et ils y arrivent !]

L'Epouseur de vieilles Femmes.

Je veux prendre une fois le parti des vieilles femmes, et faire observer qu'il faudrait ou une terrible vertu ou une terrible figure pour être arrivée à soixante ans, folle comme on nous les représente toutes sur le théâtre, sans avoir mérité vingt fois au moins d'être enfermée par avis de parens. Sans doute la Bélise des Femmes savantes, le modèle et la moins extravagante de toutes, devait avoir eu une singulière jeunesse ; avec de pareilles dispositions, il n'y a pas, je crois, de figure sur laquelle on puisse compter,

Et l'on a des amans quand on veut en avoir.

Comment donc se représenter une femme qui a couru 6o ans après les hommes sans en avoir attrapé un ? Il y aurait vraiment du malheur ; si elle n'a été attrapée par aucun , il y a du miracle. Une fille qui est parvenue à soixante ans, cherchant toujours un mari sans avoir fait en chemin aucune mauvaise rencontre, doit assurément quelques remercimens à son bon ange. Mais si elle marche quinze mille livres de rente à la main, ne cherchant qu'un mari et prête à prendre sur le grand chemin le premier homme de bonne volonté, si avec cela à soixante ans elle n'a pas encore trouvé un escroc pour la dépouiller, elle doit se croire ensorcelée. Au reste,

Il s'en présentera , gardez-vous d'en douter,

et deux pour un. Aussi avons-nous deux filles à marier. Mesdemoiselles Araminte et Isabelle Duretour, établies à deux lieues de Paris, où avec leur fortune elles soupirent en vain après le mariage, et font venir des caisses de romans nouveaux pour se désennuyer. A deux lieues de Paris faire venir des romans dans des caisses, et des maris de Gascogne, en vérité, ces personnes-là vont toujours chercher, comme on dit, midi à quatorze heures. Ce n'est même pas elles, c'est le hasard qui amène à leur porte le gascon Dulac avec son ami Fréville. Fréville voyage à son aise, et paie à déjeûner à son ami Dulac, gascon dans toute l'étendue du terme et avec tous les accessoires de son état, c'est-à-dire, sans un sou. Fréville n'était pas originairement plus riche que son ami Dulac, mais se trouvant, à la mort de son père, sans fortune et sans autre vocation que celle de s'en faire une, n'ayant de goût ni pour les armes, ni pour la robe, ni pour la finance, il n'a vu qu'un parti qui lui convint, celui du mariage ; et pour le suivre d'une manière lucrative, il a tourné ses vues du côté des vieilles femmes. Il en a déjà épousé deux, l'une après l'autre s'entend, car il a des mœurs et ne se laisse point emporter par l'ardeur des spéculations. Cette vie économique et rangée lui a valu quinze mille livres de rente ; il est veuf de sa seconde femme et en cherche une troisième qui lui complette les vingt-cinq mille livres de rente auxquelles il a borné son ambition, et qu'il prétend avoir acquis avant quarante ans par son savoir faire. Son ami Dulac qui n'a épousé personne, a bien l'air d'avoir fait quelques marchés plus amusans, mais moins avantageux ; aussi quitte-t-il Paris, ruiné, au moment où son ami Fréville y arrive avec ses quinze mille livres de rente, et dans l'auberge où ils se rencontrent, située je crois à Surène, arrive le notaire du village cherchant par-tout des déjeûners et des diners, comme Mlles. Duretour cherchent des maris ; mais son industrie est plus active, parce qu'il fäut dîner tous les jours, et que les meilleures caisses de romans ne tromperaient pas l'estomac comme le cœur. M. Mathieu, en sa qualité de notaire, soupire autant après les contrats de mariage, que Mlles. Duretour après les maris. Il se transporte tous les jours, en idée, au repas de noces de Mlles. Duretour dont il est le notaire, et d'après la conversation des deux amis, n'hésite pas à leur proposer une affaire qui sera bonne pour tous les trois. Fréville n'est pas très-pressé ; en état d'attendre maintenant , il ne veut faire qu'un bon marché ; mais Dulac est au point de prendre tout ce qu'il trouvera : aussi se rabat-il sur la cadette des deux sœurs, parce que Fréville, d'après les solides principes qui dirigent sa conduite, et en vertu du droit d'invention, s'est adjugé la plus âgée ; et même en la voyant craint-il qu'on ne l'ait trompé sur son âge, et la trouve-t-il un peu trop fraîche, tandis que Dulac, moins aguerri, est pétrifié d'effroi en voyant l'air décrépit de la plus jeune.

Jusques-là les choses allaient assez bien. La première idée paraissait assez piquante ; le dialogue, sans être très-saillant, ne languissait pas trop, et quelques sifflets, qui s'étaient prononcés apparemment pour manifester leur intention et faire acte de présence, avaient paru un peu prématurés. Fréville s'était présenté à Araminte comme le fils d'une de ses anciennes connaissances ; une scène d'un sentimental burlesque avait servi au gascon Dulac d'introduction auprès de la romanesque Isabelle. Les deux mariages, proposés à la porte de la maison, s'étaient arrangés avant d'y rentrer, et on s'accommodait assez de cette manière expéditive dans l'espérance que cela nous délivrerait promptement de ces vieilles et ridicules amours. Il y a des folies dont l'exposé peut être piquant, mais dont le développement n'inspire que du dégoût. Une femme qui se livre à des sentimens, à des transports, que celui qui en est l'objet ne paie que de mépris, est peut-être le spectacle le plus rebutant qu'il puisse y avoir. La Bélise de Molière est tout juste ce qu'il faut pour qu'on la supporte ; et Bélise ne laisse pas échapper le plus petit mot qui fasse supposer qu'elle aime Clitandre ; elle lui permet seulement de l'aimer quand il ne songe pas à lui en demander la permission. On ne voit de sa folie que la vanité, et en vérité des penchans qui peuvent rendre une femme à-la-fois méprisable et ridicule, la vanité est le seul qu'il soit permis d'indiquer. Le ton de farce que donnent à cette pièce les amours des deux vieilles filles, n'a pas paru suffisamment gai pour faire passer l'invraisemblance du fonds ; leurs scènes de tendresse avec leurs prétendus, quoique tout cela soit fort court, ont paru encore trop longues, et le canevas sur lequel sont appliqués ces détails, n'a pas semblé racheter les défauts de l'exécution par un mérite suffisant d'invention. Une petite nièce, qui a aussi son amoureux, l'a fait venir dans l'espérance que ses tantes consentiront à le lui donner en mariage ; elles avaient déjà promis d'assurer leurs biens aux jeunes gens quand les aventuriers épouseurs sont arrivés et ont tout dérangé par leurs propositions ; le jeune homme s'en prend au notaire qu'il soupçonne d'avoir traité ce double mariage ; celui-ci, sur la promesse qui lui est faite d'avoir tous les jours son couvert mis chez les jeunes amans, promet de travailler à les marier en remariant les tantes. Pour cet effet, il confie en grand secret aux épouseurs que les deux tantes ont l'intention de distraire chacune sur leurs biens une somme de cinquante mille francs pour marier leur nièce, à qui elles assurent d'ailleurs la moitié de ce qu'elles possèdent. Les deux prétendus chargent M. Mathieu de déclarer à leurs futures que cette clause rompait le mariage. Il leur dit au contraire que, touchés de générosité pour la jeune Lise et son amant, les deux futurs époux ne veulent entendre parler de rien qu'après qu'elle sera dotée. Il leur fait en conséquence signer une donation, en vertu de laquelle les deux épouseurs furieux abandonnent la partie, en disant que des douairières ils n'aiment que le douaire, On aurait pu leur répondre que, s'ils aiment les douairières , il ne fallait pas s'adresser à des personnes qui ne pouvaient être douairières, puisqu'elles n'ont jamais été mariées ; mais personne n'a songé à leur faire cette réflexion ; on était pressé de les voir partir, principalement le public qui les y invitait depuis quelque temps, Son opinion sur leur compte s'est énoncée d'une manière encore plus formelle quand il s'est agi de nommer l'auteur, que des officieux avaient demandé, apparemment pour lui donner le plaisir d'entendre siffler son nom après avoir entendu siffler sa pièce. La parterre a bien fait ce qu'il a pu pour l'en dispenser ; . mais on a mis autant de volonté à lui apprendre ce nom qu'il en mettait à ne pas le savoir. Au plus fort de l'orage, Clozel, qui depuis plusieurs minutes attendait vainement un moment de calme, a trouvé moyen de nous faire entendre avec un geste d'impatience le nom de M. Planard.

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