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L'Exil de Rochester, ou la Taverne

L'Exil de Rochester, ou la Taverne, vaudeville en un acte, de Dumolard et Moreau, 5 octobre 1811.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Exil de Rochester (l’), ou la Taverne

Genre

vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

5 octobre 1811

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Dumolard et Moreau

Almanach des Muses 1812.

La France littéraire de J.-M. Quérard, tome VI (1834), p. 292, range la pièce parmi les œuvres de C.F.J.B. Moreau, en collaboration avec Dumolard. Elle a été publiée à Paris, chez Martinet, en 1812.

Journal de Paris, n° 7 du 7 octobre 1811, p. 1-2 :

[Le critique n'était visiblement pas pressé de parler de la pièce du jour : il lui faut deux longs paragraphes de généralités avant d'arriver à parler de l'Exil de Rochester. Le premier de ces paragraphes est consacré à souligner le paradoxe qu'il y a à admirer sur le théâtre des êtres immoraux qui dans la réalité font horreur. Il faut le talent de Molière pour « rendre la vertu plaisante sans l'avilir ». Le critique suggère qu'il conviendrait de mettre dans le dénouement de leurs pièces « une leçon frappante » pour détruire, « dans les ames faibles, l'impression passagère » que produit la vision des « formes agréables de ces monstres ». Le deuxième paragraphe présente Rochester, passé du « goût de l'étude » à « celui des plaisirs » : de poète, le voilà devenu « un lâche courtisan ». Après ces longs préliminaires, il est temps de résumer l'intrigue de la pièce, qui montre un Rochester exilé par le roi et devenu exploitant d'une taverne fréquentée par les marins. Elle est fréquentée par un constable chargé de mettre la main sur les exilés, et donc sur Rochester, mais aussi par le prince royal qui s'y encanaille. Au moment où il va dévoiler qui il est à un jeune homme qui a jugé sévèrement les vers qu'il lui a présenté, le constable le fait arrêter parce qu'il le prend pour Rochester. Celui-ci, aidé d'un ami qui partage son exil, profite de la situation embarrassante du prince, obtient la grâce des exilés. Le dénouement est ensuite résumé à grands traits : il faut un mariage, et le jeune homme trop franc épouse la nièce de l'ancien propriétaire de l'auberge, dont Rochester cède volontiers la direction. La pièce ne peut éviter la comparaison avec la Jeunesse de Henri V, mais les auteurs ont su lui donner une allure nouvelle « par des mots heureux, des couplets spirituels, de la gaieté et un ton de comédie fort agréable ». Ces pièces historiques, généralement peu réussies sont bien venues au Vaudeville «  où l’esprit et la grâce font tout excuser ». Il n'aurait fallu qu'« une action plus attachante, plus rapidement conduite » pour que leur pièce résiste au temps, mais telle qu'elle est, elle devrait vivre assez longtemps pour permettre aux auteurs, qui sont cités, de produire une autre pièce (façon délicate de leur dire qu'ils pouvaient mieux faire?). Le dernier paragraphe est consacré au jugement porté sur les interprète : tous ne sont pas félicités.]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.

Première représentation de l'Exil de Rochester, ou la Taverne,
comédie—vaudeville en un acte.

Rochester fut un de ces aimables libertins qui font sur le théâtre une fortune aussi rapide mais plus durable que dans le monde ; on les applaudit à la scène, on les méprise dans la société ; l’image de leurs galantes folies amuse, la réalité fait horreur ; à la fin d'une comédie tout le monde est content, parce que tout le monde a ri : il n’en est pas ainsi d'une famille souvent plongée dans le désespoir par les entreprises d’un roué qui fonde sa réputation sur le scandale et l'infamie. Il est peut-être dangereux de nous représenter ces personnages sous des couleurs trop séduisantes ; la jeunesse, avide d impressions, incapable de discernement, se corrompt sans le vouloir à la vue de ces tableaux brillans ; les femmes, que la séduction attaque victorieusement quand le plaisir la seconde, tombent en riant dans le piège qui leur dérobe le précipice. En effet. quel écolier pressé de parvenir ne se fera pas un mérite de ressembler à Lovelace, à Moncade, à Rochester ? Quelle femme, jeune, belle et coquette, résistera aux serments de Richelieu, de don Juan ? et, cependant, la femme et l'écolier s'abusent ! Je sais que les intrigues, les ruses, les discours de ces hommes et de ceux qui les entourent, offrent une source inépuisable d'esprit, de plaisanteries et de comique ; je sais qu’il n'appartient qu'à Molière de rendre la vertu plaisante sans 1'avilir, que son Alceste amuse autant qu'il instruit, et qu'il plaît autant qu’il corrige ; il ne serait pas raisonnable d'exiger de nos auteurs ce degré de perfection ; mais il me semble qu'ils pourraient arrêter l'épidémie et prévenir le danger de son retour en immolant leurs jeunes débauchés au bonheur des honnêtes gens qu'ils ont voulu tromper, en accompagnant leurs dénouemens d’une leçon frappante, et qui détruirait, dans les ames faibles, l'impression passagère qu'auraient produite les formes agréables de ces monstres ; je ne leur conseille pas de les ramener subitement à la vertu par quelque grand exemple, ou par l'effet d'un heureux repentir : ce retour soudain est contre les règles dramatiques ; il est d'ailleurs de le rendre naturel ; mais entre les règles et la morale il n'y a pas à balancer.

Rochester commença bien sa carrière, il fut d'abord un écolier studieux et savant. A l'âge de 12 ans il fit une bonne pièce de vers sur le rétablissement de Charles II. Ses dispositions pour la poésie se développèrent ; elles lui promettaient des succès ; mais un malheureux penchant entraîna son talent vers la satire, et bientôt il perdit par ses ouvrages l’estime que sa conduite lui avait acquise ; le roi, les personnages les plus respectables, ne furent point à l’abri de ses traits. Né pour figurer avec éclat dans le monde, il se vit incertain sur le rang qu’il pourrait tenir ; une philosophie commode, de dangereuses fréquentations, et peut-être la vue de quelque Lovelace anglais sur le théâtre de Londres, le détermina au choix fâcheux qu'il fit, en remplaçant son goût pour l’étude par celui des plaisirs ; il eût été un poète distingué, il ne fut qu’un lâche courtisan. On a traduit quelques-uns de ses ouvrages dans notre langue : ils attestent un génie élevé, un esprit pénétrant, et une grande connaissance des hommes. C'est sous ce double aspect d'homme de lettres et d’homme de cour que les auteurs du vaudeville nouveau le représentent.

Exilé par son roi, blessé de ses écrits mordans, Rochester tient une taverne dans un des faubourgs de Londres ; le comte Dorsay, son ami, l’a suivi dans cette retraite : ils y reçoivent tout ce que la marine anglaise a de matelots dignes de l’enseigne de ce cabaret, appelé la Taverne des indépendans. Un constable chargé de chercher les exilés dont la désobéissance est connue se présente, il boit avec eux sans les reconnaître ; mais bientôt arrive le prince royal lui-même, qui, tout occupé d’une chanson à boire dont il veut régaler ses compagnons, rencontre un petit écolier de I'université d’Oxford, et le consulte sur ses vers. La franchise de cet enfant le pique ; il va se faire connaître, quand M. Sottmann, le constable, le prenant pour Rochester, vient l’arrêter : le prince garde l’incognito ; il passe dans la chambre voisine, et rapporte la grâce des coupables signée de sa main, que le constable reconnaît. Rochester et Dorsay profitent de l’état embarrassant du prince, et reçoivent la faveur dont il les honore ; ce dernier, surpris de l’audace des exilés, ne refuse pas la confirmation d'un acte de clémence que lui dicta la nécessité, et la pièce finit par le mariage de Jenny, nièce du dernier propriétaire de la taverne, avec le jeune Laurent, qui devient à son tour aubergiste, parce que l’on pense bien que Rochester et Dorsay, rentrés en grâce, renoncent à tenir cette auberge.

Les auteurs n’ont pu éviter la ressemblance nécessaire de cette pièce avec une scène de la Jeunesse de Henri V : mais ils l’ont rajeunie par des mots heureux, des couplets spirituels, de la gaieté et un ton de comédie fort agréable. Ce genre de pièces historiques est mauvais, dangereux et facile à suivre ; mais il convient au vaudeville, où l’esprit et la grâce font tout excuser. Les auteurs n’ont eu qu’à se féliciter d’avoir transporté ce sujet dans leur domaine ; s’ils avaient ajouté une action plus attachante, plus rapidement conduite, leur succès serait peut-être plus solidement établi ; ils n'auraient point à craindre le tems, ennemi des ouvrages légers ; mais tel qu'il est, leur édifice vivra assez pour leur laisser le loisir de l’étayer par un autre, et jusque-là MM. Moreau et Dumolard ne perdront rien de leur réputation d’auteurs et de chansonniers aimables.

Henry a été trop sage dans Rochester ; il a fait désirer la présence de Julien, à qui ce rôle convenait parfaitement  Isimhert a froidement joué le froid Dorsay ; Edouard n’a pas tiré tout le parti possible de la caricature du Constable ; Guenée a eu de la verve dans le rôle de l’écolier, et Mme. Hervey a fait preuve de talent dans celui de Jenny.

D.          

Mercure de France, tome quarante-neuvième, n° DXXXV. (Samedi 19 Octobre 1811), p. 132

[Rappel de l’anecdote concernant Rochester, résumé de la pièce (avec des changements dans les faits) à laquelle manque une intrigue amoureuse (pourtant presque présente dans la pièce). Le premier reproche : la distribution des rôles, mal faite. Le reproche essentiel : trop ressembler à la Jeunesse d’Henri V d’Alexandre Duval. Sa réussite tient à un dialogue vif et à l’esprit des couplets.]

Théâtre du Vaudeville.—Première représentation de l'Exil de Rochester, ou la Taverne, vaudeville en un acte.

L'Exil de Rochester ! Sur ce titre, je m'attendais à voir ce trait si connu : « Rochester exilé par le roi se cacha dans la cité, où déguisé en directeur de marionnettes, il eut tant de vogue, que le bruit de sa renommée passa bientôt de la cité jusqu'au palais de St.-James : plusieurs seigneurs vinrent voir les marionnettes; Rochester qui les faisait parler, amusait les habitans de Londres du récit des avantures scandaleuses de la cour ; enfin, les choses furent poussées si loin, que le roi lui-même s'y rendit. » C'est dans les mémoires du chevalier de Grammont qu'il faut lire cette anecdote racontée avec tant de graces et de gaîté par Hamilton : je crois que si l'on y eût cousu une intrigue amoureuse, elle aurait pu fournir le sujet d'un joli vaudeville; mais ce n'est pas là le fond de la pièce nouvelle. Rochester, exilé de même par le roi, se fait maître de taverne, et Dorset, son ami, passe pour son associé ; le constable du quartier vient visiter les nouveaux venus qui se débarrassent de lui avec du punch. Quelques rnomens après, Charles II vient lui-même souper dans cette taverne. Le constable qui a reçu l'ordre de s'emparer de Rochester, se trompe et veut arrêter le roi à sa place ; celui-ci, pour être libre, sans être obligé de se nommer, présente au constable un ordre signé du roi qui accorde la grace de Rochester et de Dorset : Rochester, présent à cette scène, s'empare prudemment de l'ordre, et tombe aux genoux du roi pour implorer son pardon qui lui est accordé.

Ce n'est pas tout de faire un ouvrage, il faut encore en distribuer avantageusement les rôles. Henry représente Rochester ; ce rôle me semblerait devoir appartenir à Julien, et Henry aurait été placé dans celui de Dorset mieux que l'acteur qui le remplit, et qui a un air bien sévère et une voix bien grave pour le compagon de joueuses débauches. Le rôle du constable est une copie du commissaire de Piron avec ses amis; Edouard le joue avec trop de charge ; il imite servilement la caricature de Tiercelin.

Le reproche le mieux fondé qu'on puisse faire à l'Exil de Rochester, c'est une ressemblance trop exacte avec la jolie comédie de M. Alexandre Duval, la Jeunesse d'Henri V ; cependant l'ouvrage a réussi et il méritait d'être applaudi : il unit des avantages qui deviennent plus rares tous les jours ; il est bien écrit, et les auteurs, MM. Moreau et Dumolard, ont mis de la vivacité dans le dialogue et de l'esprit dans les couplets : il faudrait être bien mal disposé pour ne pas se contenter de la réunion de ces deux qualités dans un petit acte au Vaudeville.                               B. S,

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1811, p. 291-294 :

[Reprise du sujet de la pièce d’Alexandre Duval, la Jeunesse de Henri V, mais « la mine est riche », et il est naturel « que plus d'un ouvrier se mette à l'exploiter ». Ici, le roi en cause redevient celui que l’anecdote concernait, à savoir Charles II. Mais on retrouve bien Rochester, « courtisan délié, poëte spirituel, libertin aimable ». L’intrigue se passe dans une auberge, où Rochester se cache après avoir été condamné à l’exil pour avoir écrit des vers irrespectueux envers le roi. Il se déroule là des événements dont la vraisemblance est limitée, mais qui connaissent l’issue favorable attendue. Du vide, des longueurs, défauts « avantageusement balancés par de jolis couplets, par des situations comiques, et par un dialogue vif, agréable et spirituel » : c’est suffisant pour obtenir un succès pour ce que le critique appelle une « ingénieuse production ».]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

L'Exil de Rochester.

Courtisan délié, poëte spirituel, libertin aimable, Rochester offre un caractère fort piquant à mettre sur la scène ; aussi l'un de nos plus ingénieux auteurs dramatiques s'en est-il déjà saisi, et l'a développé avec beaucoup d'art dans la jolie pièce de la Jeunesse de Henri V ; mais s'il n'y a pas de sujet si pauvre qui, par le temps qui court, ne puisse fournir aux besoins de plus d'un poëte, à plus forte raison, lorsque la mine est riche, doit-on trouver fort simple que plus d'un ouvrier se mette à l'exploiter : c'est ce qui vient d'arriver à la Vie de Rochester ; mais quoique la situation ne soit pas la même, le lieu de la scène n'a pas changé, et c'est encore une taverne qui sert de théâtre au roi d'Angleterre et au plus aimable comme au plus satirique des seigneurs de sa cour. Les auteurs du Vaudeville auraient fort à faire pour ne pas se rencontrer trop exactement avec l'auteur de la comédie ; on ne saurait dire, à la vérité, qu'ils aient évité constamment de donner prise à une comparaison dangereuse, mais le plus souvent ils l'ont esquivée avec assez d'adresse. Voici le plan qu'ils ont adopté :

Rochester qui, dans ses vers, ne respectait personne, pas même le roi, a décoché contre Charles, encore prince royal, des traits assez mordans pour lasser son indulgence. L'exil est la punition du poëte audacieux ; mais, au lieu d'obéir et de quitter Londres, il se cache dans un faubourg écarté, y lève une taverne, et sous un autre nom vend du porter et du rossbif aux partisans de l'Indépendance ; c'est l'enseigne du cabaret. Bientôt la taverne de Rochester a la vogue, et le prince lui-même vient, suivant son usage, y boire et y composer des vers. Il ne rencontre d'abord ni Rochester, ni son ami le comte Dorsay, qui n'a pas voulu l'abandonner dans son exil, non plus que dans les projets de sa folie ; mais il y trouve, en revanche, un écolier de l'université d'Oxford, qui critique sa chanson, et un certain Sottnann, constable de son métier, chargé d'arrêter Rochester , et qui ne le connaissant pas plus que le prince, croit faire un coup de maître en constituant Charles son prisonnier. Celui-ci juge d'abord à propos de ne pas se découvrir ; mais Rochester et Dorsay, qui l'ont reconnu, profitent de sa position embarrassante pour lui faire signer leur grace, Le prince la confirme avec son indulgence ordinaire. Les exilés retournent à la cour, et pour que la taverne ne reste pas sans maître, on la donne avec la belle Jenny, nièce de l'ancien propriétaire, à l'écolier d'Oxford, qui reçoit ainsi tout à-la-fois la récompense due à son amour et à sa franchise. On peut reprocher à cet ouvrage léger du vide et des longueurs ; mais ces défauts sont avantageusement balancés par de jolis couplets, par des situations comiques, et par un dialogue vif, agréable et spirituel. Des applaudissemens, assez unanimes ont accueilli cette ingénieuse production, dont les auteurs, MM. Dumolard et Moreau comptent déjà plus d'un succès mérité.                       T.

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