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Fernand, ou les Maures
Fernand, ou les Maures, opéra-comique en trois actes, livret de de Bussy, musique de Wölfll, 22 pluviôse an 13 [11 février 1805].
Théâtre de l’Opéra Comique.
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Titre :
Fernand, ou les Maures
Genre
opéra-comique
Nombre d'actes :
3
Vers / prose
en prose, avec des couplets en vers
Musique :
oui
Date de création :
22 pluviôse an 13 [11 février 1805]
Théâtre :
Théâtre de l’Opéra Comique
Auteur(s) des paroles :
de Bussy
Compositeur(s) :
Wölfll
Courrier des spectacles, n° 2900 du 23 pluviôse an 13 (12 février 1805), p. 3 :
[Apparemment, il n'y a rien à sauver dans cet opéra-comique, ni livret, ni musique... Les auteurs ont eu la chance de ne pas être nommés...]
Les Maures, qu’on a joués hier pour la première fois à l’Opéra-Comique, n’ont pas été heureux dans leur début. On a trouvé que l’auteur du poème connoissoit peu l’art dramatique, qu’il ne connoissoit guères mieux la langue française , et qu’il connoissoit encore moins la scène. Son poème est un amas de fictions sans unité, sans liaison et sans vraisemblance. La musique est aussi pauvre d’invention que les paroles. A peine y a-t-on remarque' une phrase musicale ; elle est également dénuée d’harmonie et de mélodie ; le chant est presque toujours un véritable contre-sens. La seule musique en situation a été celle des sifflets, on n’a point voulu connoître les auteurs ; et c’est une politesse du parterre dont le poète et le musicien doivent être également satisfaits.
Mercure de France, volume 19, n° CLXXXIX du 27 pluviôse an 13 (samedi 16 février 1805), p. 420-422 :
[Critique sévère d’une pièce où rien ne va (ni le livret, ni la musique, ni l’interprétation). Le plus intéressant, c’est le début, où l’auteur de l’article transforme le théâtre en champ de bataille, dans lequel le mélodrame joue le rôle du conquérant, heureusement battu, parce que, s’il s’empare de l’Opéra-Comique, il n’arrêtera pas là ses conquêtes, jusqu’à régner en maître : les ouvrages des grands auteurs, forcément sublimes, laisseraient la place à des pièces faites des ingrédients spectaculaires du mélodrame, « la lanterne magique, des tremblemens de terre, le chaos, la création, la fin du monde », et les décorateurs prendraient la place des auteurs, devenus inutiles. Le nouveau mélodrame est mal construit : trop de matériaux, qui pouvaient remplir deux pièces. Le résumé de l’intrigue montre cette surabondance, avant qu’on aboutisse au verdict : « ce roman n'eût pas été sans intérêt, s'il avait été bien écrit et bien filé ». Mais ce n’est pas le cas (on ne savait pas d’abord si elle était en prose ou en vers blancs). Les acteurs ont eu bien de la peine avec leur rôle, où ils n’étaient pas bien placés. Et la musique est encore pire que le poème, elle ne s’accorde en rien avec les paroles.]
THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE
(ci-devant Feydeau).
Fernand ou les Maures.
Le mélodrame a heureusement fait une tentative infructueuse pour s'avancer du Boulevard à l'Opéra–Comique : de là il n'y a qu'un pas à la rue de Louvois et au grand Opéra, qui touchent à la Comédie française. Quand le mélodrame eut achevé ces conquêtes, le petit vaudeville ne lui eût pas résisté, et il se fût trouvé en possession de la monarchie universelle : les barbares eussent usurpé le domaine du génie, et, à la place des traits sublimes, passionnés, comiques, de Corneille, de Racine et de Molière, nous eussions eu la lanterne magique, des tremblemens de terre, le chaos, la création, la fin du monde ; et les décorateurs eussent été bien plus nécessaires que les poètes, dont on aurait même pu se passer, à la rigueur. Du moins les auteurs, délivrés de l'embarras du plan, n'auraient eu à s'occuper que de la dimension de leurs drames ; ils eussent réalisé le conte (si c'en est un) qu'on a fait de Lemierre, qui, ayant été trouvé un jour arec un air très-préoccupé sur la scène française, et interrogé sur ce qu'il y faisait, répondit qu'il prenait la mesure d'une tragédie. On sait qu'il lui fallait beaucoup d'espace pour ses coups de théâtre.
Il n'est pas sûr néanmoins que la défaite des Maures retienne le mélodrame dans ses limites : les ouvriers en ce genre pourront aisément se flatter de faire moins mal. Ce ne sont pas les matériaux qui ont manqué à celui qui a maçonné cette nouvelle pièce ; il en avait assemblé suffisamment pour bâtir un ou même deux drames en 5 actes : cette abondance lui a été nuisible; il a tout entassé ; rien n'est ordonné, ni développé.
Don Gusman défend les Asturies contre les Maures. Il a trouvé autrefois un enfant abandonné, dont il a pris soin, qui est devenu un héros, et qui est l'amant de sa fille. Il l'avait promise à Zamire [lire : Ramire] ; mais ce dernier a disparu dans une bataille ;on le croit mort, et le père annonce qu'il va unir les deux jeunes amans.
Arrive un trouble-fête qui apprend à Fernand qu'il est fils d'un renégat nommé Pizarre, devenu l'auxiliaire et le général des Maures, et vaincu tout récemment par son fils même. Celui-ci plante là sa future, quoique très-empressée d'arriver à la conclusion de son mariage, et va trouver son père. Le premier objet qui s'offre à lui, est Ramire son rival, qu'on menait à la mort. Il sollicite généreusement sa grâce et l'obtient. Un moment après il se donne une bataille : on vient lui apprendre que son père, battu une seconde fois, est au moment de périr, « Nature, s'écrie-t-il, tu l'emportes ! » et il court le sauver. Ensuite il le presse de rentrer dans le devoir. Pizarre, après quelques façons, se rend. Tandis qu'il va se jeter aux pieds du roi, son fils retourne vers dom Gusman ; mais pendant son absence, il avait été condamné à mort comme déserteur, et son futur beau-père avait présenté Ramire à sa fille, qui s'était trouvée fort empêchée. Ramire, comme de raison, sauve le jour à son libérateur, et lui cède en outre la belle Elvire.
Ce roman n'eût pas été sans intérêt, s'il avait été bien écrit et bien filé ; mais l'auteur ne parait pas avoir plus l'habitude d'écrire que l'entente du théâtre. On a cru d'abord que son opéra était en vers blancs, tant il en avait semé dans son dialogue : ce n'était que de la prose, quelquefois incorrecte et trop souvent boursoufflée. Les acteurs se sont trouvés un peu dépaysés dans la haute région où on les avait placés. Chénard, qui s'acquitte si bien des rôles à manteaux, a fait rire avec sa cuirasse et ses grands airs : il jouait Pizarre. Madame Scio représentait Elvire. Si elle n'a pas mis une grande énergie dans son jeu, c'est qu’il n’y en avait guère dans son rôle. Cependant lorsqu'ayant achevé sa toilette de noce, et s'étant rendue au sallon pour aller à l'autel, on lui dit que l'amoureux est décampé, elle se trouve mal de la meilleure grace du monde. Gavaudan jouait le héros de la pièce. Il a fait de grands et d'inutiles efforts pour la soutenir : elle est tombée assez doucement, «près avoir été écoutée avec patience et sans aucune interruption. La musique a été jugée encore plus mauvaise que le poëme : elle était si peu en consonance avec les paroles, que dans une ariette où l'on disait :
Les Dieux ont placé le bonheur
Entre l'amour et l'innocence,
l'air était très-sévère, et l'acteur très-refrogné, quoiqu'il n'y eût là rien qui dût fâcher personne.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, janvier 1805, nivôse an 13, p. 420-421 :
Fernand ou les Maures.
Fernand ou les Maures, opéra en trois actes, n’a point obtenu de succès. C’est une imitation de Victor, ou l’Enfant de la Forêt, qui a tant réussi sur les différens Théâtres du boulevard.
Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome VII, germinal an 13 [mars 1805], p. 269-273 :
[La pièce nouvelle pose un problème important au critique : à quoi a-t-on affaire ? Un opéra comique, d’après la forme (et le théâtre qui l’a jouée) ou un mélodrame, dont le sujet renvoie à un roman du temps ? L’analyse qui suit ces déclarations préliminaires montre la complexité d’une intrigue riche en rebondissements. Puis le livret est jugé de façon sévère : le sujet n’est pas sans valeur, mais il a été bien mal utilisé : scènes décousues, situations mal utilisées (intérêt non développé, ou inversement situations trop développées), style entre ridicule emphatique et fautes de langue (emploi du verbe « fixer » dans un sens qui est jugé « une faute du plus mauvais augure »), caractères « d’une nullité absolue »), jugement de Fernand mal exploité. Quant à la musique, elle ne vaut pas mieux : sans mélodie, sans morceau d’effet, on ne sait à quelle école est appartient (le mélange des écoles étant une mauvaise chose, bien sûr). Même les interprètes ne sont pas suffisants : l’un est mal employé, et deux autres n’ont plus les moyens vocaux de leur rôle.]
Fernand , ou les Maures.
Ce prétendu opéra, représenté à l’Opéra-Comique, n'est autre chose qu'un mélodrame, où l'on ne trouve même pas le mot pour rire, si ce n'est dans les scènes tout-à-fait tragiques, ou dans les tirades trop ambitieuses. Nous ignorons si la sujet est d'invention ; mais , dans tous les cas, il ne nous paraît pas exempt de ressemblances, et le Victor de M. Ducray-Duminil, mis en pièces sur le boulevard par tant d'entrepreneurs dramatiques, revendiquera sans doute, pour sa part plus d'une situation de Fernand.
Ce Fernand est un jeune guerrier de vingt ans, dont la naissance n'est pas connue, et qui sert sous les ordres de Gusman, gouverneur des Asturies, son bienfaiteur; il a déjà remporté nombre de victoires sur les Maures, et ses exploits lui ont valu le cœur d'Elvire, fille du gouverneur. Cet amour est un moment traversé par l'engagement que Gusman a pris avec un jeune seigneur nommé Ramire; mais Ramire vient de disparaîtra dans un combat, et, comme on a quelques raisons de le croire tué, Gusman, dégagé de sa parole, ne craint plus de fiancer sa fille à Fernand. Déjà le mariage est sur le point de se conclure, au grand contentement de la petite personne, quand Fernand vient à découvrir l'auteur de ses jours ; il est fils du trop redoutable Pizarre, de ce rebelle qu'il vient de combattre, et dont il a presque juré la mort. Que faire, en pareille conjoncture ? D'autres, à sa place, bien loin de renoncer au mariage convenu, se hâteraient de le consommer pour acquérir une grande consistance dans l'état, et se trouver d'autant plus à même de concilier les choses ; mais on sait que les héros des mélodrames ne sont pas très-forts en raison ; celui-ci quitte brusquement 1e palais où il a été élevé , et laissant là future et beau-père, se rend droit au camp de Pizarre ; introduit auprès de ce guerrier, (voilà bien Victor dans le camp de Roger,) il s'en fait reconnaître par le moyen, neuf au théâtre, d'un riche collier trouvé jadis dans son berceau, et il déploie en vain son éloquence pour engager ce cher rebelle à revenir sous les drapeaux de la mère-patrie. S'il ne parvient pas, cependant, à l'y déterminer sur-le-champ, il a, du moins, le bonheur d'en obtenir la grace d'un prisonnier espagnol, qu'on allait conduire au supplice, et, en cela, son action est d'autant plus belle, que ce prisonnier est précisément son rival, Don Ramire, dont on avait faussement annoncé la mort, et à qui, selon toute apparence, la fille du gouverneur doit revenir en mariage.
Don Ramire devenu libre, se rend donc à l'armée espagnole ; une nouvelle action s'engage ; Fernand, qui a en horreur le nom de traître, prend la résolution de rester neutre à quelque distance du combat ; mais on vient lui dire que son père est en danger, et (nature tu l'emportes !) il vole au secours de Pizarre.
Cependant, le départ mystérieux de Fernand a répandu l'allarme et la consternation parmi les Astures ; on sait qu'il s'est rendu au camp des Maures ; qu'il s'est fait conduire à leur chef, sa trahison semble avérée ; on vient de le condamner à mort ; Don Ramire va épouser Elvire...... Fernand reparaît ; il s'avance hardiment dans le lieu où l'on vient de prononcer sa sentence ; il s'adresse directement à son rival, dont il invoque la loyauté, et, comme celui-ci est aussi un homme à beaux sentimens, se piquant de reconnaissance, non-seulement Don Ramire justifie son libérateur, mais il lui cède la main d'Elvire ; Fernand annonce alors que son père Pizarre a, enfin, mis bas les armes, et qu'il va se rendre à la cour de Castille, pour y rentrer en grace auprès du roi.
Quoique d'un assez mauvais genre, ce sujet de pièce aurait pu réussir, si un bon charpentier de mélodrames l'avait mis en œuvre ; mais les matériaux ont été mal préparés ; les scènes sont décousues ; les situations où il eût fallu filer l'intérêt, manquent de développement, et l'auteur a trop développé celles qui ne tiennent pas au fonds du sujet. Il y a une emphase ridicule dans le dialogue, qui, d'ailleurs, abonde en mauvaises locutions ; le verbe fixer y est employé dans le sens de regarder fixement, ce qui est une faute du plus mauvais augure. Le caractère de Gusman, le rôle de Pizarre, (qui pourrait être fort beau,) et celui d’Elvire, qui devrait, du moins, avoir quelque intérêt, sont d’une nullité absolue ; la sentence fatale de Fernand, rendue en un seul mot, sur la première dénonciation d'un misérable quidam, sans avoir été précédée du moindre débat, a excité de justes .murmures; et a fait dire à quelques personnes qu'il n'y avait pas de jugement dans la pièce, bien qu'il y eût un arrêt de mort.
La musique est au ton du poème. Point de mélodie, point de morceau d'effet, si ce n'est peut être un trio dans le 3me. acte. On pourrait dire de cette composition musicale qu'elle est l'amalgame le plus bizarre des phrases de chant les plus communes. A quelle école appartient l'ouvrage ? C'est ce qu'on ne peut guères spécifier ; il participe un peu de toutes, et ne serait avoué par aucune.
Chénard, si bien placé à l'ordinaire dans les rôles qui exigent de la force et même de la rudesse, n'a pas fait valoir le rôle de Pizarre ; il a sur-tout péché par la diction. Mme. Scio (Elvire) a toujours une voix charmante, et une excellente méthode ; mais elle n'a plus assez de force pour les grands airs du genre tragique, et les efforts qu'elle paraît y faire sont presque aussi pénibles pour les spectateurs, que dangereux pour sa poitrine. Gavaudan, enfin, a mis de la noblesse et de la chaleur dans le rôle de Fernand ; mais, outre qu'il n'a pas non plus beaucoup de voix, il ne pouvait, à lui seul, animer la scène, et le public, un peu ingrat, ne lui a pas tenu compte de son zèle.
L’Opinion du parterre, germinal an 11, p. 241 :
[On devrait pouvoir parler de chute...]
22 Pluviose.
Première représentation de Fernand, ou les Maures, opéra en trois actes, paroles de M. de Bussy, musique de Jos. Woelf. Point de succès.
Dans Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, de Nicole Wild et David Charlton, p. 252, le titre proposé est Fernando ou les Maures, avec comme titre alternatif, Fernand ou les Maures. La première représentation du 11 février 1805 a été aussi la dernière.
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