François Premier, ou la Fête mystérieuse

François Premier, ou la Fête mystérieuse, opéra-comique en deux actes et en vers, de Sewrin et Chazet, musique de Kreutzer, 14 mars 1807.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

François Premier, ou la Fête mystérieuse

Genre

opéra-comique

Nombre d'actes :

2

Vers / prose ?

en vers

Musique :

oui

Date de création :

14 mars 1807

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Sewrin et Chazet

Compositeur(s) :

Kreutzer

Almanach des Muses 1808.

On raconte que Henri IV, après avoir exilé d'Aubigné dans un moment d'humeur, fit préparer une fête brillante, pour le mariage d'une demoiselle que d'Aubigné devait épouser. Celui-ci arriva incognito au château de sa maîtresse, bien convaincu que ces préparatifs de fête annonçaient le bonheur d'un de ses rivaux. Le roi s'amusa quelques instans de son embarras, et finit par lui rendre sa faveur en l'unissant à celle qu'il aimait : tel est le sujet de la Fête mystérieuse. Les auteurs ont attribué cette espièglerie à François Premier, ce qui ne s'accorde guere avec son caractere.

Peu d'intérêt, mais de l'esprit et quelques vers heureux ; musique agréable.

Courrier des spectacles, n° 3686 du 15 mars 1807, p. 2-3 :

[Le compte rendu commence par expliquer la source de la pièce, une anecdote jugée charmante, dans laquelle « un de nos plus aimables rois » s’est quelque peu moqué d’un de ses favoris en lui faisant croire à sa disgrâce, avant de lui dire la vérité, et de le marier avec « une demoiselle fort aimée ». Tel est le trait que les auteurs ont exploité, en le prêtant à François Premier (alors que d’autres critiques diront qu’il concerne en fait Henri IV). La pièce a eu un grand succès, et il le doit aussi à la qualité exceptionnelle des interprètes, énumérés d’abord avant que certains soient mis en valeur. La musique, de Kreutzer, est elle aussi fort bien traitée : « c’est réellement de la musique française, c’est-à-dire ce genre vif, léger et spirituel qui peint si bien le caractère de la nation » (il y a un vrai nationalisme musical en ce temps). De façon naturelle, les auteurs ont été demandés et nommés. Le jugement final souligne bien sûr la minceur de l’intrigue, mais elle est compensée par l’esprit de « beaucoup de scènes » et la qualité de nombreux vers. Et « Elleviou s’est surpassé dans son rôle ». Cerise sur le gâteau, la présence de l’Impératrice, qui a bien entendu provoqué l’enthousiasme du public.]

Théâtre de l’ Opéra-Comique.

Première représentation de François Premier, ou la Fête Mystérieuse.

On connoît un trait fort aimable d’un de nos plus aimables Rois. Il fait préparer une fête ; on dispose tout pour un mariage, et ce mariage doit être celui d’une demoiselle fort aimée d'un des favoris du prince ; mais ce favori est dans ce moment même exilé ; il a un rival ; il ne doute pas que la fête qu’on prépare ne soit toute entière pour son heureux compétiteur. Le Roi s’amuse quelque tems des alarmes du courtisan ; car il ne l’a exilé qu’en apparence, et lui conserve toujours une tendre affection. Il révoque ensuite l’exil, et reçoit son ami au milieu des fêtes, en lui annonçant que c’est pour lui seul qu’elles ont été préparées.

Ce trait, raconté d’une manière très-piquante dans un de nos romans modernes, méritoit d’être mis sur la scène. MM. Chazet et Sewrin se sont chargés de lui rendre cet honneur. Ils en ont fait le sujet de la pièce que l’on a jouée hier. François Premier est le héros de l’ouvrage. D’Aubigny est le favori exilé ; mademoiselle de Vivonne est l’amante de d’Aubigny, d’Albret son rival, et tout se passe à-peu-près comme nous venons de le dire.

Ce joli opéra a eu beaucoup de succès ; on y a revu avec un vif plaisir tous ces brillans héros de la galanterie française. Les rôles ont été joués avec un talent remarquable. C’étoit aussi l’élite des acteurs. Madame S.-Aubin représentoit mademoiselle de Vivonne ; Elleviou, d’Albret ; Chenard, Brissac, tuteur de mademoiselle de Vivonne ; Gavaudan François Premier ; Huet, d’Aubiguy ; Juliet, l’intendant du château.

Il seroit difficile de jouer et de chanter avec un talent plus aimable, un accent plus gracieux que mad. S.-Aubin. On a vivement applaudi l’air qu’elle a chanté au premier acte ; la composition en est pleine de goût et d’élégance, et sur-tout d’un accord parfait avec la situation. Le duo qu’elle a exécuté avec Elleviou, a obtenu encore plus de succès, il a été redemandé. Un trio du troisième acte n’a pas été accueilli avec moins de faveur.

Cette musique est de M. Kreutzer ; c’est réellement de la musique française, c’est-à-dire ce genre vif, léger et spirituel qui peint si bien le caractère de la nation. L’ouverture a le même mérite ; elle est d’une facilité et d’une grâce remarquables. Après la représentation, les auteurs ont été demandés avec empressement, et nommés au milieu des applaudissemens.

Le fonds du sujet est peu de chose ; mais beaucoup de scènes sont faites avec esprit, et des vers charmans soutiendront toujours cet ouvrage. Elleviou s’est surpassé dans son rôle ; il l’a joué avec un talent exquis.

Une circonstance honorable pour cette pièce, et qui ne doit point être passée sous silence, c’est qu’elle a été représentée sous les yeux de S. M. l'Impératrice Reine, dont la présence a excité les plus vives acclamations.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome V, mai 1807, p. 280-282 :

[Après avoir rendu compte du Jeune médecin, ou l’Influence des perruques, le critique passe à l’opéra comique consacré à François Ier., pièce dont il commence par contester le principe même : comment ose-t-on mettre en scène de manière aussi peu convenable un personnage aussi illustre ? La façon dont François Ier est représenté est la cause des marques d’hostilité qui sont apparues lors du deuxième acte. « Le sujet n'est point travaillé. On ne paraît avoir essayé d'en tirer aucun parti. » Le critique a d’ailleurs renoncé à analyser l’intrigue. Le style de cet opéra écrit en vers n’est pas non plus sans reproches : deux vers sont cités pour qu’on en apprécie la valeur. La critique du livret s’achève sur l’analyse des deux lettres que le roi est censé avoir écrites. D’abord la signature n’est pas historiquement possible. Ensuite, le contenu trahit complètement la personnalité du roi. La musique de Kreutzer est mieux traités : reflet du talent de son auteur comme « harmoniste » et comme virtuose, elle « a de l'originalité, de l'esprit, et en général une couleur locale assez remarquable ». Sinon, pièce bien jouée et « établie avec soin ». Il se peut que, malgré la faiblesse du sujet et de la façon dont il est traité, elle connaisse quelques représentations (ce qui n’est pas beaucoup !).

Note : ce compte rendu ne signale pas que l’anecdote prêtée à François Ier doit être rendue à Henri IV.

D’après la brochure parue en 1785, Blaise et Babet, ou la Suite des trois fermiers est une comédie en deux actes, mêlée d’ariettes (un opéra comique), paroles de M. Montvel (Monvel), musique de M. de Zaide (Dezède). Elle a été jouée devant le roi le 4 avril 1783, et à Paris le 30 juin de la même année.]

François ler.

Le second ouvrage dont nous avons à parler a moins d'importance à nos yeux ; c'est un opéra comique : le sujet est un trait de la vie de l'un de nos rois, que par grace spéciale de leur imagination les auteurs ont attribué à François Ier.

Il est inutile de redire combien il paraît peu convenable de mettre en scène d'illustres personnages pour ne leur faire dire et faire que ce que d'autres auraient fait et dit comme eux ; de ne leur donner aucune physionomie caractéristique ; de ne les peindre sous aucun trait qui leur soit particulier ; de faire enfin un portrait de fantaisie, et d'y appliquer au besoin le nom d'un monarque, d'un sage, d'un grand poëte ou d'un héros. A cet arrangement, le titre gagne peut-être quelque chose : l'influence de l'affiche si vantée par Beaumarchais, se fait sentir ; mais la pièce perd au moins en proportion ; cela est si vrai, que la pièce nouvelle n'a éprouvé quelque défaveur que lorsqu'on a vu au second acte François Ier. venant jouer, à peu de chose près, le rôle de seigneur du village dans le joli opéra de Blaise et Babet. La ressemblance est frappante, quant à la situation ; mais ici , les scènes sont bien moins jolies, et les personnages bien moins intéressans Le sujet n'est point travaillé. On ne paraît avoir essayé d'en tirer aucun parti. On ne sait pas s'il y a là une pièce, comment il y en a une, et comment il n'y en a pas une autre.

Cet opéra est écrit en vers, il y a quelques tirades assez faciles, force madrigaux, beaucoup de petites maximes galantes et de lieux communs amoureux ; mais on y remarque et l'on y applaudit un grand nombre de vers qui n'ont besoin que d'être lus pour être jugés. Par exemple , que veut dire celui-ci :

Une femme qui prie, est l'amour qui commande.

Une femme ne peut-elle prier sans inspirer un amour qui commandera de lui obéir ? Un tel vers peut être applaudi ; mais est-il entendu, compris ? Et celui-ci :

L'amour, quand on le peut, mais l'honneur avant tout

Que les applaudissemens éclatent au dernier hémistiche, cela se conçoit ; mais il faut pardonner à ceux qui ne l'applaudissent pas, parce que le premier les fait encore sourire.

Les auteurs, MM. Chazet et Sewrin, font lire deux lettres de François Ier., et prétendent que ce monarque, contre l'usage des têtes couronnées, signait François premier. Cette faute disparaîtra facilement, mais elle devait être évitée ; déjà , dans une occasion semblable, elle a été relevée.

De ces deux lettres, il y en a une d'inconvenante, celle du roi à un intendant pour lui ordonner les préparatifs d'une fête ; une autre qui donne lieu à un soupçon de faux, soupçon qui, dirigé par un chevalier contre un autre chevalier, n'est nullement dans les mœurs du temps, et n'est qu'un incident inutile dans la pièce. François Ier. se plaint bien qu'on ait osé méconnaître sa signature ; mais qu'il éclate en reproches, ou se répande en propos galans, quoiqu'il fasse, ou qu'il dise, il est peu reconnaissable, et si c'est là François Ier., il est difficile de deviner à cette manière de s'énoncer, le restaurateur des lettres et le protecteur des beaux-arts.

L'auteur de la musique est M. Kreutzer, premier violon de la chapelle et de l'académie impériale de musique. Cette composition a de l'originalité, de l'esprit, et en général une couleur locale assez remarquable. C'est le propre du talent de M. Kreutzer, harmoniste habile et virtuose du premier rang. La pièce est bien jouée, établie avec soin, et malgré la faiblesse du sujet et de l'exécution, il est possible qu'elle subisse l'épreuve de quelques représentations.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome II, p. 427 :

[Curieuse pièce ! D’une anecdote concernant Henri IV et d’Aubigné, on fait une pièce mettant en scène François Ier, parce que le bon roi Henri paraît trop sur les théâtres : les auteurs « ont été forcés de changer les noms de leurs personnages ». Tant pis si les deux personnages ont des caractères différents, « on n'y regarde pas de si près ». Si la pièce a réussi (plus ou moins, ce n’est pas dit), c’est par des vers agréables et « quelque gaîté » (ce qui fait assez peu de choses). Les auteurs et le compositeurs sont simplement nommés, sans commentaire.]

THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE,

François Ier.

Une anecdote du règne de Henri IV a fourni le sujet de cette pièce. Tout le monde sait que le jeune d'Aubigné, et Susanne de Vivonne, vivoient sous ce prince, et que d'Aubigné que le Roi aimoit, exilé en apparence, habitait une chambre voisine de la sienne. Ce fut dans une fête que Henri fit cesser le mystère. C'est à-peu-près là le fond qu'ont pris les auteurs de la pièce nouvelle. Comme, depuis quelque temps on mettoit Henri IV sur tous les théâtres, Ils ont été forcés de changer les noms de leurs personnages ; Henri IV est devenu François Ier ; d'Aubigné, M. d''Aubigny ; on a laissé subsister les noms de d'Albret et de Suzanne de Vivonne, et le tout sans changer les caractères , quoique celui de Henri, prince familier, on peut même dire grivois, ne fut pas tout-à-fait le même que celui du galant et spirituel François Ier. On n'y regarde pas de si près. Des vers agréables, quelque gaîté, ont soutenu la pièce. Elle est de MM. Chazet et Sewrin. La musique, de Kreutzer.

Les Quatre Saisons du Parnasse, troisième année, printemps 1807, p. 313-316 :

FRANÇOIS PREMIER,
OU LA FÊTE MYSTERIEUSE,

PAROLES DE MM; SEWRIN ET CHAZET,
MUSIQUE DE M. KREUTZER.

FRANÇOIS Ier, ou la Fête mystérieuse, opéra-comique en deux actes, vient d’obtenir un succès flatteur au théâtre de la rue Feydeau. Les auteurs, MM. Chazet et Sewrin, ont jugé à propos d'attribuer à François Ier un trait de la vie de Henri IV ; ils ont mis d'Aubigny à la place de d'Aubigné, et ont placé dans l'exposition de leur Pièce tout l'intérêt de l'action.

François Ier ayant un jour fait à d’Aubigny présent de son portrait, le courtisan peu délicat sacrifia la reconnoissance à un triste jeu de mots, et il écrivit au bas ces méchants vers :

Ce prince est d'étrange nature ;
Je ne sais quel diable l'a fait :
Ceux qui le servent en effet,
Il les récompense en peinture.

François I" ne fit qu'en rire, mais, pour l'exemple, il feignit de retirer ses bonnes graces à d’Aubigny, qu’i1 dédommageoit en secret de la perte apparente de sa faveur par les marques de 1a plus tendre amitié ; il alla même jusqu’à lui donner un écrit de sa main contenant l'assurance de ses sentiments et de son entière confiance. Cependant d’Aubigny passe généralement pour disgracié. Il aime Suzanne de Vivonne, dont le tuteur, Brissac, refuse de consentir au mariage, attendu qu'il n’aime que les courtisans en faveur. Un jeune cousin, plein d'esprit et de gaieté, inspire par ses assiduités un vif sentiment de jalousie à l'amant de Suzanne. D'Aubigny, pour détromper enfin le tuteur, donne la lettre du roi à mademoiselle de Vivonne ; celle-ci la montre à Brissac, qui soupçonne la signature d'être fausse.

Dans le second acre, François Ier, instruit des amours de Suzanne et de d'Aubigny, forme le projet d’une surprise délicieuse pour les deux amants ; il se déguise en écuyer, profite de l’absence de Brissac de son château, donne ordre à l'intendant de faire les préparatifs d’un mariage, d’inviter tout le voisinage aux noces de mademoiselle de Vivonne, sans nommer le prétendu ; de sorte que l'intendant, à toutes les questions qu’on lui fait, répond : Je n’en sais rien. Mais à la fin, n’y pouvant plus tenir, il est prêt à trahir le secret, quand le roi se montre, met un terme aux inquiétudes de d'Aubigny, qui ne se croyoit pas l'objet de la Fête mystérieuse, et l'unit à Suzanne.

Cet ouvrage, sans conception, n’a de mérite que dans les détails et quelques vers agréables : c’est à peu près l'unique but de nos auteurs du jour. De petites pièces, voilà ce qu’ils désirent ; toute leur ambition ne va qu’au bel esprit ; ils visent à cette médiocrité qu’Horace et les philosophes ne vantent que dans la possession des biens de la vie.

On retournera voir le petit opéra de François Ier, parce qu’il est supérieurement joué par Elleviou, Chenard, Gavaudan, Huet, Juliet et madame St.-Aubin, et parce que la musique, qui est de M. Kreutzer, porte vraiment le cachet français : l'ouverture en est facile et gracieuse ; le chant en est vif et léger, naturel et simple ; on a sur-tout beaucoup applaudi un trio du second acte, soutenu par un chœur de villageois.

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