Le Jeune médecin, ou l’Influence des Perruques

Le Jeune médecin, ou l’Influence des perruques, comédie en un acte, de Picard, 12 mars 1807.

Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Jeune médecin (le), ou l’Influence des perruques

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

12 mars 1807

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

L. B. Picard

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Martinet, 1807 :

Le jeune Médecin, ou l’Influence des perruques, comédie en un acte et en prose, Par L. B. Picard; représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de S. M. l’Impératrice, le 12 mars 1807.

Courrier des spectacles, n° 3684 du 13 mars 1807, p. 2 :

[Pour parler de « la petite pièce » de Picard, le critique se lance dans un beau discours sur l’apparence qui dans la société compte plus que « le mérite réel » : c’est l’habit, et particulièrement la perruque qui fait l’homme. C’est donc le sujet de la nouvelle pièce de Picard, montrant des personnages qui veulent impressionner par leur perruque, un jeune avocat et un jeune médecin qui décident de porter perruque, l’un pour réussir dans son métier, l’autre pour se marier, et un « barbon » qui veut se donner l’apparence de la jeunesse par « un faux toupet » masquant ses cheveux gris. Tous trois échouent dans leur tentative de se donner une apparence trompeuse. Le début de la pièce a plu, mais la suite est moins drôle, ce qui ne l’a pas empêché de réussir. Quelques corrections devraient encore l'améliorer, mais le critique sait qu’on peut faire confiance à l’auteur dont l’habileté est connue.]

Théâtre de l’Impératrice.

L’Influence des perruques.

On pourroit faire un très-bon article sur le charlatanisme du costume. Ce n’est pas par le mérite réel que la multitude apprécie les hommes ; il faudroit pour cela du tems, des connoissances et de la réflexion, il est plus court de juger les gens par l’habit. Un homme se présente chamaré de broderies, entouré de valets, accompagné d’écuyers qui se tiennent à une distance respectueuse. Pour le peuple, cet homme est un personnage important ; il doit avoir beaucoup de connoissances, d’esprit, de jugement Toutes ses paroles sont autant d’oracles. Supposez que la fortune le dépouille de toutes ses dignités et de son habit ; il rentre dans la foule ; ses idées n’ont plus rien que de fort ordinaire ; ses discours n’en imposent à personne. Appliquez ces observations à d’autres classes, vous obtiendrez les mêmes résultats. Un juge, un avocat, un médecin ont besoin d’appeler à leur secours la puissance des costumes. La perruque sur-tout a été regardée comme un des talismans les plus propres à inspirer le respect, et une tête chargée d’une grosse perruque est, pour le commun des observateurs, une tête forte, pensante et judicieuse.

Ce sont ces préjugés que M. Picard a voulu livrer au ridicule dans la petite pièce qu’il a fait jouer hier. Un jeune avocat veut former une clientelle et inspirer de la confiance ; il prend une perruque vaste, poudrée et peignée artistement Il a pour ami un jeune médecin fort amoureux ; mais la belle demoiselle dont il est épris a pour parens des gens qui n’aiment que les personnages graves. Il faut donc prendre aussi une perruque. Voilà mes deux hommes devenus des personnages très-respectables. D’un autre côté, un barbon qui croit que pour plaire, il faut cacher les cheveux gris, dissimule sous un faux toupet les larcins du tems, et se fait passer pour un jeune homme ; mais à la fin, toutes les perruques tombent ; le toupet disparoît, et chacun est rendu à son véritable état. Tel est à-peu,très le sujet traité par M. Picard.

Les premières scènes ont été écoutées avec beaucoup de plaisir. On y a reconnu l’homme d’esprit, l’homme observateur, l’homme gaî et véritablement comique Les scènes suivantes ont eu moins de succès, parce qu’elles étoient moins riches en traits saillans, mais l’ensemble de cet ouvrage a fait beaucoup de plaisir, et l’auteur a été vivement demandé. L’ouvrage a besoin de quelques corrections, et l’on peut à cet égard s’en rapporter à M. Picard, qui sait lui-même apprécier, mieux que personne, le mérite et les défauts de ses ouvrages.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 12e année, 1807, tome II, p. 428-429 :

Le jeune Médecin, ou l’Influence des Perruques.

Cette pièce n’a pas eu le succès des Ricochets, mais quelle différence. Un médecin et un avocat font le matin leurs affaires avec des perruques, qui leur donnent un air grave et inspirent la confiance ; ils s'adonisent ensuite et vont briller dans les cercles. Comme on voit aujourd'hui de bons avocats et de bons médecins à la Titus, et que le costume n'est plus ce qu'il étoit autrefois, la pièce n'a pas paru de circonstance.

Picard se dédommagera de son: peu de succès par quelque ouvrage plus important. Bientôt il va quitter la scène, et se livrer tout entier à la littérature. Il aura plus de temps pour revoir ses ouvrages, et il en fera sans doute qui soutiendront la réputation méritée qu'il a acquise comme auteur.

Péroud, qui vient pour remplacer Picard, a débuté dans Médiocre et Rampant par le rôle de la Roche, et dans l’Auberge de Strasbourg, par celui de Maigrac. C'est un acteur qui connoît parfaitement le théâtre : mais on a remarqué qu'il chargeoit trop. Il a joué le rôle de gascon comme on le joueroit au boulevard ; il a besoin d'un peu plus de tenue. Au reste, on le jugera mieux quand il créera quelque pièce nouvelle, où il n'aura point de concurrence à craindre.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome V, mai 1807, p. 278-280 :

[Curieux compte rendu, qui mêle deux œuvres jouées sur deux théâtres à des dates proches, et dont le point commun est de ne pas avoir l’agrément du critique. Après des considérations générales sur le travail du critique, qui aimerait tant ne dire que des choses agréables, mais est bien obligé de dire ce qu’il constate « avec franchise, avec impartialité, et selon l'impression que nous avons reçue », il aborde le cas de l’auteur d’une des deux pièces, Picard, habituellement si brillant, et dont il fait les plus grands et beaux éloges. Mais c’est pour mieux souligner que sa dernière production n’est pas à la hauteur des précédentes : il s’est trompé sur tout : « saisissant un trait isolé au lieu d'un tableau frappant, se trompant sur les temps et les lieux, [il] confond le burlesque avec le plaisant, et la caricature avec le comique ». Ce n’est même pas une pièce, tout juste une « bleuette sans prétention », mais œuvre d’un auteur qui doit mieux au public. Le titre de la pièce (donné d’ailleurs de façon incomplète) apparaît seulement ici : titre qui « nous paraît un défaut ». Picard a déjà ridiculisé l’usage des perruques par les femmes et leur abus des couleurs de faux cheveux mal adaptées. Il s’en prend ici aux hommes, mais pour une critique sans valeur : il invente une prévention de la société contre la jeunesse, et montre contre toute réalité un jeune médecin et un jeune avocat devant mettre une perruque qui les vieillit pour réussir dans leur profession, et une autre pour retrouver jeunesse et séduction. Une intrigue bien mince utilise ce contraste que le changement de perruque. Pourtant c’est l’inverse qui est considéré par le critique comme conforme à la réalité sociale, des vieillards qui se tentent de se faire passer pour jeunes. Un de ces faux jeunes gens subit d’ailleurs une humiliation pénible dans la pièce,quand un vaurien lui enlève sa perruque, humiliation cruelle, mais aussi dégoûtante. Il ne reste comme qualité à cette pièce que l’esprit que Picard y a répandu en abondance, mais cela n’empêche pas que cette pièce est la plus mauvaise de l’auteur.]

Théatres de l’Opéra-Comique et de l’Impératrice.

François Ier., opéra, et l’Influence des perruques.

Nous avons à rendre compte de deux nouveautés dramatiques : deux théâtres voisins, sans être rivaux, les ont vu naître presque le même jour ; nous ne disons pas que le même jour les verra mourir, mais il nous est impossible de leur présager une bien longue existence : heureusement nos arrêts sont écrits comme ceux de la Sybille sur des feuilles volantes, ils sont fugitifs de leur nature, et ne sont pas sans appel ; mais ceux de la Sibylle étaient obscurs, les nôtres doivent-ils l'être ? Ne devons-nous pas nous faire un devoir, par conséquent un mérite de dire notre pensée avec franchise, avec impartialité, et selon l'impression que nous avons reçue.

Telle devrait être notre conduite ; mais nous aimons à la suivre dans tout ce qu'elle permet d'agréable, plus que dans ce qu'elle prescrit de rigoureux ; et en voici un exemple. Que Picard, dont le talent et le caractère sont également estimés, Picard, doué du secret merveilleux de réussir sans armer l'envie, qui ne compte pas un ennemi, quoiqu'il compte plus de succès que d'années dans la fertile carrière qu'il a si rapidement parcourue ; que Picard, disons-nous, armé de cet œil observateur, et de ce miroir fidèle qu'il applique avec tant d'art sur les scènes toujours les mêmes, et toujours variées dont la société se compose, rentre chez lui frappé de ce qu'il a vu, retrace plus qu'il n'imagine, peigne plus qu'il ne compose, et atteigne sans effort, et comme en se jouant, le but véritable de son art, d'instruire en amusant, et de corriger par le rire ; alors, nous le croyons du moins, notre satisfaction bien sincère s'exprime par un ton d'apologie franc comme elle, et notre éloge a du moins le mérite de ne pas manquer de clarté.

Mais si ce même auteur , souriant à une idée qu'il a caressée plus qu'aprofondie, saisissant un trait isolé au lieu d'un tableau frappant, se trompant sur les temps et les lieux, confond le burlesque avec le plaisant, et la caricature avec le comique ; si son crayon libre et spirituel descend avec trop de facilité du portrait à la bambochade ; si sur le titre même de son ouvrage, il ne pressent pas que le germe en sera bas et l'exécution nécessairement triviale, alors, nous le croyons encore, nous pouvons être embarrassés sur le choix des expressions dont il faudra se servir, énigmatiques dans notre réserve, obscurs à force de ménagemens.

C'est à-peu-près tout ce qu'il nous est possible de dire sur la difficulté que nous éprouvons à parler du nouvel ouvrage de cet auteur ; nous ne le nommerions pas même ouvrage, et nous aurions recours à l'expression banale de bleuette sans prétention, si son auteur était aujourd'hui maître de disposer ainsi de son talent, si ce talent n'était pas en quelque sorte une propriété dont les hommes de goût, et le public qui juge, réclament constamment un digne emploi.

Le titre de cette petite pièce, de ce proverbe, si l'on veut, est l'Influence des Perruques ; ce titre même nous paraît un défaut. Déjà l'auteur avait traité le même sujet sous d'autres formes ; du moins il avait attaqué un ridicule du moment, la manie de surcharger un blond visage d'une perruque noire, ou d'associer de blonds cheveux à une brune physionomie. Les femmes reçurent alors une petite leçon, qui les corrigea moins que l'inconstance de la mode. Aujourd'hui c'est aux hommes que l'auteur s'adresse ; mais comme ses reproches sont sans fondement. sa leçon est sans force. Où a-t-il vu qu'il faille aujourd'hui, pour être estimé, considéré, employé, pour réussir enfin et pour parvenir dans quelque carrière que ce soit, être vieux ou le paraître ? Parmi les médecins dignes de leur utile profession, parmi les avocats dignes de leurs fonctions honorables, ne compte-t-on que des vieillards, ou des hommes qui en affectent le ton, le langage et les habitudes ? Il nous semble que nous sommes dans un temps où le mérite véritable a reconquis ses droits, et s'est créé des titres indépendans de tout ce qui lui est étranger. Si cette assertion n'est pas hasardée, il doit y avoir peu d'effet comique, quoique la situation puisse être plaisante dans une pièce où l'on voit deux amis, l'un avocat, l'autre médecin, se vieillissant le matin, et se rajeunissant le soir à l'aide des perruques du temps passé et de la coëffure à la mode. Le médecin demande, sous la perruque de M. de Saint-Laurent, père, la main d'une jeune personne qu'il veut épouser, en reprenant les chevaux [sic] de M. Saint-Laurent, fils : voilà la seule situation piquante et originale que présente l'ouvrage.

Le rôle d'un vieux jeune homme, contraste établi avec ceux des jeunes hommes vieux, est beaucoup plus vrai que ces derniers ; car assurément on compte dans les deux sexes plus de personnes habiles à cacher leur âge que d'empressées à se vieillir ; mais ce personnage dégénère en caricature, et quand la pièce finit par le tour perfide d'un écolier qui arrache le faux toupet de cet élégant sexagénaire, et laisse à nud son front chauve, le spectateur délicat trouverait l'humiliation un peu cruelle, quand même il ne serait pas dégoûté d'un tel spectacle. On peut justifier et le choix du sujet, et la faiblesse de l'ouvrage, en disant qu'il étincelle de mots piquans et spirituels; que l'épigramme y est rapide, et le trait facile. Nous croyons, nous, que l'auteur a toujours été plus spirituel, plus original et plus naturel, parce qu'il a été soutenu par une situation plus comique, et par une observation plus vraie.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1807, tome VII (juillet 1807), p. 295-297 :

[Le jugement porté sur la pièce jouée à Bruxelles n’est pas plus enthousiaste que celui des critiques parisiens.]

Théâtre de Bruxelles.

Chaque mois nous avons à rendre compte de quelque pièce nouvelle, et chaque mois Picard est en jeu. Quelle fécondité ! Au milieu de tant de productions, il doit se trouver nécessairement quelque avorton ; parlons de l'Influence des perruqnes. Je ne sais pourquoi Picard s'est avisé de fronder une manie qui n'existe plus. Je sais bien qu'il fait dire à un des deux étourdis qu'il met en scène, qu'il veut faire revivre la mode passée des perruques savantes, et que par cette annonce il a paru vouloir prévenir l'observation à laquelle il s'attendait ; il n'en est pas moins vrai, que la bonne grand'-mère croit à cette influence et que les mots heureux qui se trouvent dans cette pièce, portent tous sur cette mamie usée et perdue.

Un jeune avocat fort étourdi, qui n'a pas encore de cliens, modestement persuadé que son mérite ne peut en être cause et qu'il a déjà tous les moyens pour défendre et gagner des procès, se met en tête que l'air de jeunesse répandu sur sa physionomie, et sa coëffure à la titus, sont les vrais obstacles qui nuisent à son talent, et éloignent les plaideurs. Il convient que le couvre-chef n'influe plus sur l'opinion et malgré cela il adopte l'énorme perruque, et prétend qu'elle a attiré et conduit des cliens dans son cabinet ; il persuade à un sien ami, étudiant en médecine, de s'affubler aussi du meuble scientifique, et l'introduit ainsi dans une maison pour y tâter le pouls et ordonner des loks et des cuillerées de fleur d'orange. Dans cette maison est une jeune personne qu'a déjà distingué l'imberbe Esculape, et qui reconnaît de suite, malgré sa perruque, le jeune homme qui l'occupe depuis quelques jours. Celui-ci ignorant chez qui on le conduisait, et craignant que son déguisement ne lui nuise dans l'esprit de son amante et de la bonne maman, sort et revient sous son costume habituel, dans l'intention d'obtenir satisfaction d'un rival qui l'a insulté sous son grave costume, et de se justifier auprès de la jeune personne qui l'écoute à peine. Mais à la sollicitation de son ami l'avocat, il endosse de nouveau la large redingotte et reprend la perruque. On ne devine pas trop quel motif le détermine à revenir à son · premier déguisement, à moins que ce ne soit, après avoir inspiré quelque confiance sous cet attirail pédantesque, afin de prouver que l'habit ne fait pas le docteur. Bref, les deux étourdis ôtent leur perruque sur la scène, chacun à leur tour, et comme il faut qu'il y en ait au moins trois d'arrachées dans cette affaire, un jeune espiègle, frère de Laure, et qui n'est pas encore échappé du collége, fait un tour d'écolier mal élevé, et découvre le chef d'un vieux garçon, espèce d'original à prétention fort ridicule, qui porte un spencer rouge sur un habit noir, et était d'abord destiné à épouser la petite fille. Le vieux garçon sort furieux ; la bonne maman pardonne aux jeunes gens, les invite à dîner et fait espérer un mariage futur. Voilà l'influence, ou si l'on aime mieux l'enlèvement des perruques. Ce dénouement qui rappelle les regrets de Chapelain, o perruque ! ma mie ; n'a pas beaucoup plu au public, qui a trouvé tous ces enlèvemens de fort mauvais goût. Un dialogue vif et spirituel, des mots saillans et en grand nombre, n'ont pu couvrir le défaut principal de l'ouvrager Les spectateurs habitués à voir sous le nom de M. Picard de bons ouvrages, ont trouvé celui-ci médiocre, et cette bagatelle , par trop bagatelle. Le caractère de la grand-maman a seul ce caractères de vérité que Picard donne ordinairement à ses personnages. Elle est faible, crédule, un peu bavarde, regarde comme un oracle l'avocat qui a fait rire, le médecin qui ne lui ordonne que les drogues qu'elle aime ; elle idolâtre ses petits enfans, qu'elle gâte, ne fait rien sans consulter sa nièce, et ne regrette dans son voisin le vieux garçon que la petite partie de piquet : tout cela est vrai et d' une bonne maman ; mais il est à regretter que cette physionomie ne soit pas placée dans un meilleur tableau.

M. Bourson jouait l'avocat, et pour bien peindre le babil de ces messieurs et leur volubilité de langue, il faut être doublement sûr de sa mémoire ; la sienne lui est échappée quelquefois. M Hurteaux était bien placé dans le jeune médecin. M. Paulin a joué le vieux garçon en vieux comédien, il y était fort plaisant, Mme. Gouget était la bonne maman, et le public la nommait ainsi. La jeune personne et le frère écolier étaient joués par mesdames Desbordes et Bayer. Ces deux rôles ont été bien rendus. La pièce était généralement bien montée : il est dommage que ce soit une des plus faibles de Picard.

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