Il Fanatico burlato, opéra en deux actes, de Francesco-Saverio Zini, musique de Domenico Cimarosa, 28 novembre 1789.
Théâtre de Monsieur.
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Titre :
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Fanatico burlato (il)
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Genre
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opéra
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en vers (en italien)
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Musique :
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oui
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Date de création :
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28 novembre 1789
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Théâtre :
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Théâtre de Monsieur
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Auteur(s) des paroles :
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Francesco Saverio Zini
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Compositeur(s) :
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Domenico Cimarosa
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, de l’Imprimerie de Monsieur, 1789 :
Il Fanatico brulato, dramma giocoso in due atti, da representarsi nel teatro di MONSIEUR. L’Entiché de noblesse dupé, opéra bouffon en deux actes, représenté pour la première fois en novembre 1789, sur le théatre de MONSIEUR.
Réimpression de l’ancien Moniteur, tome deuxième (Paris, 1859), Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 98 (samedi 28 novembre 1789), p. 256 :
[Compte rendu critique de la première représentation du Fanatico burlato, qui a produit un effet mêlé chez l’auteur de l’article : la musique est magnifique, mais cela ne doit pas cacher la réalité, nettement moins positive ; le Théâtre de Monsieur doit se montrer plus exigeant dans la réalisation des opéras italiens, dans la qualité de l’orchestre, dans le choix des chanteurs, dans la qualité des décorations. Faute de quoi il perdra tout le crédit qu’il a acquis par ailleurs.]
THEATRE DE MONSIEUR.
Rendre compte à ce théâtre d'un nouvel opéra-comique italien, ç'a été jusqu'à présent annoncer un succès nouveau et un triomphe de plus de la musique italienne. Pour la première fois que nous avons à remplir cette tâche, nous sommes bien loin d'annoncer au public une chute dans la pièce donnée samedi dernier sous le titre du Fanatico burlato. La riche et féconde musique du célèbre Cimarosa eût seule été capable de l'en préserver ; cependant nous tromperions les vrais intérêts de ce théâtre, si nous dissimulions sous des louanges banales et indignes de sa supériorité les observations critiques que nous avons recueillies dans le public. La justice que nous aurons occasion de rendre par la suite aux rares talents qui font l'honneur et le charme de ce spectacle nous mettra sans doute à l'abri du soupçon que nous ayons eu la pensée de vouloir déprécier un genre de spectacle dont nous ne croyons pas qu'on ait encore, à beaucoup près, senti tout le prix ; spectacle qui n'a de rivalité à craindre qu'en lui-même, qui n'a peut-être d'autre ennemi que son extrême supériorité sur tous les autres théâtres de musique.
Mais cette supériorité, il l'a due jusqu'à présent au nombre et à l'excellence des sujets, au choix bien entendu des pièces et à la perfection de son orchestre.
Quant au choix des sujets ou acteurs qui doivent exécuter une pièce, il est sans doute plus d'une considération que le public soupçonne aussi dans la distribution des meilleurs sujets, et la manière de répartir les divers talents dans les différents opéras que l'on monte successivement. Il ne saurait qu'applaudir à ce discernement. Mais il ne peut pas connaître de toutes les autres petites raisons de nécessité ou d'intrigue qui meuvent les directeurs d'un théâtre. Il y a plus, il ne le doit pas; il leur nuirait même par une fausse complaisance. C'est à eux de savoir les sacrifices qu'ils doivent faire ; car ce n'est pas le nombre des sujets qui fait la force d'une compagnie : ils doivent savoir en outre jusqu'à quel point on risque d'affaiblir une pièce par des sujets au-dessous de la nullité. Un théâtre fait pour être l'école du chant ne doit avoir d'écoliers que parmi ses auditeurs.
Le choix des pièces, on en convient, est délicat à faire : il tient à tant de convenances partielles, qu'il est sans doute difficile de toujours bien rencontrer. Cependant, sans nous permettre ici sur cet article de longues réflexions, que nous réservons pour un autre moment, nous engagerons ceux qui dirigent ce spectacle à consulter l'expérience qu'on a déjà pu acquérir du goût du public en ce genre. On verra que, désabusé de la grande délicatesse de quelques rigoristes qui veulent juger d'un opéra-comique d'après les règles de la pratique, il exige de la suite et de l'intérêt dans les rôles, du dessin dans les caractères, de la liaison dans les situations. Plusieurs des pièces qu'on a données jusqu'à ce jour l'ont habitué a ce genre de mérite, le seul qui puisse convenir aux drames en musique. Lorsqu'on lui présentera des pièces dénuées de cet intérêt, il faudra que le charme de la musique remplisse ce vide ; et comment l'espérer, lorsque le plus grand nombre des chanteurs qui exécutent un opéra n'est que de la classe médiocre?
Quant à l'excellent orchestre qui fait l'âme de ce théâtre, aurait-il aussi perdu cette finesse d'exécution, cette justesse de mouvement, ces nuances délicates, cet esprit d'entente, ce sentiment de précision et d'accord, cette perfection de détails ? C'est ce que nous n'oserions dire, et c'est sur quoi nous désirons beaucoup qu'on détruise promptement dans le public toute espèce de soupçon.
Qu'on applique ces courtes réflexions à la première représentation du Fanatico burlato, et nous pensons qu'on aura la raison de l'impression assez froide qu'elle a faite. Il est vrai, dira-t-on, qu'on ne doit prendre cette représentation que pour une répétition. (C'est aussi pour cela que nous suspendons notre jugement.) Mais cela même est un sujet de reproche assez grave à faire à ce théâtre. En Italie, où l'on est le plus souvent commandé par les circonstances et la brièveté du temps, on voit monter un opéra si précipitamment, que la première représentation n'est ordinairement que la dernière répétition : mais ici, quel sujet de se tant presser ? pourquoi hasarder ainsi le succès d'une pièce ? pourquoi ne pas faire au moins une répétition complète avec les habits et les décorations, et au moyen de laquelle un homme de goût pourrait proposer les réformes et les changements qu’une lecture (surtout dans ce genre) ne saurait jamais suggérer ?
Une dernière observation à faire à ce théâtre, c'est le peu de soin qu'il montre depuis quelque temps, et dans le service des décorations et dans les décorations mêmes. Celles du Roi Théodore, la prison surtout, ouvrage d'un jeune artiste (M. Desroches), et digne des plus grands maîtres qui aient paru en ce genre, avaient promis au public la réunion de tous les talents à ce théâtre. Que sont devenues nos espérances ? Quel mauvais goût dans ceux qui ont succédé à nos premiers décorateurs ! quelle puérilité plus digne de pitié que ce tableau mouvant de la forêt des Nozze di Dorina, scène qui, confiée à un homme habile, pouvait produire un sublime effet, et n'est devenue qu'une lanterne magique !
Mercure de France, n° 51, du samedi 19 décembre 1789, p. 115-117 :
[Après avoir résumé l’intrigue de l’opéra, le critique défend presque ce qui passe pourtant pour un « canevas … détestable » : il suffirait de le débarrasser de « quelques absurdités » pour le rendre « très-passable pour un Opéra Italien » et de ne pas y ajouter par exemple « une scène d'Opéra sérieux introduite, sans raison, au milieu d’une scène très-bouffonne ». Distribution maladroite, qui n’a pas empêché qu’on apprécie la musique de Cimarosa, « toujours remplie d'élégance, de verve & d'originalité ».]
THÉATRE DE MONSIEUR.
Les deux nouveautés données dernièrement à ce Théatre n’ont eu qu’n foible succès, quoique l’une des deux soit un Opéra Italien.
[...]
L'Opéra Italien est intitulé Il fanatico burlato, l'Entiché de Noblesse dupé. Un Bourgeois qui prend le titre de Baron, a promis sa fille au Comte Romolo, qu'il ne connoît point, & la refuse à un homme de son état qu'elle aime & à qui elle avoit été d'abord destinée. Ce jeune homme, en revenant de courir le pays, apprend cette fâcheuse nouvelle. Il s'avise , pour y remédier, de se présenter au père sous le nom du Comte Romolo. Cet expédient réussit d'abord, & le mariage va se faire dans la journée ; mais la joie des Amans est troublée par l'arrivée du véritable Comte. Lindoro, pour se tirer d'affaire, persuade au Baron que ce Comte est un de ses parens, & une espèce de fou. Il passe en même temps auprès du Comte pour le père de sa Maîtresse, ce qui produit un imbroglio qui pouvoit être assez plaisant. Au second Acte, Doristella s'enfuit & quitte la maison de son père pour éviter un hymen qui lui déplaît. Son Amant la suit, & tous deux sont rencontrés dans une forêt par le père & le Comte. Restés au pouvoir de ce dernier, les larmes de ces deux Amans attendrissent, & il prend le parti généreux de servir leur amour. Le seul moyen qu'il voye pour y réussir auprès d'un homme aussi ambitieux que le prétendu Baron, c'eſt de faire passer Lindoro pour le fils du Roi des Isles Moluques. Cette ruse a son entier effet. On reçoit le beau-père Grand-Mamalucco, & il consent au mariage : c'est le dénouement du Bourgeois Gentilhomme.
Nous nous sommes étendus sur ce canevas, parce qu'il passe pour être détestable, & que nous croyons, au contraire, qu'il auroit été trouvé très-passable pour un Opéra Italien, si on l'eût débarrassé de quelques absurdités que l'on pouvoit retrancher facilement, au lieu d'y en ajouter de nouvelles, telles qu'une scène d'Opéra sérieux introduite, sans raison, au milieu d’une scène très-bouffonne , &c.
La distribution des rôles a contribué au peu de succès de cet Opéra. Le Public a vu avec déplaisir M. Scalzi, lorsqu'il attendoit M. Viganoni. On devroit penser néanmoins qu'il est impossible que les premiers Acteurs paroissent dans toutes les Pièces, car la maladie d'un seul arrêteroit le Répertoire entier ; on n'a pas trouvé non plus les airs de Madame Galli favorables à sa voix, mais on a d'ailleurs rendu justice à la musique de Cimarosa, toujours remplie d'élégance, de verve & d'originalité.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome I (janvier 1790), p. 321-322 :
[L’opéra n’a pas très bien réussi, et il doit cet échec relatif à un canevas mal employé, plus qu’un mauvais canevas : il fallait le débarrasser de « quelques absurdités qu’on pouvoit retrancher facilement » ; et la musique est jugée excellente.]
Les deux nouveautés données derniérement à ce théatre n'ont eu qu'un foible succès, quoique l'une des deux soit un opéra italien.
[...]
L'opéra italien est intitulé, Il fanatico burlato, l'Entiché de noblesse dupé. Un bourgeois qui prend le titre de baron, a promis sa fille au comte Romolo, qu'il ne connoît point, & la refuse à un homme de son état qu'elle aime & à qui elle avoit été d'abord destinée. Ce jeune-homme, en revenant de courir le pays, apprend cette fâcheuse nouvelle. Il s'avise, pour y remédier, de se présenter au pere sous le nom du comte Romolo. Cet expédient réussit d'abord , & le mariage va se faire dans la journée ; mais la joie des amans est troublée par l'arrivée du véritable comte. Lindoro, pour se tirer d'affaire, persuade au baron que ce comte est un de ses parens, & une espece de fou. Il passe en même tems auprès du comte pour le pere de sa maîtresse, ce qui produit un imbroglio qui pouvoit être assez plaisant. Au second acte, Doristella s'enfuit & quitte la maison de ton pere pour éviter un hymen qui lui déplaît. Son amant la suit, & tous deux sont rencontrés dans une forêt par le pere & le comte. Restés au pouvoir de ce dernier, les larmes de ces deux amans l'attendrissent, & il prend le parti généreux de servir leur amour. Le seul moyen qu'il voie pour y réussir auprès d'un homme aussi ambitieux que le prétendu baron, c'est de faire passer Lindoro pour le fils du roi des isles Moluques. Cette ruse a son entier effet. On reçoit le beau-pere grand mamalucco, & il consent au mariage : c'est le dénouement du Bourgeois Gentilhomme.
Nous nous sommes étendus sur ce canevas, parce qu'il passe pour être détestable, & que nous croyons, au contraire , qu'il auroit été trouvé très-passable pour un opéra italien, si on l'eût débarrassé de quelques absurdités que l'on pouvoit retrancher facilement , au-lieu d'y en ajouter de nouvelles, telles qu'une scene d'opéra sérieux introduite, sans raison, au milieu d'une scene très-bouffonne. On y entend un baron de la Citrouille , qui, désespéré d'avoir congédié une nôce à laquelle il avoit invité Mde. Fricassée , menace de faire une compote du cœur de sa fille & de celui de son amant, &c. Cet opéra n'a pu obtenir un succès bien éclatant. Mais on a rendu justice à la musique de Cimarosa, toujours remplie d'élégance, de verve & d'originalité.
D’après la base César, qui nous donne le nom des auteurs, la pièce a été représentée deux fois au Théâtre Feydeau / Théâtre de Monsieur, les 28 et 30 novembre 1789.
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