Il Finto cieco, ou l'Aveugle clairvoyant

Il Finto cieco, ou l'Aveugle clairvoyant, opéra bouffon en deux actes, livret de Da Ponte, musique de Gazzaniga, 12 août 1791.

Théâtre de la rue Feydeau.

Titre :

Finto cieco (il) ou l’Aveugle clairvoyant

Genre

opéra bouffon

Nombre d'actes :

2

Vers / prose

 

Musique :

oui

Date de création :

12 août 1791

Théâtre :

Théâtre Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Da Ponte

Compositeur(s) :

Gazzaniga et d'autres

Sur la page de titre de la brochure bilingue, à Paris, de l’imrpimerie de L. P. Couret, 1791 :

Il finto Cieco, dramma buffo in due atti, Da rappresentarsi nel Teatro di Monsieur. L’Aveugle clairvoyant, opéra bouffon en deux actes Représenté sur le Théâtre de Monsieur, en août 1791.

Mercure de France, tome CXLI (juillet-décembre 1791), n° 38, du 17 septembre 1791, p. 114-116 :

[C’est la musique et elle seule qui est analysée dans ce compte rendu très élogieux pour le musicien comme pour les interprètes. Le critique insiste sur le nécessaire changement de la musique, « qui ne vit pas âge d’homme », et sur les changements qui ont été faits à la participation originale (on sent que cette musique manque d’unité...) : l’article cite, comme « collaborateurs » de Gazzaniga, Cherubini, Cimarosa, Andreozzi, et même le jeune Jadin, qui est ici en noble compagnie. Une large place est faite également aux interprètes, dont le critique dit beaucoup de bien.

L'Aveugle clairvoyant est une comédie de Mrc-Antoine Legrand, créée le 18 septembre 1718 et très souvent joué dans les années 1790 et suivantes.]

THÉATRE de la rue Feydeau.

On a donné depuis peu à ce Théâtre deux Nouveautés ltaliennes, il Finto Cieco ou le Faux Aveugle, & la Pazza d'amore ou la Folle par amour, l'une imitée de notre Aveugle clair voyant, & l'autre presque entierement traduite de Nina.

Il Finto Cieco est du signor Gazzaniga ; c'est de la musique bien faite, un chant pur & facile, une expression fidelle des paroles ; ce sont des Airs parfaitement conduits, & des accompagnemens bien dessinés, d'un style clair & élégant, mais qui a un peu vieilli. La Musique ne vit pas âge d'homme ; & quoique le fond de l'Art ne change point en Italie, les formes sont sujettes à une mobilité que ceux des anciens Maîtres, qui vivent & composent encore, ont de la peine à saisir. Le cadre dans lequel les Airs s'étaient renfermés s'agrandit, certaines modulations hardies qu'on en avait écartées s'y introduisent, on découvre de nouveaux effets d'orchestre ; les morceaux d'ensemble prennent de plus grands développemens ; ils vont même jusqu'à une sorte d'exagération que le goût n'approuve pas toujours, lors même qu'elle frappe, enchante ou étonne l'oreille, mais le Public habitué à ces explosions, sur-tout dans les finali, paraît les regretter lorsqu'elles n'y sont pas, lorsque abstraction faite du style & de la maniere du Compositeur, la situation du Poëme ne les exigeait, ou quelquefois même ne les comportait pas.

Au reste, il n'est pas difficile d'appercevoir dans plusieurs morceaux de cet Opéra une différence de coloris qui annonce plusieurs changemens faits à la partition originale. Le charmant Duo Dove l’amor de’ primi tempi, chanté, au premier Acte, par Mesdames Morichelli & Mandini, est de M. Cherubini. L'Air comique du second Acte, All’ età del mio Bisnonno, rendu par M. Mandini d'une maniere si originale & si piquante, est de Cimarosa ; le bel Air Da ti pace, chanté par M. Simoni avec cette pureté, cette grace élégante & noble qui le distinguent, est d'Andreozzi. Mr. Jadin, jeune Compositeur Français, qui tient le Clavecin à l'Orchestre, a fait pour Mme. Mandini le joli Rondeau Amore poverello. Parmi les morceaux qui sont de Gazzaniga, on a sur-tout applaudi le sextuor du second Acte ; il est du meilleur style, d'un chant très-expressif, d'un dessein grand & large, & d'une harmonie ravissante.

Les Acteurs & Actrices que nous venons de nommer, suffiraient pour faire voir avec quel soin cet Ouvrage a été mis au Théâtre. Il y faut ajouter M. Rafanelli, chargé du rôle assez peu intéressant du faux Aveugle, mais qui en tire un parti surprenant par cette perfection de Pantomime & cette vérité profonde & scrupuleuse d'imitation qui le transforment toujours dans le personnage qu'il reprêsente. Il faut aussi rendre justice à M. Brochi, qu'un grand naturel, une bouffonnerie sérieuse & d'autant plus plaisante, ont fait justement applaudir dans le rôle d'un Poëte ridicule.

Nous ne pouvons terminer cet article sans revenir sur Mme. Morichelli, dans laquelle on admire chaque jour de plus en plus l'étonnante réunion de tout ce qui fait la grande Actrice lyrique, la voix, l'expression, la méthode & le jeu. Dans le bel Air Questo cor ch'io serbo in seno du premier Acte ; & dans celui du second, Ah ! se tutti i mali miei, où le plaisant & le pathetique sont si adroitement mélangés, elle déploie tous ses avantages ; & n'y eût-il que ces deux morceaux chantés par elle, il faudrait aller au Finto Cieco pour les entendre. Elle est bien plus étonnante encore dans la Pazza d'amore, de Paisiello, qui vient d'avoir un succès prodigieux , & dont nous rendrons compte incessamment.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 11 (novembre 1791), p. 333-334 :

[Le compte rendu suggère fortement que le livret de cet opéra n’est pas très bon, et c‘est la musique qui fait le charme de l’oeuvre de Gazzaniga, ainsi que l’interprétation par des chanteurs italiens qui sont dans l’ensemble excellents.]

THÉATRE DE LA RUE FEYDEAU.

On a donné , le vendredi 12 août, la premiere représentation d'il finto cieco, ou de l'Aveugle clair-voyant, opéra-bouffon en deux actes, musique del signor Gazzaniga.

La piece françoise de ce nom est en un acte : l'opéra, qui en a deux, a paru un peu long. On se rappelle le sujet. Un officier d'un certain âge doit épouser Elise. II fait courir le bruit qu'il a perdu les yeux à sa derniere campagne, & revient dans sa maison. Elise aime son neveu. Ni la jeune personne, ni la suivante, ni le neveu ne se gênent devant lui, le croyant aveugle. II se divertit de cette situation, & à la fin marie les jeunes gens. Tout cela, dans le nouvel opéra, est assaisonné de charges italiennes dont un poète ridicule fait presque tous les frais. Le rôle le plus considérable est celui de la soubrette Camille, qui entreprend de se faire épouser par l'aveugle. Il a été rempli par la signora Morichelli, qui a joué & chanté avec une égale supériorité. M. Mandini a déployé dans le rôle de valet ce naturel plaisant & facile qui lui mérite toujours de nouveaux applaudissemens ; M. Raffanelli a fait l'aveugle (son nom est un éloge) ; M. Prochi ; le poëte ridicule ; Mme. Mandini, Elise ; & M. Simoni, le jeune neveu. Ce dernier, qu'on voit depuis peu de tems à ce théatre, n'a pas encore l'hahitude de la scene :mais sa voix est infiniment agréable, & il a une délicieuse maniere de chanter.

La musique de cet opéra, del signor Gazzaniga, a eu du succès, & les connoisseurs y ont trouvé un très bon style. Il y a plusieurs morceaux remarquables, dont on dit que quelques-uns sont ajoutés. On a distingué un duo au premier acte entre Camille & Elise, un air de volubilité qu'on a fait répéter à M. Mandini, l'air date pace, chanté par M. Simoni, & celui que chante la signora Morichelli vers la fin du second acte. La soubrette dit à sa maîtresse qu'elle a servi à Vienne une certaine cantatrice ; & quelle est cette cantatrice ? la signora Morichelli. Elle y a appris des duos, des cavatines, des rondeaux ; pour le prouver, elle chante plaisamment & avec une grande perfection un air où elle imite differens rôles.

D’après la base César, le livret est de da Ponte. L'opéra a été joué en 1786 à Vienne. A Paris, il a connu 5 représentations, du 12 août au 20 octobre 1791.

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