La Pazza per amore, ou la Folle par amour, opéra italien de Paisiello, sur un livret de Giuseppe Carpani et Giambattista Lorenzi, 3 septembre 1791.
Théâtre Feydeau.
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Titre :
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Pazza per amore (la), ou la Folle par amour
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Genre
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opéra italien
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose
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prose avec couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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3 septembre 1791
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Théâtre :
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Théâtre Feydeau
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Auteur(s) des paroles :
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Giuseppe Carpani et Giambattista Lorenzi
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Compositeur(s) :
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Giovanni Paisiello (et Cherubini)
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Il est un peu compliqué de se retrouver dans le destin de cet opéra italien manifestement inspiré d'une pièce française, la Nina ou la Folle par amour, de Marsollier. La musique est de Paisiello, avec l'intervention d'autres musiciens, Cherubini, Weigl. Et le livret peut être attribué à Giuseppe Gargani et/ou à Giambattista Lorenzi.
Mercure universel et correspondance nationale, tome 7, n° 190 du mardi 6 septembre 1791, p. 96 :
[La pièce nouvelle est « une traduction presque littérale » d'une pièce de Marsollier, musique de Dalayrac, Nina ou la Folle par amour, créée en 1786 et abondamment jouée au Théâtre Italien. Comme la pièce n'est pas neuve, pas besoin d'analyse. Le critique peut se contenter de parler de la musique, d'excellente qualité. L'opéra joué depuis deux ans en Italie est présenté comme le chef-d'œuvre de Paësiello. Il est ici servi par d'excellents interprètes, et en particulier « la célèbre Morichelli », pour qui le critique n'a que des compliments à faire. L'article s'achève par une anecdote : une couronne jetée sur la scène pour Madame Morichelli, et un impromptu à sa gloire...]
Theatre de la rue Feydeau.
La Pazza per amore, opéra du célèbre Paësiello, vient d’obtenir le plus brillant succès. Comme c'est une traduction presque littérale de Nina, ou la Folle par amour, de M. Marsollier, nous sommes dispensés d’en donner l’analyse.
La musique, qui a excité l’enthousiasme est la plus savante composition de Paësieîlo, et peut être regardée connue son chef-d’œuvre ; du moins tel est le jugement qu’on en a porté depuis deux ans en Italie. Considérée dans son ensemble, elle est sublime ; considérée par morceaux détachés, elle renferme de beaux détails et des momens d’un intérêt attendrissant. On a fait recommencer un duo chanté au second acte par MM. Viganoni et Rovedino, avec leur perfection ordinaire ; et un trio chanté par les mêmes et la célèbre Morichelli. Les accens de la passion, l’excès de la douleur, le délire de la phisionomie, les crises, les soulevemens d’un cœur brisé par un choc continuel, tout ce que l’expression a de touchant et d’irrésistible a été saisi et rendu par cette actrice, qui ne laisse en repos ni les yeux, ni le cœur. Joignez à cela cette facilité de chant, cette flexibilité qui semble se jouer des difficultés de l'art, et vous aurez l’ensemble du vrai talent. Ce n’est point l’actrice cachée sous son rôle, c’est Nina. Il ne nous reste qu’un doute, c’est de savoir si cette virtuose a appris son rôle en faisant des Foux par amour, ou en la devenant elle-même.
Vers la fin du second acte on a jetté d’une loge une couronne sur le théâtre. Le public a forcé Madame Morichelli de l’accepter.
Mademoiselle Pariseau a chanté un impromptu qui y étoit joint. Nous n’avons retenu que les deux derniers vers.
« Comme elle est folle de tendresse,
« Nous sommes fous de ses accens ».
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 39 du samedi 24 septembre 1791, p. 148-152 :
[La Pazza per amore (appelée ici la Pazza d’amore) reprend une pièce française, la Nina de Marsollier, musique de Daleyrac, de 1786. Et elle a été jouée naguère à Naples, où elle a obtenu un succès sans doute inférieur à celui qu’elle a obtenu à Paris. Occasion de comparer les deux théâtres : si les Italiens sont meilleurs chanteurs, les Parisiens sont meilleurs acteurs. Mais devenir un bon chanteur est plus difficile que d’apprendre les codes de la représentation en France. Il n’est ensuite question de la musique et des interprètes. La partition a tant de beautés qu’il n’est pas possible de les citer toutes, et le critique se concentre sur le seul air chanté par celui qu’il appelle le Nourricier, un serviteur du père de Nina, air auquel il reconnaît « un art & une vérité admirables », et que le chanteur a su rendre « avec infiniment de naturel & d'expression ». Il parle ensuite des autres interprètes et des airs où ils se son illustrés. En particulier, il félicite une chanteuse pour la façon remarquable dont elle chante le récitatif, art difficile : passage intéressant, parce que le récitatif a le plus souvent fort mauvaise presse dans les critiques. L’ensemble de la représentation est bien jugée, et en particulier l’ensemble dont font preuve les interprètes. C’est d’autant plus méritoire que le livret d’origine a été modifié : à la prose on a substitué i, texte en vers, que Cherubini a été chargé de mettre en musique, tâche dont il s’est tiré remarquablement.]
THÉATRE de la rue Feydeau.
La Pazza d’amore, traduite presque littéralement de Nina, mise en musique par Paësiello, & jouée à Naples par la Signera Coltellini, y a obtenu le plus grand succès. On peut douter cependant qu'elle en ait eu un plus complet, & sur tout qu'elle ait fait couler autant de larmes qu'à Paris, jouée par Mad. Morichelli, & par une Compagnie supérieure dans son ensemble à celles d’Italie. Toute prévention à part, si les Acteurs Italiens nous présentent ici d'excellens modeles dans l'Art du Chant, nos Acteurs leur en offrent à leur tour dans la représentation dramatique, dont, au bout de quelque temps, le jeu de la plupart d'entre eux doit se ressentir : mais dans cet échange l’avantage n'est pas égal. Un an de séjour à Paris peut suffire à tout bon Acteur Italien pour acquérir celles de nos convenances théâtrales qui lui manquent pour nous plaire. Il n'en est pas ainsi de l'Art du Chant, qui exige de premieres études, dont les dispositions les plus heureuses & le talent imitatif le plus souple ne peuvent tenir lieu. Mais revenons à Nina.
Il nous serait impossible d'entrer dans le détail de toutes les beautés musicales dont cet Ouvrage est rempli. Point de rôle indifférent ou négligé. Le bon Nourricier lui-même chante un seul Air ; mais cet Air est un chef-d'œuvre ; & c'est de celui-là qu'il faut parler, précisément parce qu'il est placé dans un rôle secondaire. Le Nourricier veut que le pere de Nina se console, qu'il espere, pour sa fille, une guérison prompte ; il peint la part que prend tout le village à son malheureux état ; comme on s'afflige quand elle paraît triste, pâle, égarée ; comme on se réjouit quand ses regards sont plus sereins, son teint plus vif, son ame plus tranquille ; puis il revient à l'espérance qu'il faut avoir, & puis à la tristesse qu'on ressent, & puis encore à la joie qu'on éprouve : tout cela est exprimé par le Compositeur avec un art & une vérité admirables, dans un Air qui n'en est pas moins un, moins régulier : & puis venez briser des motifs, hacher des périodes, & bouleverser tout un Orchestre pour peindre des transitions de sentimens & de pensées ! Cet Air est rendu avec infiniment de naturel & d'expression par Mr. Brocchi, qui met en général beaucoup d'intérêt dans tout son rôle.
M. Rovedino n'en a peut-être point encore joué qui soit plus favorable à sa belle voix, à son jeu noble & grave, que celui du pere de Nina. Jamais il n'a été plus justement applaudi que dans ce bel Air E si fiero il mio tormento, dans le récitatif obligé qui le précede, & dans le Duo, toujours redemandé, qu'il chante au premier Acte avec M. Viganoni. Ce dernier, dans le rôle de Lindoro, joint à l'art & à la méthode qu'on lui connaît, une expression & une chaleur dont tout le monde ne le croyait pas susceptible, parce qu'il a rarement l'occasion d'en mettre dans ses rôles. Mais c'est principalement sur Mad. Morichelli, ou plutôt sur Nina, que se réunit l'intérêt. Quand on ne la voit pas,c'est à elle que l'on pense, & dès qu'elle paraît, on ne voit qu'elle. L'impression que laisse dans l'ame un jeu si vrai, si pathétique, un chant si parfait & si passionné,efface, pour ainsi dire, toutes les autres impressions. Quelle folie intéressante ! c'est celle de l'amour ; il n'y a point à s'y méprendre : c'est celle d’un amour innocent& chaste ; on le sent même au milieu du plus profond délire : c'est une folie qui n'est que dans la tête & dans le cœur ; point d'affectation ni de caricature, ni de position étudiée, ni de contorsions, ni d'égarement forcé. A toutes les difficultés de ce rôle, se joint celle de parler en chantant dans les scènes, & Mad. Moricle'li en tire deux avantages ; c'est d'abord que, sans manquer un instant à la vérité, à la justesse de la déclamation, elle ne cesse point de faire entendre ce son de voix touchant, que celui de la voix parlée, quelque doux qu'il soit, n'égale jamais en expression & en douceur ; c'est ensuite qu'elle dit supérieurement le récitatif, que ce mérite est plus rare encore que celui de chanter avec méthode & avec art ; & que, dans cette partie importante du rôle de Nina, elle s'est acquis un titre de plus au suffrage des connaisseurs. Quant aux morceaux de musique, il faudrait les citer tous, & pour son éloge & pour celui du Compositeur. Tous restent dans le cœur & dans la mémoire. Il y a surtout certains mots qui n'en peuvent sortir, tels que Voglia il Ciel ! Ma non sarà, que Nina répond à ses jeunes amies qui la flattent du retour de son bien-aimé ; & cet autre d'une expression si différente, Ah ! chi potrà comprendere la mia felicità ? &c. &c.
En général , cette Piece est mise avec beaucoup de soin, & exécutée dans toutes ses parties avec cet ensemble si nécessaire à l'effet de la musique, & sans lequel on la devine plutôt qu'on ne l'entend. Il ne faut pas oublier que les scènes étaient écrites en prose dans la partition originale, qu'elles ont été mises en vers, à Paris, par un Poëte Italien, & que M. Cherubini en a fait le récitatif. Il est en général d'une perfection rare, d'une expression juste, pathétique, d'une déclamation variée & toujours vraie : aussi l'écoute-t-on avec une attention suivie. Le Public doit remercier M. Cherubini de n'avoir pas dédaigné un travail obscur, qui ajoute, sur-tout pour nous , un grand mérite à celui de cette Piece intéressante.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 11 (novembre 1791), p. 335-336 :
[Ce que l’Esprit des journaux appelle la Pezza d’amore, puis la Pazza d’amore, c’est la Pazza per amore, également appelée la Nina, o sia la Pazza per amore.
Comme l’opéra est une traduction de la Nina de Marsollier et de Daleyrac (1786), le critique se dispense d’en « donner le sujet ». Il souligne seulement que le dénouement nouveau est amené plus habilement que dans la pièce originale. C’est sur la musique et l’interprétation qu’il s’étend le plus, pour souligner l’excellence des deux. Il y a juste une réticence sur un air de l’opéra italien, moins émouvant que l’original français, parce que « moins simple, plus travaillé, plus chargé d'ornemens ».]
Le samedi 3 septembre, on a donné, avec 1e plus brillant succès, la premiere représentation de la Pezza d'Amore (la Folle par Amour,) opéra italien de Paisiello.
Cette piece est une traduction, pour ainsi dire, littérale de notre Nina. Ainsi nous nous dispenserons d'en donner le sujet. Le dénouement nous a paru, néanmoins, amené avec plus d'adresse que dans la piece originale. Nina ne reconnoît pas tout-à-fait Lindor ; mais elle voit qu'il est instruit de ce qui s'est passé entre elle & son amant ; elle se plaît à le lui faire raconter ; il lui avoue qu'un jour cet amant osa l’embrasser ; puis il l'embrasse, en lui disant : Nina, reconnois ton Lindor ! & en tombant à ses pieds. La révolution qu'elle éprouve la rend à la raison.
Quant â la musique, la Pazza d'Amore doit être comptée au nombre des meilleurs ouvrages du célebre Paisiello : c'est un chef-d'œuvre dans le genre tendre & passionné. Nous ne pouvons indiquer tous les morceaux qui ont été vivement applaudis : il faudroit suivre la piece presque d'un bout à l'autre. Mélodie suave & délicieuse, accompagnemens pleins de richesses, exécution large & parfaite. Nous devons avouer, cependant, sans vouloir comparer les deux musiciens, que l'air italien : Le bien-aimé ne revient pas ! fait moins d'effet que celui de la piece françoise ; c'est qu'il est moins simple, plus travaillé, plus chargé d'ornemens.
Mme. Morichelli a été étonnante dans la rôle de Nina, & autant dans le récitatif que dans les airs. Il est impossible d'y mettre plus d'expression & de vérité, ni de mieux chanter malgré la fatigue continuelle de l'action. M. Rovedino a fait aussi le plus grand plaisir dans le rôle du pere, & M. Viganoni dans celui de l’amant. On les a demandés à la fin ; & tous trois, en reparoissant, ont été couverts des applaudissemens les mieux mérités.
Cette piece nous a semblé une des plus propres à augmenter l'affluence à ce théatre, si distingué par la perfection de l'exécution dans tous les genres.
On trouve ce qu’on cherche dans la base César, mais il faut chercher à la Nina, o sia la Pazza per amore. On y apprend le nom de l’auteur du livret, Giuseppe Carpani, du musicien, Giovanni Paisiello. Créé d’abord à Naples en 1790, il est joué à Paris au Théâtre Feydeau du 3 septembre 1791 au 20 août 1792. (16 fois en 1791, 9 fois en 1792, soit 25 représentations).
On adjoint souvent, pour le livret, à Giuseppe Carpani Giambattista Lorenzi, au moins pour la version jouée en France. En ajoutant que le texte italien est « d'après Marsollier ».
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