La Folle soirée, ou Picaros et Diego

La Folle soirée, ou Picaros et Diego, opéra en un acte, de Dupaty, musique de Dalayrac. 13 floréal an 11 [3 mai 1803].

Théâtre de l'Opéra Comique, rue Favart.

Titre et sous-titre sont souvent intervertis.

Almanach des Muses 1804

Pièce déjà représentée sous le titre de l'Antichambre, et que des raisons majeures avaient contraints les auteurs à retirer, après une première représentation.

Intrigue usée, mais de l'esprit, et souvent du comique. Musique fraîche et gracieuse. Du succès.

Les raisons majeures ne sont pas sans lien avec la politique...

Courrier des spectacles du 15 floréal an 11 [5 mai 1803], p. 2-3 :

[La pièce a un sujet espagnol, et l’intrigue raconte une histoire d’aventuriers qui, à leur retour des îles, tentent de se faire passer pour deux riches seigneurs, à la fois pour capter leur richesse et pour tenter de faire un bon mariage dans la bonne société. En un seul acte, on assiste à une multitude de malentendus et de tentatives d’escroquerie, jusqu’à ce que le plus escroc des deux aventuriers soit confondu (mais le résumé n’est pas si clair, et on se perd un peu dans ces gens déguisés, ces gens à l’identité supposée : on ne sait pas comment les spectateurs s’y retrouvaient !). Le jugement porté ensuite doit tenir compte du succès de la pièce : il faut se limiter à signaler les murmures suscités par le dénouement, ainsi que le manque d’action quand les deux aventuriers sont en scène. Mais, plus grave, il faut tenir compte de ce qui est « une inconvenance des plus choquantes », le fait que des Espagnols portent « des costumes ridicules, et surtout des costumes français » (ce qui fait pourtant beaucoup rire le public pourtant). La musique est ce qui « fait la fortune de cet ouvrage » : gaie et légère, elle « a réuni tous les suffrages ». Les auteurs, sans doute demandés, ont réagi différemment : l’auteur des paroles ne s’est pas dénoncé, seul le compositeur, le très réputé Daleyrac, s’est fait connaître.]

Théâtre Feydeau.

Première représentation de Picaros et Diego, ou la Folle soirée.

Deux aventuriers espagnols nommés Picaros et Diego, enrichis aux isles, reviennent en Espagne. Dans la traversée ils ont trouvé les papiers des seigneurs Belflore et Alvarez, promis en mariage à la fille et à la nièce du seigneur dom Gusman. Persuadés comme le bruit s’en est répandu, que ces deux seigneurs ont fait naufrage, Picaros se fait passer Alvarez et Diego pour Belflore, et tous deux mandent à dom Gusman leur prochaine arrivée .Celui ci qui sait que Belflore et Alvarez sont échappés au naufrage, et qui soupçonne la fourberie des deux aventuriers, envoie au devant d’eux un de ses gens qui les reconnoit et qui en est reconnu. Néanmoins il a l’air d’entrer dans leurs intérêts et parvient, à leur persuader qu’il a aussi fait fortune.

A leur arrivée, Gusman n’est plus au château ; mais d’après son ordre Nuguès, son maitre-d’hôtel, doit le représente. Celui-ci a donc rassemblé sa famille, les valets, les jardiniers ; il leur a communiqué les intentions du seigneur Gusman, qui les charge de faire les honneurs de sa maison et qui laisse pour cela des habits de parade à leur disposition. C’est sous ces costumes qu’ils se présentent à nos aventuriers, qui les prennent pour des gens de qualité. Diego n’est pas un aussi mauvais sujet que Picaros, qui lui a fait signer un partage de toute la fortune qu’il a acquise pour un billet d’une somme de cinquante mille francs : mais le fripon a jusqu’ici gardé l’acte de partage et a éludé le moment de faire le billet. La famille de Nuguès dont Diego est un cousin, n’a d’autre but que de se venger de Picaros en le mistifiant et en lui faisant rendre le contrat de partage. Tandis que le faux Belflore fait gauchement la cour à la prétendue fille de Nuguès, on présente à Alvarez madame Barba, vieille gouvernante qui passe pour la nièce du seigneur dom Gusman, elle est accompagnée de son frere, grand brétailleur, qui intimide Picaros au point qu’il consent à signer une promesse de mariage moyennant un dédit de cinquante mille francs ; après cela on se propose de donner un petit divertissement où chacun est censé changer de costume. Tous reprennent leurs premiers habits ; Picaros prend ceux de valet. Il demande alors quel sera le sujet du divertissement. Nuguès le lui explique d’abord d'une maniere indirecte, le fripon se voit découvert et décampe après avoir remis à Diégo le contrat qu’il lui avoit extorqué.

Cet opéra a obtenu un joli succès : il y regne beaucoup de gaité soit dans les scenes, soit dans le dialogue. Le dénouement seul a excité quelques murmures. Un defaut qui n’a point échappé c'est la monotonie de la situation au moment où les deux aventuriers sont en scène. L’auteur n-a pu entièrement le pallier par le mérite des détails.

Nous demanderons aussi comment il se fait que deux Espagnols voulant passer pour de hauts et puissans seigneurs de ce pays-là, aient des costumes aussi ridicules et sur-tout des costumes français ; c’est une inconvenance des plus choquantes. Mais elle fait rire sur tout par la manière dont Elleviou et Mattin portent ces habits grotesques.

On ne peut se dissimuler que la musique a sur-tout fait la fortune de cet ouvrage. C’est une des plus jolies conceptions de son auteur : elle porte un caractère de gaîté et de légèreté qui a réuni tous les suffrages. Pour en faire l’éloge il i faudroit citer tous les morceaux, mais nous indiquerons seulement le duo de la leçon entre Picaros et Diego, qui est d’une originalité piquante, et le quatuor entre Elleviou, Martin, Chenard et madame Gavaudan, dont le motif est des plus jolis et des plus ingénieux.

L'auteur de la musique est M. Daleyrac : celui des paroles a garde l’anonyme.

La Décade philosophique, littéraire et politique, onzième année de la République, IIIme trimestre, n° 23, 20 floréal, p. 312 :

On a revu avec plaisir, sous ce nouveau costume, un petit acte qu'on n'avait pu voir qu'une fois lorsqu'il était habillé à la française. La musique de Dalayrac méritait en effet d'être conservée ; et quoique les paroles aient peut-être un peu perdu dans la transplantation, l'esprit et la gaîté qu'y s'y remarquent toujours ont fait pardonner quelques invraisemblances du nouveau plan.                              L. C.

 

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