Le Faux Jocrisse, de Desprez-Valmont, 16 frimaire an 12 [8 décembre 1803].
Théâtre de la Porte Saint-Martin
Almanach des Muses 1805
Courrier des spectacles, n° 2469 (Vendredi 17 Frimaire, an XII – 9 décembre 1803), p. 2 :
[L’article consacré à ce Faux Jocrisse commence par un assez long développement sur les heurs et malheurs des théâtre du Boulevard, à qui une pièce devrait suffire pour survivre, et qui connaît des fortunes diverses dans cette quête. C’est le cas notamment du Théâtre de la Porte Saint-Martin, qui espérait trop de cet Enfant prodigue qui ne suffira pas à renflouer ses caisses, d’autant que l’acteur médiocre qu’on y avait vu continue à tenir son rôle de façon médiocre. L’idée de faire venir dans le spectacle les chevaux de Franconi ne sont pas du goût du critique, qui craint le même accident que celui du théâtre de la Gaîté, où on a finalement retiré les chevaux. En attendant la Porte Saint-Martin tente de jouer des pièces peu ambitieuses, dont ce Faux Jocrisse, qualifié de pièce froide et de peu d’intérêt, au fonds faible et à l’intrigue plutôt simple. Elle est d’ailleurs vite racontée : un Gascon qui veut épouser la fille d’un Théâtromane ; entré dans la maison sous le nom de Jocrisse, l’amant de la jeune fille se déguise pour démasquer l’escroc, et il y arrive bien sûr : le Théâtromane « unit les deux amans », comme d’habitude. Nom de l’auteur, de l’acteur qui joue avec intelligence Jocrisse sous ses divers costumes.]
Théâtre de la Porte Saint-Martin.
Première Représentation du Faux Jocrisse.
Il ne faut qu'un ouvrage pour faire la fortune des théâtres des Boulevards, mais un ouvrage qui frappe la multitude et qui flatte son goût pour les choses extraordinaires. C'est ainsi que l'Ambigu a composé son répertoire de pièces qui attirent toujours les amateurs du mélodrame ; c'est ainsi que les spectacles de la Gaîté et des Jeunes Artistes après avoir essayé maintes pièces, ont enfin rencontré, celui-ci dans Arlequin dans un œuf, et celui-là dans les Trahisons, ou Adelson et Salvini, de quoi sortir de cette espèce de léthargie où les avoit réduits le choix d'ouvrages la plupart insignifians. Le théâtre de la Porte Saint-Martin a besoin d'une production qui marque, car sans parler de celles qui ont précédé et qui n'ont eu qu'un succès de quelques jours, l'Enfant Prodigue, malgré ses décorations et la pompe du spectacle, malgré l'intérêt qu'on a cherché à lui donner, ne peut seul contribuer aux recettes abondantes dont l'administration a besoin pour se soutenir. On espéroit que les rôles seroient confiés à d'autres, et particulièrement celui du faux ami de l'Enfant Prodigue, qui à la première représentation étoit joué faiblement. Le même acteur le joue toujours, et le rôle est toujours sans couleur. On annonce que les chevaux de Franconi vont y paroître ; ce sera un bien pour quelques jours, et un mal par la suite. On l'a éprouvé à la Cité, où ils concouroient à la beauté du spectacle dans les mélodrames ; c'est-là que,
Le trop fougueux jeune premier
S'est laissé tomber dans l'orchestre.
Après cet accident qui pourroit encore bien se renouveller, Di, talem avertite pestem ! la prudente cavalerie battit en retraite, et l'on sait alors ce que devint ce théâtre réduit à ses anciens acteurs qui eurent la douleur de voir qu'on leur préféroit les acteurs quadrupèdes.
En attendant, ou monte encore ici quelques petits ouvrages dont la naissance est à peine remarquée. Hier on donna la première représentation du Faux Jocrisse, Cette pièce est froide et offre peu d'intérêt. Le fonds en est faible et l'intrigue peu compliquée.
Un Gascon a gagné par de belles promesses la confiance d'un Théâtromane qui lui a promis sa fille avec une dot de cinquante mille écus, s'il peut lui trouver une troupe de comédiens. L'amant de la demoiselle qui connoît les desseins du Gascon, s'introduit chez le père sous le nom de Jocrisse et comme domestique ; ensuite en prenant différens costumes, il accusa l'escroc, et produit des lettres où le père voit à qui il a affaire. Le Gascon démasqué est très-heureux de se soustraire par la fuite à la vengeance du Théâtromane qui unit les deux amans.
Cette bluette est de M. Després-Valmont. Le rôle de Jocrisse et les trois autres personnages dont il prend le costume sont rendus par monsieur Armand avec intelligence.
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