Gilles garnement, ou le Ballon Biron, parade historique en un acte mêlée de vaudevilles, de Barré, Radet, Desfontaines et Piis, 9 fructidor an 5 [26 août 1797].
Théâtre du Vaudeville.
Une des très nombreuses œuvres d'Antoine-Pierre-Augustin de Piis associé au trio roi du théâtre du Vaudeville, Barré, Radet et Desfontaines. La Biographie universelle, ancienne et moderne, p. 208, la présente comme une « plaisanterie relative au succès malencontreux d'une expérience aérostatique de Garnerin. La même année, le même auteur fit jouer Le Retour du ballon de Mousseaux, en « réparation d'honneur à l'aéronaute, qui avait effectué sa première descente en parachute ».
Courrier des spectacles, n° 233, du 10 fructidor an 5 (27 août 1797), p. 2 :
[La pièce est d’actualité : les auteurs se sont hâtés de mettre sur la scène un fait divers (qualifié de « petit fait historique »), l’échec de la tentative d’ascension en ballon de Garnerin, le premier des parachutistes. Pièce jouée quatre jours après l’événement, elle ne vaut que par quelques couplets, et le critique regrette qu’elle soit dépourvue d’intrigue. Demain, promesse d’autres couplets.]
Théâtre du Vaudeville.
Tout Paris connoît la trop funeste aventure du cit. Garnerin, ci-devant membre du comité révolutionnaire de la Section de Bon-Conseil, et actuellement physicien. Cet artiste devoit, mardi, s’élever dans un ballon à la hauteur de 400 toises, mais son expérience a manquée [sic], et le public en a été pour ses frais. C’est de ce petit fait historique que plusieurs auteurs très-connus ont fait la petite pièce de Gilles Garnement, ou le Ballon Biron. Cette bluette en quatre jours a été faite, apprise et jouée. L’on a remarqué quelques couplets saillans, sur-tout dans les premières scènes. On eût désiré que les auteurs eussent joint un ou deux épisodes, mais ils ont voulu ne pas perdre de temps pour épouser la querelle du public, ainsi qu’ils le disent dans le couplet d’annonce que l’on a redemandé :
Air : de la Soirée orageuse.
Un indiscret s’est compromis
Aux regards de toute la ville ;
En quatre aussi-tôt on s’est mis
Au théâtre du Vaudeville.
Si l’on ne peut en ces instans
Vous offrir qu’une bagatelle,
C’est qu’on n’a pas perdu de temps
Pour épouser votre querelle.
Faute de place , nous renvoyons à demain deux couplets que le public a fait répéter.
Courrier des spectacles, n° 234, du 11 fructidor an 5 (28 août 1797), p. 2 :
[Les couplets promis la veille. Ils sont censés représenter des exemples de couplets appréciés au public.]
Théâtre du Vaudeville.
Le défaut d’espace nous ayant empêché hier d’insérer deux couplets que le public a fait répéter dans la nouvelle pièce de Gilles Garnement ou le Ballon-Biron ; nous nous empressons de les donner aujourd’hui.
Air : Des deux Veuves.
Colombine à Arlequin.
Vois-tu comme chaque ouvrier
A le seconder est agile ;
Arlequin.
Encore un plat de son métier,
Que nous prépare monsieur Gille,
Colombine.
Vois-tu comme le soufflet va,
Tout en attendant l’assemblée.
Arlequin.
C’est que Gilles nous donnera
Une expérience soufflée.
Autre couplet.
Air : Des petits Matelots
Colombine.
Gille a pourtant bonne espérance.
Arlequin.
Oui, de se faire bien payer.
Colombine.
Son globe a fait belle apparence.
Arlequin.
Oui, pour un globe de papier.
Colombine.
Que d’air inflammable il recèle.
Arlequin.
Assez pour ne pas s’élever.
Colombine.
Regarde... il enfle de plus belle.
Arlequin.
Il faut bien enfler pour crever.
Le Censeur dramatique, volume 1 (1797), p. 203-208 :
Le 10 fructidor, on a donné [au Théâtre du Vaudeville] la première Représentation de Gilles-Garnement, ou le Ballon-Biron, Parade, en un acte; par MM. Piis, Barré, Radet et Desfontaines.
L'événement qui a donné lieu à cette Bagatelle, est connu de tout Paris. Un Aréostat, d'une dimension considérable, devoit s'enlever, avec son Physicien, au jardin de l'Hôtel de Biron ; une foule immense, à 3 liv. 6 l. et 24 liv. par tête, s'étoit rassemblée dans ce beau lieu pour assister à l'Expérience. Lorsque la recette a été complète, le Physicien, nommé Garnerin (nom auquel celui de Garnement a fait allusion dans la Pièce), s'est élevé à quelques pieds, a crevé son Ballon, et a disparu avec la recette, la seule chose qu'on ait vu s'enlever dans cette Expérience. Le Public s'est vengé sur les chaises du jardin ; et il a fini par rire de cette insigne friponnerie. Le lendemain, le sieur Garnerin a fait afficher qu'il alloit bientôt prendre sa revanche ; mais personne n'a été tenté de lui en fournir les moyens, et les choses en sont restées là .
C'est sans doute pour consoler le Public que l'on a imaginé cette petite Pièce.
« L'Auteur fait dire, à son principal Personnage, que son fort est la parade. Je crois que cette phrase peut dignement servir d'Epigraphe à l'Ouvrage entier, qui n'est effectivement qu'une vraie parade.
» Le sujet en est très simple, et le dénouement encore plus simple. M. Cassandre resemble à bien du monde ; il aime l'argent, par conséquent de ce goût il aime Gilles-Garnement, qui lui en doit faire gagner. Gilles aime Colombine ; Colombine aime Arlequin ; Arlequin aime les brioches, il aime aussi Colombine. Cassandre a promis sa Fille à Gilles, s'il réussit dans l'Expérience d'un Ballon qu'il a entrepris, et dans lequel il doit monter lui-même, et s'élever dans l'immensité. Arlequin est un incrédule qui ne s'épouvante pas du marché fait à ses dépens. Sa Maîtresse a beau lui montrer le Ballon qui s'enfle, il répond tranquillement qu'il faut bien enfler y pour crever ; enfin, il dit que Gilles ne partira pas ; Gilles assure qu'il partira, et il se trouve qu'ils ont raison tous deux. Arlequin se permet encore quelques plaisanteries sur Gilles ; ce qui fache M. Cassandre, qui lui reproche de mal parler d'un Savant et d'un Homme bien élevé. Arlequin observe qu'il ne faut pas se presser de prononcer sur ce dernier point.
» Enfin, Cassandre s'emporte contre Arlequin, et remarque, en levant les épaules, l'absurdité de l'entêtement de l'ignorance. Il résulte, de cette querelle, un second marché, par lequel M. Cassandre, qui croit bien ne pas s'engager beaucoup, promet sa fille à Arlequin, si l'Expérience vient à manquer.
» Cependant le Public arrive pour voir cette Expérience. On fait partir Je Ballon d'essai, qui n'est autre chose qu'une bulle de savon ; ce qui amuse beaucoup les Spectateurs. Enfin Gilles se met dans la nacelle, et le Ballon s'élève ; mais pendant que chacun regarde en l'air pour le voir, Gilles très adroitement s'esquive par en bas, et se sauve. Le Ballon crève et tombe ; les Spectateurs s'en vengent en le mettant en pièces ; et Cassandre , en voyant l'Expérience manquée, est obligé de tenir parole à Arlequin.
» Comme on voit, nous n'avons rien dit de trop en annonçant la simplicité de ce dénouement ;. mais comme nous ne sommes pas assez injustes pour juger cette Pièce à la rigueur, nous nous contenterons de dire, comme dans. le dernier couplet de son Vaudeville, que l'indulgence des Spectateurs est son parachute.
» Mais nous ne pouvons refuser nos éloges à M. Vert-Pré sur la manière dont il rend le rôle peu agréable de M. Cassandre, et sur l'intelligence qu'il y déploie. Il n'en est pas de même de M. Fichet, qui grimace beaucoup trop le rôle de Gilles, sans cependant être plaisant ni gai : quant à sa manière de chanter, nous croyons en dire assez, en observant qu'il n'est pas le meilleur Chanteur du Théâtre du Vaudeville ; mais comme ses amis lui ont fait entendre qu'il n'étoit pas nécessaire pour son emploi de savoir chanter, nous nous garderons bien de lui ôter une idée si consolante ; nous nous bornerons à le remercier si quelque jour il se contente de psalmodier ».
Cette aventure est absolument la répétition de celle de l'Abbé Miolan, qui, en 1784 (temps de la grande fureur des Aérostats), rassembla quelques milliers de personnes, à 14 sous par tête, dans le Jardin du Luxembourg, pour voir partir un Ballon qui ne partit point. On donnoit, ce jour-là à la Comédie Françoise le Médecin malgré lui ; et le Cit. Dugazon, qui jouoit Sganarelle, se permit de dire: Il y a fagots et fagots, comme Ballons et Ballons ; ce qui fit grand plaisir aux dupes de l'Abbé Miolan, qui se trouvoient au Spectacle. On pourroit dire de la Badauderie des Parisiens ce que Narcisse dit de la stupidité du Peuple Romain :
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