L'Homme à tout ou l'Agence universelle, comédie en un acte, de Desprez et Huron, 18 mars 1813.
Théâtre de la Gaîté.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1813 :
L'Homme à tout, ou l'Agence universelle, comédie épisodique en un acte, Par MM. A. Desprez et Huron ; Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 18 Mars 1813.
Pièce à quatre personnages,
M. Toute-Affaire, joué par M. Genest,
Mlle. Richebraque, jouée par Mlle. Clément,
Saint-Félix, son neveu, joué par M. Basnage
Pierre, Valet de M. Toute-Affaire, joué par M. Heret.
Journal de Paris, n° 78 du 19 mars 1813, p. 2 :
[Comme la pièce n'est pas très sérieuse, le critique choisit de faire un compte rendu humoristique. Le personnage caricaturé dans la pièce ne peut que supporter les « mille petites épigrammes » dont il est la cible. Le résumé de l'intrigue (pas très bien fait, d'ailleurs) aboutit à un constat désabusé : « la pièce n'est pas très-forte de conception », avec « quelques couplets [...] assez jolis ». Plutôt que de s'attarder sur une intrigue sans génie, le critique préfère ironiser sur cette curieuse activité commerciale, et il imagine une terre peuplée par les multiples enfants que l'agence matrimoniale est susceptible de faire naître. La pièce est un succès, et il suffirait d'en retirer quelques « traits qui ont paru de mauvais goût » pour qu'elle fasse rire tout le monde. Le sauteurs sont cités, tout comme les principaux interprètes (le neveu et sa tante).]
THÉATRE DE LA GAIETÉ.
Ire représentation de l'Homme à tout, ou l'Agence universelle.
Soyez connu pour avoir un bon caractère, tout le monde s'enhardit à vous jouer des tours, à vous faire des niches. Voyez le débonnaire M. Williaume, il est doué du plus heureux naturel, jamais il ne vous aborde que la gaieté dans les yeux, le sourire sur les lèvres, et qu'en fredonnant : Gai, gai, mariez-vous ; après, Comment vous portez-vous ? Ses premiers mots sont : J'ai votre affaire. Personne n'entend mieux que lui la plaisanterie et ne s'y prête de meilleure grâce ; eh bien, parce qu'il a ri avec une joyeuse bonhomie de la petite espiéglerie que lui ont faite sur le théâtre des Variétés les auteurs de la Matrimoniomanie, ne voila-t-il pas qu'on s'avise de faire encore de lui sur les boulevards le héros d'une pièce épisodique, et le plastron de mille petites épigrammes plus ou moins pointues ; on représente son agence comme une attrape-nigauds, dont l'entrepreneur est la première dupe.
Mlle de Richebraque, vieille fille très-riche, très-ridicule et très-friande du mariage, a chargé M. Toute-affaire, directeur de l'agence universelle, de lui trouver un époux. Loin de s'occuper de ce soin, notre homme compte bien se ménager pour lui-même un si bon parti. Saint-Félix, neveu de Mlle de Richebraque, entreprend de désabuser sa tante sur le compte de M. Toute-affaire, et de lui prouver que son agence n'est fréquentée que par des gens qui se moquent de l'innocent directeur. Il se déguise tour-à-tour en perruquier gascon, en incroyable, en poissarde, en veuf, et mystifie M. Toute-affaire dont Mlle de Richebraque finit par refuser la main.
On voit que la pièce n'est pas très-forte de conception. On y trouve quelques couplets assez jolis, et l'on aurait tort de les juger tous sur l'échantillon suivant :
Un bon mariage
Est au cœur
Navigateur
La rade du sage,
Le port du bonheur.
Un de ces couplets reproche au marieur universel de rester garçon, et lui dit :
Vous êtes comme un médecin
Qui craint de se traiter lui-même.
M Williaume peut répondre que son active et ardente philantropie ne lui permettra de s'occuper de son propre bonheur, que quand il n'y aura plus en France, et même en Europe, ni un homme, ni une femme à marier. C'est par des succès journaliers racontés dans les Petites-Affiches tantôt avec la plus aimable naïveté, tantôt avec l'originalité la plus piquante, que M. Williaume répond aux plaisanteries, aux caricatures et aux petites pièces ; s'il continue, je ne doute pas que, dans quelques années, l'agence matrimoniale ne soit comptée au nombre des causes de l'accroissement de la population, et M. Williaume ne marchera plus qu'entouré d'un cortège d'enfans qui, avec justice, lui crieront le doux nom de papa, puisqu'il aura été la première cause rationelle de leur naissance.
Il paraît en résultat que le bonheur qui accompagne la populative spéculation du marieur banal rejaillit sur toutes les pièces dont il est le sujet. L'Homme-à-tout a reussi; et en le purgeant de quelques traits qui ont paru de mauvais goût, même au boulevard du Temple, la pièce finira par amuser tout le monde et jusqu'à M. Willaume, qui est aussi amusable qu'amusant,
Les auteurs demandés et nommés sont MM Després et Huron.
Basnage a joué avec beaucoup d'intelligence ses quatre travestissemens, et. Mlle Clément, très-bonne acquisition pour ce théâtre, a rempli fort plaisamment le rôle carricature de Mlle Richebraque.
A.
Journal des arts, des sciences et de la littérature, n° 212 (quatrième année), 20 mars 1813, p. 389-390 :
[La pièce nouvelle est une attaque (pas isolée d'ailleurs) contre cette agence matrimoniale qui promet le mariage à ses clients. Que son directeur apprécie ou pas, cela lui fait toujours de la publicité et de nouveaux clients. Sinon, un « cadre […] assez insignifiant », l'histoire d'une vieille fille qui veut se marier, et de son neveu qui veut sauver son héritage menacé par ce mariage possible. Il se présente donc à l'Agence universelle sous quatre identités différentes, trois hommes et une poissarde. L'Homme à tout se laisse tromper avec facilité. On peut supposer que la tante comprend dans quel piège elle allait tomber. Un acteur est mis en avant, celui qui a joué le neveu et ses quatre réincarnations. Quelques couplets ont été redemandés, et un exemple est proposé. Et l'article s'achève sur une façon originale de conjurer les manifestations hostiles du public.]
THÉATRE DE LA GAITÉ.
L'Homme à Tout, ou l'Agence Universelle,
vaudeville de MM. Hurion et Després.
C'est la seconde fois que l'on traduit au théâtre l'Entrepreneur général des mariages. Il a été très-content de se voir jouer aux Variétés ; le sera-t-il également de se voir mis en scène à la Gaïté ? N'importe, cela fait parler de l'Agence générale, et chaque couplet vaut au moins un numéro d'annonce des Petites Affiches.
Le cadre de ce vaudeville nouveau est assez insignifiant ; voici l'idée que les auteurs ont suivie :
Une vieille fille de 50 ans, jouissant d'une belle fortune,
« Veut pour rente le bonheur
» Et pour capital, un homme, "
Elle s'est adressée à M. Tout Affaire pour avoir un époux ; s'il la marie, elle placera une somme considérable dans son agence, et le reste sur la tête du mari de hazard. Le neveu de cette fille prétend s'opposer à l'exécution d'un tel projet, il veut prouver à la fois que les annonces de mariage sont des pasquinades, et que le Procureur de nouvelle espèce a fait une spéculation ridicule. La vieille a meilleur opinion de M. Toute Affaire qui, en effet, porte un grand nom.... sur son enseigne ; cependant elle consent à être témoin de l'épreuve à laquelle on va le mettre. Le jeune homme se présente tour à tour en fat, en perruquier, en poissarde et en veuf désolé. L'Homme à tout croit que ce sont des pratiques, et se laisse berner avec beaucoup de complaisance.
Le jeune acteur, Basnage, qui joue cinq rôles, a soutenu en partie ce vaudeville, dont quelques couplets ont été redemandés. L'un d'eux chanté par la vieille, finit par ces deux vers :
« Quand je serai votre moitié,
» Ne me laissez pas tout à faire. »
Les auteurs ont prié le public de ne pas faire entendre de trait aërien ; c'est sans doute de bruit qu'ils ont voulu dire.
S...
Une pièce sur le même sujet de l'agence matrimoniale, la Matrimonio-manie a été jouée sur le Théâtre des Variétés à partir du 10 novembre 1812. Les comptes rendus de l'Homme à tout y renvoient.
Le survol des collections du Journal de l'Empire et du Journal des débats a fait apparaître les dates suivantes de représentations en 1813 et 1814 :
1813 :
18 mars (date de la première), 23, 24, 26, 27 et 30 mars
5, 26 et 29 avril, 13, 21, 24 et 26 mai, 22 juin
2 et 29 juillet, 5, 25 et 28 août
14 octobre, 8 et 12 novembre
1814 :
11 et 15 janvier, 12 mars, 14 avril, 2 mai.
4 juillet, 9, 19 et 24 août, 6 et 22 septembre, 6 13 octobre, 10 novembre, 25 et 30 décembre.
Les auteurs : Després (mais on écrira plutôt Desprez, pour le distinguer de ses homonymes) et Huron (ou Hurion : cela varie selon les sources).
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