Les Héritiers Michau, ou le Moulin de Lieursaint, opéra comique, paroles de M. Planard, musique de M. Bochsa, 30 avril 1814.
Théâtre de l'Opéra-Comique.
Almanach des Muses 1815.
Le bon meunier de Lieursaint a voulu que, tous les ans, on fêtât chez lui le jour où il avait eu le bonheur de voir Henri IV à sa table ; mais depuis long-temps cette fête ne se célébrait qu'à huis clos, lorsqu'enfin arrive le moment inattendu où, entonnant à voix basse le couplet vive Henri IV, il entend un chœur nombreux mêler ses accens aux siens et terminer ses chants par ces mots vive Henri IV ! vivent les Bourbons !
De l'esprit, de la gaîté, du sentiment dans le poëme. De la facilité, du naturel dans la musique.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Vente, 1814 :
Les Héritiers Michau, ou le moulin de Lieursain, opéra-comique en un acte et en prose, Paroles de M. Planard, Musique de M. Bochsa. Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique, le 30 avril 1814.
Journal de Paris, n° 121 du 1er mai 1814, p. 1 :
[Voilà un critique qui ne cache pas son enthousiasme ! Après avoir chaudement félicité paroleir et compositeur, c'est au public qu'il tient à mettre en avant pour son attitude au cours d'une représentation entièrement réussie. Et le critique, qui cite bien sûr les deux auteurs, promet de revenir « sur cette charmante production ».]
THÉATRE DE L'OPÉRA-COMIQUE.
Première représentation des Héritiers Michau, ou le Moulin de Lieursaint.
Une première idée très-ingénieuse, des scènes vraies et touchantes, des détails et des mots gais et spirituels, voilà le tribut qu’avait apporté l'auteur des paroles. Le compositeur, qui ne voulait pas être en reste, avait fait une musique facile, expressive, chantante, et certes c’est plus qu’il n’en faut pour un succès ; combien n’avons-nous pas d’exemples qui prouvent qu’on réussit à meilleur marché. Mais le parterre qui a poussé l’ambition jusqu’à disputer aux auteurs la gloire entière de la réussite, peut faire valoir son enthousiasme ; son plaisir même devient un droit.
On peut donc, en bonne conscience, compter un succès et demi. Je reviendrai sur cette charmante production dont les auteurs ont été demandés et applaudis avec une vivacité qui leur attestait qu’ils étaient les interprètes des sentiments publics. Le poème est de M. Planard ; la musique est le second ouvrage de M. Bocbsa.
A. Martainville.
Le feuilleton du 5 mai est tout entier consacré aux pièces prenant Henri IV pour héros. Son contenu est bien sûr tout à fait politique. Il s'ouvre par des excuses : le journal a dû consacrer son espace à des articles politiques (le 3 mai, a été rétablie la statue d'Henri IV, détruite par les révolutionnaires), et la part culturelle a été négligés, mais elle revient désormais. Et tout le feuilleton du jour est consacré à trois pièces autour d'Henri IV, dont le critique souligne la ressemblance avec Louis XVIII : deux princes malheureux, mais soucieux du bonheur de leur peuple. Et avant d'aborder la critique des pièces nouvelles, un long paragraphe rappelle combien la Révolution a été un moment d'égarement de la part de «méchants » et de « fous qui voulaient changer entièrement le caractère franc, sensible et généreux de la nation française, », mais la parenthèse se ferme, et c'est un descendant d'Henri IV qui monte enfin sur le trône de son glorieux ancêtre.
Trois pièces donc, qu'on trouvera dans les articles qui leur sont consacrés :
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Les Héritiers Michau, de Planard, musique de Bochsa (le titre est inexact),
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Henri IV et d'Aubigné, de René Perrin et Rougemont,
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l'Entrée d'Henri IV à Paris, de Cuvelier.
Et pour faire bonne mesure, l'article s'achève sur l'annonce d'une quatrième création, Henri IV, ou la Prise de Paris, qui fait l'objet d'une critique dans le numéro du 6 mai.
Journal de Paris, n° 125 du 5 mai 1814, p. 1-2 :
THÉATRES.
Les Héritiers de Michau [sic], Henri IV et d'Aubigné, l'Entrée d'Henri IV à Paris.
La multiplicité et l’importance des pièces politiques et officielles ont forcé le Journal de Paris à laisser un peu en retard les articles de théâtres et de littérature. Mais il n’oublie pas et qu’il est et qu’il doit être le courier les spectacles, et il va reprendre pour les nouvelles dramatiques la priorité dont il était en possession depuis longtemps.
Le nom de Henri IV orne toutes les affiches comme il retentit dans toutes les bouches, dans tous les cœurs, et jamais la pensée ne le sépare du nom de Louis XVIII qui fut comme lui longtemps malheureux et comme lui ne veut se venger de tous les maux qu’il a soufferts qu’en faisant la félicité de son peuple.
Pour peindre d’un seul trait la fureur insensée, la rage frénétique des tyrans révolutionnaires, il suffira de dire : « Ils ont brisé la statue d’Henri IV. » Les méchans et les fous qui voulaient changer entièrement le caractère franc, sensible et généreux de la nation française, pouvaient-ils laisser subsister l’image de celui qui en était le modèle, et, si je puis parler ainsi, le type par excellence ? Ils étaient conséquents dans leur barbarie. Jamais peuple put-il être plus noblement, plus fidèlement représenté que le peuple français par Henri IV ? Ses qualités, ses vertus et même ses défauts ont je ne sais quel charme qui fait sentir que ce bon prince était quelque chose de plus qu’un grand homme. Aussi avec quel enthousiasme d’amour ne voit-on pas se relever cette statue dont l’exécution fait tant d’honneur à celui qui l’a improvisée. Cette inauguration de l’image du meilleur des rois, le jour où un fils digne de lui vient reprendre possession d’un trône longtemps souillé par des usurpateurs, est une des circonstances les plus intéressantes de cette fête du 3 mai, fête à laquelle jamais aucune autre n'a ressemblé.
Henri IV est le principal personnage des Héritiers de Michau, quoiqu’il ne paraisse pas dans la pièce; mais elle est toute remplie de son souvenir ; c’est son nom qui seul y répand le plus touchant intérêt. Le bon meunier de Lieursaint a ordonné par son testament que le jour où il eut le bonheur de recevoir le Roi dans son moulin fût une fête annuelle pour toute sa postérité : jamais clause n"a été plus religieusement exécutée, Henri est devenu de génération en génération pour la famille Michau un Dieu-Pénate dont le culte est est un devoir et un plaisir. Mais hélas ! ce culte est proscrit; le n«m de Henri est odieux à ceux que son exemple condamne : ce n’est donc plus qu’à huis clos et à demi-voix qu’on peut célébrer la mémoire et chanter le nom du bon Roi. Toute la famille est réunie à table où elle observe avec un scrupule minutieux dans l’arrangement des places, dans l’ordre des santés et des chansons les moindres circonstances du fameux couper. « Le Roi était là. — Il dit ceci. — Puis il but un coup — Puis on chanta. — Puis on but — ….. Henri but souvent, et son souvenir est trop cher pour qu’on oublie une santé.
Mais la joie de ces bonnes gens est empoisonnée par la nécessité de chanter bas, et -avec des précautions pour ne pas être entendus, les airs chéris du Béarnais. Mais quelle surprise ! quel plaisir ! Au moment où Michau va entonner le couplet vive Henri IV ! des voix fortes et nombreuses se font entendre dans le lointain. Le chœur approche, et l’on apprend que les français libres enfin d'épancher les sentimens trop longtemps comprimés dans leur ame. pourront désormais crier et chanter : vive Henri IV ! vivent les Bourbons !
Jusqu'au dénouement, ce petit opéra ne vit que de détails qui tous sont pleins d'esprit et de goût ; le dialogue est un heureux mélange de sentiment et de gaieté ; et le compositeur s'est si bien identifié avec son sujet, qu’il semble que ses personnages improvisent leurs chants, et que jamais aucun de ces morceaux ne décèle le faiseur de musique. Le chant du bon Henri deviendra populaire. Cette jolie production fait honneur à l’esprit, aux talens et aux sentimens de MM. Planard et Bochsa.
Journal des arts, des sciences et de la littérature, Volume 5, n° 294, du 10 mai 1814, p. 184 :
[Dans ces premiers mois de la Restauration, le seul sujet qui semble occuper le théâtre, c’est Henri IV, et la pièce du jour ne montre pas « ce grand et bon roi », mais l’évoque d’une manière que le critique juge plus habile. Suit le récit d’une intrigue bien mince de ces Héritiers Michau qui se retrouvent chaque année pour chanter le roi qui est passé dans le moulin familial. Et un jour, alors qu’ils n’osent chanter le fameux Vive Henri IV qu’à voix basse, voilà que la foule ose entonner l’hymne proscrit sous Napoléon. Bien sûr, les Michau s’associent à ce chant : en agissant ainsi, « ils ne sont que les échos de la France. Le jugement porté sur la pièce est évidemment positif : rien à reprocher à une pièce qui est tellement dans l’air du temps : détails, dialogue, musique, tout est bon. Et un des interprètes est remarquable, sans que les autres acteurs aient démérité.]
THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE.
Les Héritiers Michau, ou le Moulin de Lieursaint, opéra comique en un acte, de P. Planard, musique de M. Charles Bochsa.
Henri IV ne paraît point dans cette pièce, et cependant il en est le sujet principal. L’auteur a découvert le moyen d’exprimer, d’une manière nouvelle et ingénieuse, l’amour des français pour ce grand et bon roi. C’est une trouvaille encore plus heureuse que ne le serait une épigramme neuve contre les médecins, après Molière.
Michau a ordonné, par son testament, que tous les ans ses descendans se réuniraient pour célébrer l’anniversaire du jour où son moulin fut visité par Henri IV. On juge si sa dernière volonté a dû être scrupuleusement exécutée. Cependant, depuis quelques années, il a fallu faire un mystère de cette petite fête, qui serait peut-être regardée comme une conspiration. Au grand regret de la famille, ce n’est donc que tout bas qu’on va chanter, au joyeux banquet de commémoration, l’air chéri de Vive Henri IV ; quand cet air se fait entendre dans la rue, on croit d’abord rêver ; mais on apprend bientôt les heureux changemens qui viennent de s’opérer, et les Héritiers Michau peuvent désormais, sans crainte, chanter tout haut Henri et Louis; ils ne sont que les échos de la France.
De très-jolis détails, un dialogue franc et plein de gaîté ont valu un grand succès à cet ouvrage. La musique peut en réclamer sa part ; elle est vive, légère, spirituelle, et confirme les espérances que l’Héritier de Paimpol avait donné des progrès su compositeur. On a surtout remarqué le morceau d’ensemble où les chants de la famille Michau sont interrompus par ceux du dehors.
Juliet joue avec talent le rôle de Michau le descendant ; il est fort bien secondé par les autres acteurs.
M.
D'après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris: répertoire 1762-1972, p. 276, l’œuvre a été jouée à l'Opéra-Comique jusqu'en 1818.
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