L'Ingénu, ou le Sauvage du Canada, pantomime, en deux actes, à grand spectacle, d'Eugène Hus, musique d'Alexandre Piccini, 27 nivôse an 13 [17 janvier 1805].
Théâtre des Jeunes Artistes.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, an 13(1805) :
L'Ingénu, ou le Sauvage du Canada, pantomime, en deux actes, A grand Spectacle, mêlée de Danses avec Marches, Tableaux, Evolutions militaires, etc. Composée et mise en Scène par M. EUGÈNE-HUS, Maître de Ballets, Auteur-instituteur-dramatique, Elève et remplacement du célèbre d'AUBERVAL, au ci-devant théâtre de l'Académie royale de Musique. La Partition de l'Ouvrage, et différents airs nouveaux, sont de M. Alexandre Piccini, artiste de l'Académie impériale de Musique. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Jeunes-Artistes, le 27 Nivóse an XIII, (17 Janvier 1805.)
La date fournie par la brochure est inexacte. Le Courrier des spectacles signale la première le 10 pluviôse an 13 [30 janvier 1805].
Bien que très bavarde, cette page de titre ne mentionne pas un nom pourtant très attendu, celui de Voltaire. La liste des personnages montre pourtant bien la proximité de la pièce avec le conte voltairien :
PERSONNAGES.
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ACTEURS.
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L'INGÉNU, jeune Canadien, très-amoureux, brave et reconnaissant.
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M. Foignet.
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Mademoiselle DE SAINT-YVES, modeste, tendre et sensible.
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Mlle. Amélie.
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M. DE SAINT-YVES, son père, ancien militaire, noble, sevère, mais sensible.
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M. Lefebvre, aîné,
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Mademoiselle DE KERKABON, vive, enjouée, bienfaisante et bonne.
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Mlle. Elomire.
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M. DE KERKABON, son frère, riche commerçant, franc, jovial et bon.
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M. Robert.
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GILOTIN, fils du bailly, sot ridicule et à prétention.
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M. Liez.
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Un Officier Français, courageux et sensible.
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M. Lefebvre, cadet.
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Un Caporal, brusque et tout à son état.
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M. Douvry.
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Soldats Français.
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Villageois et Villageoises.
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Jardiniers du couvent.
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Autres Paysans.
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La Scène se passe en Bretagne, dans un village, aux environs de la mer.
Présentation du décor, avant la scène première de l'acte premier :
Le Théâtre représente un paysage agreste, orné de quelques maisons ; celle de M. de Kerkabon est la première, à gauche ; la seconde appartient à M. de Saint-Yves ; elles sont à peu de distance l'une de l'autre, et seulement séparées par quelques arbres, annonçant une avenue. Le fond du théâtre est occupé par trois colines opposées. Au dessus de la seconde, à droite du spectateur, s'élève un mur de couvent, hérissé de pointes de fer, et renfermant une espéce de parc, à l'extrémité duquel on apperçoit une partie du monastère, surmonté d'un clocher en dehors. Sur le portail attenant au mur de clôture, on lit : Couvent des Ursulines. Le reste de la scène est orné de groupes d'arbres, de gazons, de fleurs, de berceaux, etc. etc.
Courrier des spectacles, n° 2889 du 12 pluviôse an 13 [1er février 1805], p. 2 :
[Après avoir rendu hommage au talent de Hus, capable de remettre sur le théâtre une pantomime célèbre malgré l'absence de danseurs d'un niveau suffisant, le critique insiste sur l'absence de danseurs acrobates qui semblent attendus des spectateurs : les danseurs dans ce spectacle sont des amateurs. La pantomime a eu du succès, et le critique résume l'intrigue, à la fois proche du conte de Voltaire, et assez éloigné. La source de la pantomime, c'est en fait l'opéra de Marmontel, dont la pantomime reprend à la fois le plan, mais aussi la musique de Grétry, dont « l’auteur a empruntés adroitement » « les airs charmans ». Tout dans la pièce est soigné : les costumes, les décors. Et les interprètes ont droit eux aussi à une mention flatteuse. Par contre, pas d emention du nom du compositeur (la brochure l'attribue à Piccini).
Le Huron est un opéra comique, livret de Marmontel, musique de Grétry dont c'est le premier succès parisien. Il a été créé le 20 août 1768 par les Comédiens Italiens à l'Hôtel de Bourgogne.]
Théâtre des Jeunes Artistes.
Il y a deux ans que M. Eugène Hus fit remonter avec succès à la Porte-S.-Martin le ballet pantomime de la Fille mal gardée, sans avoir de danseurs capables de l’exécuter. C'est un tour-de-force que peu de maîtres de ballets voudraient se permettre, et cependant il vient de faire un nouvel essai en ce genre aux Jeunes Artistes. Les curieux qui voudront voir l'Ingénu, ou le Sauvage du Canada, ne doivent point s’attendre à ces sauts périlleux, à ces pas étonnans, à ces pirouettes interminables de nos grands danseurs, ils ne trouveront que des pas exécutés passablement par des amateurs ; mais ils seront satisfaits de la conduite de l’ouvrage, qui a obtenu beaucoup de succès.
Voici en deux mots comment l’auteur, M. Hus, a traité son sujet. Le jeune Sauvage, amoureux de Mlle, de St-Yves, est reconnu dans une fête pour le neveu de M. de Kerkabon ; un portrait suspendu à son col, a révélé le secret de sa naissance ; cette connoissance de son sort augmente l’espoir qu’il a de plaire à son amante ; et pour se rendre encore plus digne d’elle, il part avec un détachement qui marche contre l’ennemi, et revient bientôt victorieux, portant en trophée un drapeau qu'il a enlevé. Son retour porte la joie dans le cœur de Mlle. de St.-Yves, qui se trouvant seule avec lui, a beaucoup de peine à se défendre de ses caresses. Surprise par son pere, qu’un certain Gilotin, rival de l’Ingénu, a appelé pour rompre ce tête à-tête, elle est renfermée dans un couvent. Le Sauvage escalade les murs, renverse tout ce qui s’oppose à son passage, ramène son amante aux pieds de son père, qui reste inexorale [sic], et qui ne cède qu’en considération de la valeur qu’il a déployée en arrachant un drapeau à l’ennemi.
On retrouve dans cette analyse le plan du Huron, opéra de Marmontel ; mais ce qu’on aime sur-tout y entendre, ce sont les airs charmans que l’auteur a empruntés adroitement à notre célèbre Grétry qui, en composant la musique du Huron, jettoit les premiers fondemens de sa gloire. Cet ouvrage est soigné tant pour les costumes que pour les décorations.
Il est joué agréablement par MM. Poignet fils, Liez et Robert, et par Mlles. Amélie et Elomire.
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