Jenesai-ki, ou les Exaltés de Charenton

Jenesai-ki, ou les Exaltés de Charenton, vaudeville, parodie de Beniowski, de Barré, Despréaux, Dieulafoy et Chazet, 2 messidor an 8 [21 juin 1800].

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Jenesai-ki, ou les Exaltés de Charenton

Genre

vaudeville, parodie de Beniowki

Nombre d'actes :

1 ?

Vers / prose

prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

2 messidor an 8 [21 juin 1800]

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Despréaux, Dieulafoy et Chazet

Courrier des spectacles, n° 1205 du 3 messidor n 8 [22 juin 1800], p. 2-3 :

[Le compte rendu d’un vaudeville qui s’ouvre par un assez long poème pour célébrer les victoires de Bonaparte, en cet été 1800, c’est le signe que le théâtre est utilisé comme caisse de résonance de la politique : on met en scène sous forme spontanée un événement qui l’est sans doute beaucoup moins. Retour à la nouveauté du jour, c’est une parodie d’un opéra récent joué au Théâtre de l’Opéra-Comique national, d’Alexandre Duval, musique de Boieldieu, Béniowski ou les Exilés du Kamchatka. Avant d’en faire l’analyse, le critique souligne que les auteurs ont suivi sans doute trop scrupuleusement l'œuvre parodiée, ce qui a jeté un peu de froid, mais n’a pas empêché de beaucoup rire. Face à ce rire que le critique a partagé, il n’y a plus qu’à faire l’analyse de la parodie, qui est bien sûr caricaturale à souhait et transpose à l’asile de Charenton ce que la pièce originale situait dans le bagne du Kamchatka, la révolte des bagnards devenant une tentative d’évasion des internés. La parodie montre bien tous les défauts de la pièce originale, et les acteurs ont très bien su se moquer des acteurs de l’Opéra-Comique dont ils ont « contrefait » le jeu. Tous les acteurs cités sont félicités, et l’ensemble entre eux a été parfait (ce n’est pas toujours le cas !). L’article s’achève par la reproduction de deux couplets, qui sont un parfait éloge de Gavaudan, un chanteur de l’Opéra-Comique.]

Théâtre du Vaudeville.

La pièce de Pour et contre étoit finie, le rideau alloit se baisser, lorsque le citoyen Rosières, chargé du rôle de l’oncle, reçut un billet. « Ah ! ah ! (dit-il en l’ouvrant) ce sont de bonnes nouvelles que m’envoye un de mes amis. Je vais vous en faire part.

Air : Trouverez-vous un Parlement.

Avec transport je vous écris ;
Avec transport vous m’allez lire :
Depuis ce matin dans Paris
Tous les cœurs sont dans le délire.
O jour d'yvresse, heureux moment,
De nos guerriers chantez la gloire !
Le bruit du canon nous apprend
La plus mémorable victoire.
Franhissanl des monts effrayans
Avec une audace inouie,
Bonaparte en quelques instans
Arrive et reprend l’Italie,
Sur ces bords où l'on admiroit
Son génie autant que sa gloire,
J’étois sûr qu’il reparoitroit
Sur les ailes de la Victoire.
Parmi quelques vaillans guerriers
Qui bien cher ont vendu leur vie,
Dessaix tout couvert de lauriers,
Coûte des pleurs à sa patrie.
Mais tout en pleurant sur son sort,
Célébrons, envions sa gloire :
E.n vrai héros Dessaix est mort
Entre les bras de la Victoire.

Dans ce jour à jamais heureux
Qui de nos braves est l’ouvrage,
Quel espoir fait luire à nos yeux
La constance de leur courage :
Ah ! qu'avec plaisir les Français
De leurs guerriers chantent la gloire,
Quand ils sont certains que la paix
Sera le prix de la victoire.

Par les citoyens Desfontaines, Radet, Barré et Bourgueil

C’est par cette manière ingénieuse que l'on a préparé le public à entendre une pièce pleine de gaîté et d’illusions piquantes, la parodie de Beniowsky, sous le titre de Jenesaisky, ou les Exaltés de Charenton. Une imitation peut-être trop scrupuleuse des scènes de cet opéra, a répandu un peu de froid vers le milieu de la parodie, mais on a ri et bien ri ; la critique n’a plus rien à dire, et partageant elle-même le rire universel, elle donne gain de cause aux joyeux parodistes.

Essayons d’en tracer ici une courte analyse :

Les Exaltés de Charente» ont pour chef Jenesaisky. Le médecin chargé de leur guérison est parvenu à lui rendre la raison ; et s’étant apperçu qu’il n’est pas indifférent à sa fille, il a intention de la lui donner en mariage. Jenesaisky a un rival brûlant d’amour, grelotant de froid ; qui se nomme Espionnof, et qui ne justifie que trop ce nom en écoutant la confidence que fait le Médecin à Jenesaisky.

Soudain il va en faire part aux Exaltés, qui n’attendent pour sortir de prison que le moment où leurs camarades de Bicêtre auront brisé leurs fers, et qui ont élu Jenesaiski pour chef, Lorsqu’il s’est bien assuré de leur haine contre son heureux rival, il va trouver le Médecin, à qui il découvre le projet d’évasion formé par les Fous, et il nomme Jenesaisky auteur de ce projet. Le Médecin appelle Jenesaisky ; il veut dissimuler cependant, et s’emporte contre lui. Celui-ci désespéré, le jette dans un puits ; il n’en sort qu'avec le secours d’Espionnof, qui tire un petit couteau pour le tuer. Mais comme

Un homme au fonds d'un puits est toujours respectable,

il se retient et reste indécis, lorsque Jenesaisky lui saute au col et l’embrasse. Le remords presse Espionnof' ; les Fous auxquels il a dénoncé Jenesaisky veulent tuer ce dernier, il s’y oppose en s’avouant coupable ; Jenesaisky le sauve à son tour de leur fureur. Tout-à-coup le Médecin escalade les murs et veut faire rentrer les Fous. Il est suivi de deux ou trois vieilles femmes armées de pots à l’eau. Les Exaltés le menacent de l’inonder, et par une savante manœuvre le mettent entre deux eaux. Il rend la clef et donne la liberté à tous les Fous.

Si les auteurs ont saisi adroitement les défauts de la pièce de Beniowsky, les acteurs n’ont pas moins fait valoir leurs rôles, par la manière plaisante dont ils ont contrefait les acteurs chargés des rôles de l’opéra parodié. Le citoyen Carpentier a été très-comique dans le rôle de Jenesaisky ; le cit. Laporte, dans celui d’Espionnof, a déployé la plus grande intelligence ; madame Blosville a été très-applaudie dans le rôle assez court de Pharmacie ; enfin l’ensemble le plus parfait a régné dans cette représentation.

A entendre chacun des Exaltés ils sont tous en prison pour rien ; Jenesaisky y est :

Jenesaiski.

Air : Vaudeville des Montagnards.

Pour avoir dit que !a peinture
Etoit moins un art qu’un métier,
Et qu’en fait de littérature
Boileau n’étoit qu’un écolier ;
Dans mon Système Planétaire,
Pour avoir pris sous mon bonnet
Qu’on ne voit point tourner la terre,
On dit que ma tête tournoit.

Espionof.

Même Air.

Moi, dans la carrière lyrique
Etudiant les grands effets,
Je vis un joueur frénétique
Dont je voulus peindre les traits ;
L'aveugle fureur qui l’inspire,
Versant dans mon cœur son poison,
Je jouai si bien le délire
Que l’on douta de ma raison.

On ne peut rien ajouter à cet éloge, aussi flatteur que bien mérité du cit. Gavaudan.

F. J. B. P. G ***.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, an VIII (1800), tome II, p. 126

Théâtre du Vaudeville

Jenesai-ki ou les Exaltés de Charenton.

Tel est le titre de la parodie de Beniowsky, donnée le 2 messidor sur ce théâtre. Cette parodie est beaucoup plus gaie et plus piquante que celle des Troubadours. Les exaltés de Charenton parodient parfaitement les exilés au Kamchatka ; tous les rôles sont bien joués, et les couplets saillans. En voici un que chante Jenesai-ki:

Air du vaudeville des Montagnards.

Pour avoir dit que la peinture
Etoit moins un art qu'un métier ;
Et qu'en fait de littérature ,
Boileau n'étoit qu'un écolier: 
Dans mon système planétaire,
Pour avoir pris sous mon bonnet,
Qu'on ne voit point tourner la terre, - . .
On dit que ma tête tournoit.

Le C. Carpentier a fort bien joué le rôle de Jenesai-ki ; les CC. Laporte, Hippolyte, et M.me Blosseville, ceux de Espionof, du médecin et du Pharmacien. Les auteurs sont les CC. Barré, Despréaux, Dieulafoi et Chazet.

La parodie de Beniowski jouée au Théâtre des Troubadours, c'est Betouski, ou les Marchands de bois de l'île des Cygnes.

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