La Lecture de Clarice, comédie en un acte et en prose, par M. François Roger ; 13 octobre 1812.
Théâtre Français.
Le nom Clarisse est également écrit Clarice.
-
Titre :
|
Lecture de Clarisse (la)
|
Genre
|
comédie
|
Nombre d'actes :
|
1
|
Vers / prose
|
en prose
|
Musique :
|
non
|
Date de création :
|
13 octobre 1812
|
Théâtre :
|
Théâtre Français
|
Auteur(s) des paroles :
|
François Roger
|
Almanach des Muses 1813.
Une seule représentation.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome V, p. 438 :
[Ce n’était apparemment pas une bonne idée aux yeux du critique de reprendre des éléments du roman de Clarisse Harlowe, probablement pour le parodier. le résultat n’est pas jugé concluant, et la pièce n’a pas dépassé la quatrième scène.]
THÉATRE FRANÇAIS.
La Lecture de Clarisse, comédie en un acte et en prose, jouée le 13 octobre.
Un M. Darcis et sa famille, engoués du roman de Clarisse Harlove, blâment tous les personnages qui ont causé la perte de cette héroïne, et ils se comportent tous comme les personnages qu'ils blâment ; l'amant enlève, la fille se laisse enlever, un valet les aide, le père veut tout tuer, un nouveau Solmes entasse les platitudes et les sottises.... Le public n'y a pas tenu, tout s'est écroulé, dès la quatrième scène.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome XI, novembre 1812, p. 274-278 :
[Le Théâtre Français ne se porte pas bien, et il pouvait espérer améliorer son état avec une pièce prometteuse. Mais la Lecture de Clarisse a échoué. Fausse nouveauté, apparue il y a dix ans sur « un théâtre voisin de la capitale » (je n’en sais pas plus), montée au Théâtre Français, elle a connu une chute « désastreuse », bien qu’elle soit due à « un homme connu par des productions très-distinguées ». Sans doute le public s’attendait-il « à une production plus forte, à des vues plus philosophiques et plus étendues, à des combinaisons moins vulgaires, à des idées moins communes ». Il s’agissait simplement de montrer que tout homme est en contradiction avec soi-même, et qu’il oublie bien facilement ses principes les plus fortement affirmés. Ici, c’est un père qui, scandalisé par la cruauté du père de Clarisse Harlowe, veut laisser à sa fille le choix de son époux, mais, le moment venu, lui impose celui qu’elle ne veut pas. La pièce, loin de sauver le Théâtre Français, a fini dans le tumulte. C’est l’occasion pour le critique de donner une bonne leçon aux Comédiens Français : une série de mises en garde et de conseils sont là pour leur indiquer la voie à suivre pour se réformer et retrouver le public qui les fuit.]
THÉATRE FRANÇAIS.
La lecture de Clarisse.
Chacun fait, dit Collin, des châteaux en Espagne ;
On en fait à la ville, ainsi qu'à la campagne.
Il est probable que l'auteur de la pièce nouvelle avait aussi bâti son château en Espagne ; qu'il s'était dit ; « L'ouvrage est conduit raisonnablement, écrit avec soin ; il a plu à mes amis ; Picard en dit merveilles ; les rôles sont confiés aux meilleurs acteurs ; j'ai fait pour Baptiste cadet, une caricature excellente ; le nom de Clarisse, est aussi d'une merveilleuse recommandation ; tout m'annonce une réussite heureuse, un triomphe certain ».
Il est probable que les acteurs avaient aussi fait leur château : « On nous accuse d'inertie ; on nous reproche d'abreuver les auteurs de dégoûts, de décourager le talent par d'éternelles lenteurs ; confondons aujourd'hui la médisance ; montrons à nos détracteurs qu'en moins de six mois nous sommes capables d'apprendre et de représenter une pièce en un acte ; car six mois se sont à peine écoulés depuis que le triste Mascarille est mort entre nos bras ».
Hélas ! c'était un trépas nouveau qui se préparait ; c'était une nouvelle mésaventure pour cette infortunée Clarisse ! Si j'en crois les plus doctes nouvellistes des théâtres, cette lecture de Clarisse n'était point une nouveauté ; elle avait paru avec succès, il y a dix ans, sur un théâtre voisin de la capitale ; elle y avait été accueillie et fêtée; depuis ce temps, la tendresse paternelle l'avait éloignée du grand monde; on lui cherchait un établissement plus brillant : elle avait d'abord été promise à l'Odéon ; enfin elle venait d'être accordée aux Français. Comment se fait-il qu'avec tant de sujets d'espérance, tant de motifs de succès, cette pièce ait éprouvé une chute si désastreuse ? Car depuis long-temps le parterre n'avait montré tant de rigueur. L'auteur est d'ailleurs un homme connu par des productions très-distinguées ; il est plein de talent et de goût, et méritait peut-être plus d'égards.
Mais le titre de l'ouvrage promettait plus que l'ouvrage ne tient. Clarisse est un roman si célèbre ; la lecture de ce livre a produit tant d'imitateurs du Lovelace et de sa victime ; on peut y puiser tant de considérations morales, qu'il est probable que le public s'attendait à une production plus forte, à des vues plus philosophiques et plus étendues, à des combinaisons moins vulgaires, à des idées moins communes.
Tout ce que l'auteur a voulu prouver, c'est que l'homme est presque toujours en contradiction avec lui-même, et que ceux qui affectent les principes les plus sévères, sont presque toujours ceux qui les oublient les premiers.
Un homme aisé, vivant à la campagne, au sein de ses connaissances, faisant de la lecture ses plus chers amusemens, réunissant, le soir, quelques amis pour les associer à ses plaisirs, se prend tout-à-coup d'un bel enthousiasme pour le roman de Clarisse. Il trouve cruelle, barbare, exécrable la conduite de ce sir Harlowe qui prétend gêner les goûts de sa fille, et la condamner à épouser un M. Solmes, le plus grotesque et le plus ridicule personnage des trois royaumes. Il déclare positivement que jamais il ne donnera un pareil scandale.
Il n'a qu'une fille; elle est jeune, jolie, spirituelle ; jamais il ne la mariera qu'elle ne choisisse elle-même son époux ; il ne l'exposera pas à faire une fin aussi déplorable que cette sensible et malheureuse Clarisse.
Il semble qu'avec de pareils principes, sa fille Emilie n'avait jamais à redouter de devenir l'épouse d'un homme qu'elle détestait ; et voilà pourtant le destin qui lui est réservé ! Parmi les connaissances de son père étaient deux personnages remarquables et fort différens : l'un, jeune, bien fait, aimable, empressé, plaisant beaucoup à Emilie ; c'était un jeune officier d'une famille distinguée, à l'abri de tout reproche ; l'autre était un docteur de village, tout bardé de latin, tout farci d'aphorismes ; il plaisait fort au pére, et fort peu à la demoiselle.
Mais Emilie avait le choix ; le père l'avait déclaré formellement. Voilà donc Emilie sûre d'épouser le jeune otficier. Elle se hâte de profiter de la lecture de Clarisse et de faire part de ses dispositions à son père. Qui pourrait l'imaginer ? Ce père si tendre, si sensible au sort de Clarisse, si irrité de la barbarie de ses parens, devient tout-à-coup un autre sir Harlowe, et déclare à sa fille que c'est M. le docteur Dupré qu'il faut qu'elle épouse ; que c'est un médecin expert et fort familier avec les formules d'Hippocrate et de Gallien ; qu'enfin il est bien aise que sa fille ait un médecin pour époux. « Mais, je ne suis point malade » ! dit la douce Emilie. — « Non ; mais vous l'avez été (réplique le père), et il vous a guérie ».
Ce mot a été le signal d'une déroute complette ; les sifflets ont succédé aux rires, et la pièce ne s'est plus achevée que dans le tumulte.
Ce n'est point avec de mauvaise farces, avec des caricatures ignobles que les comédiens français peuvent se flatter d'obtenir les suffrages du public. C'est chez eux qu'on veut trouver la décence et le bon goût. Veulent-ils voir prospérer leur théâtre ? Qu'ils lui rendent son ancienne considération ; qu'ils cessent de dormir dans la mollesse et l'inaction ; que les premiers sujets se disputent l'honneur d'occuper la scène ; que la tragédie et la comédie rivalisent d'ardeur ; que les pensionnaires et les doubles ne soient pas condamnés à porter seuls le poids du jour ; que le répertoire s'enrichisse de pièces nouvelles ; que l'amour du travail et l'émulation enflamment tous les cœurs ; qu'on apprenne enfin à varier les plaisirs et les jouissances du public.
D’après la base La Grange de la Comédie Française, la Lecture de Clarisse, comédie en un acte et en prose, de François Roger n’a été joué qu’une fois, le 13 octobre 1812.
Ajouter un commentaire