La Lettre sans adresse

La Lettre sans adresse, comédie en un acte et en prose mêlée de vaudevilles, d'Étienne et Moras, 26 vendémiaire an 9 [18 octobre 1800].

Théâtre des Troubadours

Almanach des Muses 1802

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, tome cinquième, p. 284 :

[Simple annonce de la publication de la brochure.]

LA LETTRE SANS ADRESSE , comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, représentée pour la première fois sur le théâtre des Troubadours, le 26 vendémiaire an 9 ; par les CC ETIENNE et MORAS. A Paris , au magasin des pièces de théâtre, rue des Prêtres-Saint-Germain-l'Auxerrois , n ° 44, en face de l'église. An 9; in-8° de 47 p. Prix, 1 fr. 2o cent.

Courrier des spectacles, n° 1324 du 27 vendémiaire an 9 [19 octobre 1800], p. 3 :

[La pièce nouvelle a été bien accueillie, des couplets ont été redemandés, et les auteurs, nommés, n’ont pas paru. C’est bien une réussite. Le critique propose ensuite une analyse précise du sujet, l’histoire d’un mari qui voudrait que sa femme revienne sur son envie de divorcer, dont il est d’ailleurs largement responsable par son goût immodéré de la mode. Il ne s’aperçoit pas que celui qu’il croit son ami manœuvre « pour se mettre bien dans l’esprit de l’épouse et substitue sans scrupules une lettre enflammée à celle que le mari lui a demandé de faire remettre à son épouse et qui est une tentative de conciliation. Après bien des rebondissements, la vérité éclate, le faux ami est chassé et les époux se réconcilient. De cette analyse, le critique tire plusieurs conclusions. Après avoir dit qu’elle contient « plusieurs scènes très-jolies », il souligne qu’elles ne sont « pas bien amenées », et souligne le peu de vraisemblance de cette affaire de lettres entre époux passant par l’intermédiaire d’un ami : un tête-à-tête entre mari et femme aurait suffi pour dissiper le malentendu. Mais il fallait qu’il y ait des couplets méchants, qui sauvent le pièce. Un dernier point : le dernier couplet, qui fait allusion au sacrifice d’Abraham, n’a rien à faire là. Dans la brochure parue en l’an 9, ce couplet ne figure d’ailleurs pas.]

Théâtre des Troubadours.

La nouveauté jouée hier à ce théâtre, sous le titre de la Lettre sans adresse, a été bien accueillie. Beaucoup de couplets ont fait plaisir ; plusieurs ont été répétés. On a demandé les auteurs, ils n’ont point paru ; ce sont les citoyens Etienne et Moras.

Tessier, nouvel enrichi, époux de Sophie, conserve pour elle beaucoup d’estime, et même de l’amour ; mais son goût pour la mode lui a tourné la tète. Non-seulement il la suit dans ses habits et dans ses habitudes ; mais le nom de Germain, que portoit son valet, lui ayant paru trop bourgeois, il lui a donné celui de William. A l’égard de son épouse, il affecte pour elle de la hauteur et du mépris, jusqu’au point de lasser son extrême patience et de la porter â demander le divorce. Son cœur n’est pour rien dans cette conduite ; il ne veut que suivre la mode et les conseils de Lucival, jeune fat, et son prétendu ami, qui cherche à profiter de ses écarts pour se mettre bien dans l’esprit de Sophie. Déjà elle a rejetté avec dédain sa déclaration ; il se flatte qu’une lettre sera mieux reçue ; il l’a écrite , mais ne l’a point encore fait remettre. Tessier, effrayé de l’idée du divorce, dont sa femme l’a menacé, écrit pour la calmer et l’assurer de son amour. Il n’a point mis d’adresse sur la lettre, prie son ami de l’écrire et de l’envoyer. Lucival substitue sa lettre à celle de son ami, et la fait remettre à Sophie par William. Tessier et Lucival, du jardin où ils sont, voyent dans l’appartement de Sophie, et chacun d’eux est curieux de connoître quelle impression lui fera la lettre. A peine l’a-t-elle lue qu’elle la déchire avec mépris. Lucival est piqué de se voir dédaigné. Tesssier, qui croit que c’est sa lettre qu’elle a lue, est furieux. Sophie sort de son cabinet, reproche à Lucival son audace ; mais Tessier, toujours dans l’erreur, dit que c’est pour l’obliger, et à sa sollicitation, que son ami a fait remettre cette lettre, qu'elle aurait tort de croire aux expressions tendres qu’elle renferme, que ce n’est qu’un pur badinage. Sophie au désespoir sort pour aller faire dresser l’acte de divorce. Son mari, excité par Lucival, se décide lui-même au divorce, et envoie Lucival pour en faire dresser l’acte. Pendant qu’il est seul, il entre dans 1e cabinet où Sophie a lu sa lettre, en ramasse les morceaux, et s’apperçoit que ce n’est pas son écriture. Frappé de son erreur et de la fourberie de Lucival, il se jette aux pieds de son épouse et leur racomodement se fait aux yeux du traître, qui s’esquive.

Il est aisé de reconnoître par cette analyse, que ce vaudeville contient plusieurs scènes très-jolies. Il est malheureux qu’elles ne soient pa» bien amenées. Pourquoi Tessier n’a-t-il pas mis l’adresse sur sa lettre, tandis que dans une scène fort longue, son valet lui a raisonnablement observé qu’il étoit impossible qu’il la portât sans savoir à qui la remettre ? Etoit-il d’ailleurs nécessaire, même vraisemblable qu’il écrivît à sa femme pour calmer ses inquiétudes ? S’il ne vouloit pas convenir devant un tiers de son amour pour elle, il pouvoit, en sa qualité de mari, avoir aisément un tête-à-tête. Mais il falloit placer quelques couplets méchants : aussi n’est-ce pas à l’ouvrage, c’est aux couplets qu’on a applaudi, et avec justice ; il y en a de très-jolis. Les auteurs devroieut peut-être ôter le dernier ; car on a dû être fort étonné d’entendre, à la fin de cette pièce, parler du sacrifice d’Abraham.

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