La Liberté des femmes

La Liberté des femmes, comédie en prose & en trois actes, 22 juin 1793.

Théâtre de la République.

Titre :

Liberté des femmes (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers / prose ?

en prose

Musique :

non

Date de création :

22 juin 1793

Théâtre :

Théâtre de la République

Auteur(s) des paroles :

 

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 8 (août 1793),.p. 298-303 :

[Encore une chute, et le critique la trouve particulièrement justifiée. Après une longue analyse de l’intrigue, il commence à énumérer les défauts qu’il trouve à la pièce : un dialogue haché, des « motifs » trop peu développés,d’autres trop développés, une intrigue entortillée, un personnage central (le mari) « insoutenable ». Bilan provisoire : « Beaucoup de longueurs, des situations forcées, des gravelures, au-lieu de plaisanteries » (les reproches classiques : longueur, faible vraisemblance, vulgarité et immoralité). Le caractère graveleux est illustré de propos entre les domestiques, qui parlent avec légèreté du divorce, comme par «  les termes & les moyens les moins délicats » employés par Florval et Céphise : tous oublient que «  si les décrets permettent le divorce, leur but n'a jamais dû être de le favoriser » « En un mot, les convenances sociales ne sont pas mieux gardées dans cette comédie, que les convenances théatrales, & il nous semble que le public a eu raison de la proscrire. ». La représentation s’est mal passée : les acteurs ont mal joué dans le bruit des huées et des coups de sifflet.]

THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE.

La liberté des femmes, comédie en prose & en trois actes.

Depuis six ans entiers, Mme. Doligni est mariée, & depuis six ans entiers, elle n'est plus avec son mari. Il ne lui avoit même été permis de le voir qu'au moment d'aller à l'autel, & aussi-tôt après la cérémonie, il étoit reparti pour Paris. Voilà des époux bien commodes, & des nœuds bien assortis.

Mme. Doligni vit à la campagne, où son amie Céphise vient.de tems-en-tems la voir avec son cousin Florval. Celui-ci, éperduement amoureux de Mme. Doligni, n'oublie rien pour la porter à l'oubli de ses devoirs, & la cousine Céphise le seconde fort bien. Ils sont si dévergondés l'un & l'autre, qu'ils vont non-seulement jusqu'à faire l'apologie du divorce, mais encore celle de ces sentimens de dépravation que des êtres corrompus osent rarement montrer en public. Mme. Doligni est vertueuse ; les conseils pervers de sa criminelle amie, font peu de sensation sur elle. C'est pourtant une singuliere vertu, que celle d'une femme qui ne chasse point de chez elle un jeune homme & sa cousine, qu'elle voit sans cesse occupés, pour la séduire, à jetter des fleurs sur la route de la corruption & du libertinage.

Soit par imbécillité, soit par foiblesse, Mme. Doligni écoute, sans se fâcher, tout ce que lui disent Florval & Céphise, & elle a l'air de ne pas s'appercevoir que leur astucieuse politique n'a jamais eu d'autre but que de la faire divorcer avec son mari. Elle part avec eux pour aller dîner dans un château voisin.

A l'instant où elle sort de son appartement, Cléon, qui, en arrivant dans la maison, a fait grand bruit avec ses gens, entre, sans cependant être apperçu d'elle, & commande en maître. On lui apporte sa robe-de-chambre, ses pantoufles, & quand il est ainsi bien & duement costumé, il se fait servir à dîner, dans l'appartement même de Mme. Doligni.

Armand, son domestique, est scandalisé de cette conduite. Que dira, à son retour, la maîtresse du château, lorsqu'elle le trouvera dans son appartement ? N'aura-t-elle pas raison de se fâcher ? Armand apprend alors à son maître, qu'il vient de rencontrer dans le château la soubrette Manon ; que celle-ci est sa femme : qu'il ne sauroit vivre plus long-tems avec elle, & qu'il veut retourner à Paris.

Cette aventure paroît extrêmement plaisante à Cléon, qui, rendant à son valet confidence pour confidence, lui apprend que la maîtresse du logis est sa femme ; qu'il n'a changé son nom de Doligni en celui de Cléon, que pour vivre en garçon & avec moins de gêne, en étant marié, & que n'ayant jamais vu sa femme qu'au pied de l'autel, son embarras est de la reconnoître, quand elle rentrera.

Aussi-tôt après cette singuliere exposition, Florval, Céphise & Mme. Doligni paroissent ; ils n'ont pas trouvé l'amie chez qui ils alloient dîner. Qu'on juge de leur surprise, lorsqu'ils voient Cléon ; ils ne peuvent pas concevoir l'impudence d'un homme qui a la mal-honnêteté de les attendre à table, en pantoufles & robe-de-chambre, dans l'appartement d'une dame ; & ils veulent savoir qui il est. Il répond à Céphise, qui le presse : Madame, puisqu'il faut vous le dire, je suis votre mari. — Mon mari ! Eh ! je ne fus jamais mariée. — En ce cas, je suis donc celui de Madame. — Quoi! vous seriez M. Doligni ? — Oui, Madame.

Cette froide explication étonne Mme. Doligni ; mais elle ne se félicite pas moins du retour de son mari, & elle forme les vœux les plus ardens pour qu'il soit sincere. Qu'elle est loin de prévoir la cause qui l'amene ! Comment reviendroit-il à sa femme, puisqu'oubliant dans le moment pourquoi il est venu dans le château, il devient amoureux de Céphise, le lui déclare, & lorsqu'il s'apperçoit que sa femme a inspiré de tendres sentimens à Florval, il veut qu'elle y réponde, & qu'un bon mariage les unisse, quand le divorce l'aura mis dans le cas de présenter sa main à Céphise.

Mais il est tems d'apprendre à nos lecteurs pourquoi M. Doligni est venu chez sa femme. Depuis plus de quinze jours, la plus vive passion l'attache à Bélise ; & comme elle est fort riche, il a formé le dessein de l'épouser. C'est pour cela qu'il a fait dresser un acte de divorce ; & c'est pour le faire signer à sa femme, qu'il est venu au château. Il ne le lui a point encore proposé, parce que son amour pour Céphise l'a jusqu'alors empêché d'y penser.

Celle-ci, loin de rebuter Doligni, lui donne des espérances, mais c'est pour faire valoir auprès de sa femme une inconstance si révoltante. Comment pourriez-vous, lui dit-elle, mettre en comparaison les sentimens tendres & délicats de Florval, avec la grossiere infidélité de Doligni ? Ah ! rendez donc une fois justice à mon aimable cousin, & plantez-là votre mari. Cette édifiante exhortation produit son effet ; la vertueuse dame Doligni avoue à Florval qu'elle l'aime, & que, sans son époux, elle verroit même ses feux avec plaisir. Patience, dit Céphise, nous vous en dégoûterons tout-à-fait, & s'il le faut ensuite, nous vous en débarrasserons.

Une lettre de Bélise, qu'un domestique laisse tomber de sa poche, vient hâter le dénouement. Cette femme, qui, par bonheur, ne paroît pas, y fait des reproches à Cléon, sur ce qu'au-lieu de venir la rejoindre, & de faire aussi-tôt signer son acte de divorce, il s'amuse dans le château ; notez bien qu'il n'y est que depuis deux ou trois heures, où sans doute il est retenu par quelque nouvelle conquête.

Cette lettre, en dévoilant les motifs qui ont amené Dolígni au château, acheve de déterminer sa femme ; & lorsqu'après avoir reçu son congé de Céphise, il se décide à partir pour se rendre auprès de Bélise, il remet l'acte de divorce à Florval, en le priant de le faire signer à Mme. Doligni, & de le lui envoyer à Paris.

Cette piece offre, d'un bout à l'autre, un dialogue haché, fort pénible à entendre. Certains motifs ne font pas suffisamment developpés ; certains autres le sont à satiété : ce qui rend l'intrigue, quoique simple, extrêmement entortillée. Le caractere de Doligni, cet odieux imbécile, qui ne désempare pas de la scene, une fois qu'il y est entré, est insoutenable, malgré la gaieté factice dont l'auteur l'a gratifié. Beaucoup de longueurs, des situations forcées, des gravelures, au-lieu de plaisanteries. Lorsqu'Armand dit à sa femme qu'il veut la quitter, pour retourner à Paris, celle-ci lui répond  : Ah! scélérat, ce n'est pas-là ce que tu me disois ce matin, lorsque nous étions tous les deux enfermés seuls dans ma chambre.... Eh bien! répond celui-ci, divorcisons. Soit, repart Marton, & je saurai comment il faut s'y prendre, car j'ai là ma regle de conduite. A ces mots, elle sort de sa poche la loi sur le divorce, & la fait voir à son mari ; ce qui ne laisse pas, suivant l'auteur, que d'être fort plaisant. Florval & Céphise, en cherchant à séduire Mme. Doligni, emploient les termes & les moyens les moins délicats, & ils oublient sans cesse, que si les décrets permettent le divorce, leur but n'a jamais dû être de le favoriser. En un mot, les convenances sociales ne sont pas mieux gardées dans cette comédie, que les convenances théatrales, & il nous semble que le public a eu raison de la proscrire. Puissent éprouver le même sort, toutes celles qui tendent au détriment des mœurs & de la société !

Faut-il s'étonner que la Liberté des femmes ait été jouée avec très-peu d'ensemble ? Comment les acteurs auroient-ils pu s'entendre au milieu des huées & des coups de sifflet, qu'une impatiente indignation arrachoit de tems-en-tems au public ? .

César : comédie en trois actes, en prose. Auteur inconnu. Seule la première représentation est indiquée : 22 juin 1793.

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