La Ligue des fanatiques et des tyrans, tragédie nationale en trois actes et en vers, de Ch. Ph. Ronsin, 18 juin 1791.
Théâtre de Molière
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Titre :
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Ligue des fanatiques et des tyrans (la)
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Genre
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tragédie nationale
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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18 juin 1791
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Théâtre :
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Théâtre de Molière
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Auteur(s) des paroles :
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Roncin
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Almanach des Muses 1792
Tragédie qui fera époque par son excessive hardiesse. On ne pourra croire un jour que cette pièce a été représentée. Elle peint l'esprit qui animoit le parti dominant en 1791.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Guillaume junior, rue de Savoie S. André, in-8°. :
La Ligue des fanatiques et des tyrans, tragédie nationale, en trois Actes et en Vers ; Représentée, pour la première fois, le 18 Juin 1791, sur le théâtre de Molière, rue Saint-Martin. Par Ch. Ph. Ronsin.
La guerre est déclarée aux oppresseurs du Monde.
Acte IIe, scène IVe.
Mercure universel, tome 4, n° 111, du dimanche 19 juin 1791, p. 303-304 :
[La pièce nouvelle a une grande qualité, son patriotisme, ayant des « principes [...] mâles et énergiques », ce qui conduit le public à « s'identifie[r] à l'ouvrage ». Après une rapide mise en situation (une ville frontière, attaquée par « une ligue formidable »), l'action commence. Une trêve permet encore des négociations, et la pièce fait dialoguer un député qui rejoint le camp ennemi et un général. Le débat entre les deux hommes ne débouche sur rien, et le député rentre dans la ville, tandis que le général donne l'assaut. Après un début favorable aux « ligueurs », les citoyens l'emportent. C'est l'occasion de mettre en avant les beaux sentiments patriotiques des gens de la ville. La pièce a réussi, et le nom de l'auteur a été annoncé par Boursault, l'acteur principal, qui est aussi le directeur du théâtre. Quant à la petite pièce, elle a permis à madame Boursault de triompher (encore une affaire de famille !).
Je ne connais pas de pièce de Ronsin mettant Henri IV en scène.]
Théatre de Moliere.
La tragédie nouvelle, annoncée hier, sous le titre de la Ligue des Fanatiques et des Tyrans, avoit attiré à ce théâtre un grand concours de patriotes. Les principes en paroissent mâles et énergiques ; le public s’identifie à l’ouvrage, et le succès est fait.
Une ville frontière de la France est menacée d’une ligue formidable. Les chefs en sont, le prince Lambese, le cardinol [sic] de Rohan, et le général Bender. Ces messieurs ont une armée, dont les soldats portent sur la manche une tête de mort. Cependant une trêve, qui doit expirer avant la nuit, permet encore de tenter des voies de conciliation : elles sont mises en usage ; un député va dans le camp ennemi ; il a une conférence avec le général, tous deux s’expriment ainsi :
Le Général.
» La liberté pour vous n’est plus qu’une chimère,
»Source de trop de maux pour vous être encor chère ».
Le Député.
» Ses maux sont passagers , ses biens » sont éternels «
Le Général.
Depuis qu’elle préside à vos vœux criminels,
L’orage n'a cessé de gronder sur vos têtes.
Le Député.
» Elle ne vient du ciel qu’au milieu des tempêtes ;
» La foudre lu précède, et le calme la suit.
. . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . .
Le Député.
Quand le peuple, courbé sous le poids des entraves,
Dans des larmes de sang en dévore l’affront,
On prend son désespoir pour un calme profond ;
On l'insulte ; à l'opprobre on joint la calomnie ;
Et lorsqu'il s'arme enfin contre la tyrannie ;
Lorsqu’enfin de sa voix les généreux accens
Vont jusques sur le trône effrayer les tyrans,
Son repos, qui n’étoit qu’une lutte cruelle
Entre le despotisme et la loi naturelle,
Fait, par dérision, dire à nos ennemis,
Qu'il étoit plus heureux, lorsqu’il étoit soumis.
. . . . . . . . . . . . . . . .
La guerre est déclarée aux oppresseurs du monde,
Parcourez 1'univers de l’un à l'autre bout,
Vous y rencontrerez des esclaves partout,
Mais partout vous verrez une guerre intestine
Entre l'homme qui rampe et l’homme qui domine.
Un jour terrible a luit[sic] sur le front des tyrans,
La raison les dénonce, et j'en ai pour garants
Ces immortels écrits, d'où sur l’Europe entière
La France a fait jaillir des torrens de lumière,
Et qui se propageant chez cent peuple divers
Du reste des tyrans vont purger l’univers,
. . . . . . etc.
Des vérités aussi fortes, des maximes si belles, ne produisent aucun effet sur les ligueurs ; la guerre est résolue, le député retourne du camp à la ville, tandis que le prélat s'occupe :
« De faire éclorre [sic] au nom de la religion
» Tous les germes sanglans de la division ».
Cependant on attaque la ville, le prince Lambesc s’empare d’un quartier ; maître du sort du député, il lui dit :
« Un traître doit périr sous le fer des bourreaux,
Mais l’homme libre lui répond :
» Tu viens de prononcer toi-même ta sentence ».
Cependant une partie des citoyens fond sur le camp ennemi, le surprend, le disperse, remporte une victoire complette :
Et les tyrans détruits
« De leurs vœux insensés n’emportent d’autres fruits
» Que la honte d’avoir armé de vils esclaves
» Contre des citoyens, aussi libres que braves ».
Nous avons cru que rapporter des passages de cette tragédie étoit en faire le plus bel éloge. Elle a été applaudie avec un enthousiasme vrai ment patriotique ; on a demandé l’auteur, M. Boursaut qui avoit rendu avec beaucoup d’énergie le rôle de député, a annoncé M. Ronsin, auteur de Henri-Quatre, joué au théâtre ci-devant Français, maintenant de la Nation. On a jetté une couronne sur la scène, en chargeant M. Boursaut de la donner à M. Ronsin de la part du public.
On donnoit pour petite pièce la Fausse Agnès, où madame Boursaut a obtenu les applaudissemens les plus mérités.
La Fausse Agnès est une pièce de Destouches créée en 1753 au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles et qui a tardé à s'imposer à Paris.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 9 (septembre 1791), p. 332-333 :
[Compte rendu « patriotique » d’une pièce « patriotique » : « beaucoup de chaleur dans le style, de 1'élévation dans les pensées, & de l'énergie dans les expressions », mais le critique nous prévient : la pièce ne résisterait peut-être pas à « un examen sévere » de son plan et de sa « conduite ».]
Théâtre de Molière, rue St. Martin.
Le samedi 18 juin, on a donné la premiere représentation de la Ligue des Tyrans, tragédie en trois actes, de M. Roncin. Quoique le lieu de la scene & les personnages ne soient pas nommés, on remarque facilement que l'auteur s'est proposé de mettre en action ce que les journaux ont dit relativement à l'armée noire du prince de Condé & du cardinal de Rohan.
C'est une ville frontiere de France du côté du Rhin, menacée d'une surprise par une armée composée d'étrangers & de François contre-révolutionaires. Les officiers municipaux concertent les mesures qu'il faut prendre dans cette occasion avec un député qui va trouver les chefs du parti ennemi, & leur reproche de servir la cause des tyrans. Son patriotisme lui devient funeste ; il est arrêté, & près d'expirer dans les supplices, lorsqu'il est délivré par un jeune officier de la garde nationale qui perd lui-même la vie ; mais après avoir assuré le triomphe des patriotes.
Le plan & la conduite de cet ouvrage ne soutiendroient peut-être pas un examen sévere ; mais en revanche il y a beaucoup de chaleur dans le style, de 1'élévation dans les pensées, & de l'énergie dans les expressions. Le tableau politique de l'Europe, a été vivement applaudi.
Almanach général des spectacles de Paris et de la province pour l'année 1792, p. 255-257 :
[Pour l’essentiel, l’article dénonce l’auteur, coupable de changements d’opinions au gré des idées du moment, tantôt hostile, tantôt favorable à Louis XVI. L'article lui prête un comportement de « Caméléon » soutenant le parti au pouvoir « tantôt par crainte, tantôt par gloriole, toujours par intérêt ». En quelques mois, le jugement porté sur la pièce et son auteur a bien changé !]
La Ligue des Fanatiques et des Tyrans, Tragédie patriotico-révolutionico-lanternico-nationale, en vers et en trois actes, par M. Ronsin. Cette pièce, production monstrueuse et punissable d'un homme de beaucoup d'esprit, dont l'intérêt a séduit la plume, n'a dû son succès qu'au vertige momentané d'une certaine classe de Parisiens, qui croyaient y rire et qui n'y ont pas ri. On peut juger des intentions et des motifs de l'Auteur par ce qui suit : quand les esprits étaient vivement indisposés contre Louis XVI, M. Ronsin, se prêtant aux impulsions douces et pécuniaires d'un Public égaré, a plattement invectivé Louis XVI et sa famille ; quand les Français se sont reconciliés avec leur Roi, M. Ronsin, prévoyant que sa pièce ne ferait plus d'argent, s'il ne la changeait pas, a converti ses injures en éloges ; si Romanus eris, Romano vivito more ; c'est la devise du Caméléon, de l'homme sans caractère, qui tantôt par crainte, tantôt par gloriole, toujours par intérêt, est Démocrate quand les Démocrates dominent, et Aristocrate quand l'Aristocratie a le dessus. Tous les Dictionnaires de la Langue Française n'ont pas de terme qui puisse caractériser dignement le mépris dont les gens de cette espèce se couvrent aux yeux de tous les Citoyens honnêtes. Quiconque flatte alternativement et selon l'ocurrence les deux Partis, finit toujours par se faire mépriser et haïr de tous les deux. En chantant la palinodie, il indique lui-même le cas qu'il faut faire de son opinion. Il est fâcheux qu'un homme, à qui l'on ne peut refuser de l'esprit et du talent, se voue ainsi à l'opprobre, par condescendence pour un Directeur et par amour du gain.
D'après la base César, la pièce a été jouée 42 fois en 1791 (du 18 juin au 11 octobre) et 3 fois en 1792 (27 août, 29 septembre, 7 octobre).
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