Laurette (Dubuisson, Haydn)

Laurette, opéra comique en 3 actes, de Dubuisson, musique de Haydn, le 21 janvier 1791.

Théâtre de Monsieur.

Titre :

Laurette

Genre

opéra comique

Nombre d'actes :

3

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

21 janvier 1791

Théâtre :

Théâtre de Monsieur

Auteur(s) des paroles :

Dubuisson

Compositeur(s) :

Haydn

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 3 (mars 1791), p. 321-324 :

[Compte rendu sévère, soucieux seulement de préserver la réputation de Haydn. Le responsable de l’échec de la pièce, c’est le poème, dont une liste d’observations montre l’invraisemblance. Certes, « le bon sens n'est pas de premiere nécessité dans un opéra comique », mais il faut, pour que le public adhère à la pièce, qu’il « éprouve une partie du délire des personnages qui sont en scene »...]

Le 21 janvier on a donné Laurette, opéra comique ; musique de M. Hayden

Cet opéra n'a dû l'indulgence du public qu'à son amour pour le talent du célebre compositeur.

Laurette, pauvre, jeune & belle, a épousé un seigneur. Parti depuis six mois, elle ignore s'il pense encore à elle, & tremble sur le sort de son fils, car elle est mere. Mme de Montorgueil, tante du comte, arrive dans le village où Laurette s'est retirée chez son frere. Elle est accompagnée d'un imbécille, son filleul, qu'elle veut lui faire épouser avant le retour de son neveu ; elle ne le croit qu'amant, mais point époux. Le comte revient au premier acte, & dit, à la fin de la piece, ce qu'il auroit pu dire d'abord ; car, sa situation étant toujours la même, s'il a dû commencer par se taire, il le doit encore ; s'il pouvoit parler, pourquoi donc a-t-il tant différé ? On sent qu'il est nécessaire que Mme. de Montorgueil approuve le mariage, c'est ce qu'elle fait.

Tel est, en peu de mots, le sujet de cet ouvrage qu'il étoit peut-être possible de rendre intéressant ; mais qui est devenu ridicule par l'invraisemblance avec laquelle les incidens sont amenés. Voici la preuve de notre observation.

Sans trop de nécessité, le comte fait croire à Laurette qu'il ne l'aime plus. Elle s'enfuit dans un endroit qu'on. appelle désert, & où , avant elle & après elle, il vient autant de monde que dans le lieu le plus fréquenté. Laurette se retire dans une masure, & laisse son enfant endormi sur la scene. S'il pleut, pourquoi ne pas lui procurer aussi la douceur d'un abri dont elle sent la nécessité pour elle-même ? S'il ne pleut pas, pourquoi l'abandonner ? Le comte vient à son tour. II voit cet enfant qu'il ne reconnoît pas, quoiqu'il ne soit parti que depuis six mois, & que, depuis son retour, il ait passé un quart-d'heure à parler de guerre à Laurette, plutôt que de chercher à voir son fils. N'importe, il ne le reconnoît pas. Mais la nature!..... Il l'embrasse !..... Laurette arrive !..... Et puis..... Voilà tous les contre-sens qu'occasionne l'espoir d'amener une situation.

Nous savons que le bon sens n'est pas de premiere nécessité dans un opéra comique. Si le public éprouve une partie du délire des personnages qui sont en scene, il ne cherchera point par quel moyen vous avez su l'émouvoir ; mais si vous lui laissez son sang-froid, la raison exercera son empire, & la raison ne pouvoit approuver cet ouvrage.

La musique répond-elle à la réputation d'Hayden ? non ; mais ce n'est pas sa faute. Par-tout du chant, des.accompagnemens aussi savans qu'agréables, un finale au second acte, & une fugue au troisieme qui valent ce que nous avons entendu de meilleur jusqu'à présent ; toujours des intentions neuves ; si elles ne sont pas piquantes, c'est la faute du poëme.

Le talent le plus nécessaire à l'auteur d'un opéra-comique, est de pressentir l'effet de la musique, & de n'en placer que lorsqu'il est sûr de faire ressortir le génie du compositeur. Ce talent exige du goût ; malheureusement le goût est rare, & l'esprit ne l'est pas.

Au reste, cet opéra a été joué à Vienne sans succès, & en Italie, sans exciter un grand enthousiasme. Par-tout 1e poëmc seul a fait tort à la musique.

D’après la base César, le livret est de Pierre-Ulric Du Buisson / Dubuisson, et la musique de Haydn. La pièce a connu cinq représentations du 21 janvier au 28 mai 1791 au tout nouveau Théâtre Feydeau.

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