Le Lord impromptu, comédie en 4 actes et en vers libres ; par le cit..... [Luce de Lancival], 29 nivôse an 8 [19 janvier 1800].
Théâtre de la République
Almanach des Muses 1801
Sujet pris dans Cazotte. Représentation orageuse, qui a décidé l'auteur à retirer sa pièce qui n’a connu qu’une représentation.
Le fait qu'il n'y a eu qu'une représentation est confirmé par la base Lagrange de la Comédie Française.
Courrier des spectacles, n° 1052 du 30 nivôse an 8 [20 janvier 1800], p. 2 :
[Le compte rendu commence de façon un peu inquiétante sur des conseils pour tirer une pièce d’un roman : il faut se limiter à un épisode du roman, que l’auteur peut enrichir de ses propres idées, et faire preuve de clarté, l’exposition étant sur ce plan essentielle au succès de l’ouvrage. Bien sûr, ce n’est pas ce qu’a fait l’auteur du Lord impromptu, ce qui a nui à la pièce. Le critique entreprend ensuite d’analyser le sujet, d’abord en détaillant l’avant-scène, puis en tentant de mettre de l’ordre dans une intrigue où une mère déguisée en officier travestit son fils (qui ne l’a pas reconnue) en jeune femme, ce qui provoque évidemment un superbe imbroglio amoureux. Pour se sortir de tout cela, pas de problème : il suffit que l’officier redevienne la mère du jeune homme, qui peut épouser sa cousine, puisque sa mère est la sœur du père de cette cousine (il est donc son oncle). Une telle intrigue (dans laquelle on se perd tout de même un peu) ne fait pas frémir le critique, qui ne formule pas d’autre critique que celle exposée au début de l’article. L’auteur n’a pas été demandé, bien sûr, et les acteurs principaux ont fort bien rempli leur rôle, avec vérité et intelligence.]
Théâtre Français de la République.
Un Roman est joli ; il offre des situations comiques, des quiproquo ingénieux ; en un mot, il plaît, et sur-le-champ on bâtit un plan de comédie. Cette marche est-elle bien sage ? Ce qui est agréable à lire n’est pas toujours agréable à voir ? D’ailleurs les caractères sont sacrifiés aux incidens, et si ces derniers sont un peu multipliés dans le Roman, si l’auteur veut les transporter, ou seulement les expliquer dans sa pièce, adieu la clarté, et il s’en suit un imbroglio qui fatigue, au lieu d’attacher l’attention du spectateur. Que doit donc faire celui qui trouve un sujet de comédie dans un livre ? Prendre un épisode qu’il saura enrichir de ses propres idées, et exposer clairement les faits qui amènent, lient et dénouent l’action principale ; car de l’exposition nette et précise dépend le succès d’un ouvrage.
L’auteur de la comédie en 4 actes et en vers libres , donnée hier pour la première fois sur ce théâtre, sous le titre du Lord Impromptu, a-t-il suivi cette marche ? Nous ne le croyons pas, et c’est-là en partie ce qui a empêché le succès de cette pièce.
Le jeune Richard admis chez Sir Georges en qualité de secrétaire, devient par ses talens cher à son maître et à sa fille Dorothée. Celle-ci sent de l’inclination pour Richard, qui brûle en secret pour elle. Sir Georges le surprend un jour aux pieds de Dorothée, et le force, l’épée à la main, de s’échapper par une fenêtre. Errant et fugitif, Richard arrive à une hôtellerie. C’est ici que commence l’action.
Il y rencontre un capitaine qui lie connoissance avec lui, et qui, avec un ton de devin, lui dit sa naissance et ses aventures passées. Richard étonné du profond savoir de son compagnon, se livre à lui, et par ses conseils, revêt un ajustement de femme. A quoi lui servira-t-il ? à s’introduire dans le château de Westfield sous le nom d’Arabelle, sa propre sœur.
Sentry (c’est le nom du capitaine) envoie, devant un jeune lord nommé Archibald, qui se rend également au château. Là, dans la retraite, vit un seigneur fort riche, Milord Westfield, qui, à la nouvelle de l’arrivée de son ami, vole au-devant de lui et le reçoit, lui et sa sœur prétendue, avec tous les égards dus à un homme à qui il doit la vie (le Capitaine l’avoit jadis sauvé des mains des voleurs). Richard, sous les habits de femme, est tout décontenancé ; mais son embarras est au comble lorsqu’à ses yeux paroît miss Dorothée elle-même, avec sa tante. Les traits de Richard sous les habits de femme, la frappent ; elle n’ose en croire ses yeux, et l’idée de retrouver son amant, lui fait entrevoir avec indifférence les hommages du jeune lord Archibald. Ce dernier qui se pique d’être bien reçu de toutes les belles, trouve Richard assez de son goût, et le voilà amoureux fou de la fausse Arabelle. Il va jusqu’à lui baiser la main et se mettre à ses genoux. C’est dans cette posture qu’il est surpris par Dorothée, qui exige qu’il épouse Arabelle. Il y consent. Arabelle, ou plutôt Richard est bien embarrassé. Il s’adresse à Sentry et lui témoigne de l’impatience de porter sans cesse des habits de femme. Sentry lui propose alors avec assurance le choix d’un état : celui de lord et pair lui paroît préférable, et Sentry à l’instant le crée lord et pair, et lui ordonne d’en aller prendre les habits dans un appartement voisin. Cependant lord Westfield veut terminer le mariage d’Archibald avec Arabelle, Sentry s’y oppose ; Arabelle n’est plus une fille, il n’est plus son frère, il n’est pas son père. Qui est donc ce capitaine ? Une femme, mère de Richard et sœur du lord Westfield. Richard paroît, reconnoît sa mère et reçoit Dorothée des mains de son oncle.
Tel est à-peu-près le fond de la pièce du Lord impromptu, puisé dans le joli Roman de Cazotte, qui porte ce nom. L’auteur n’a pas été demande. Les acteurs, et sur-tout le cit. Baptiste ainé et la cit. Mezeray ont rempli leurs rôles avec beaucoup de vérité et d’intelligence. G***
Œuvre de Luce de Lancival, qui fait allusion à la chute de sa pièce dans quatre vers de son Épître à l'ombre de Caroline (Luce de Lancival, Œuvres, volume 2, 1826, p. 72), vers supprimés dans une seconde édition de son poème :
Et j'aurais vu, sans toi, d'un œil moins abattu,
Du Lord tant maltraité le revers impromptu.
Enfin par toi, pour toi, mon adorable amie,
Je sentais, j'écrivais, je chérissais la vie.
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