Lui-même, opéra-comique en un acte, de Francis, musique d'Alexandre Piccini fils, 15 prairial an 10 [4 juin 1802].
Théâtre Montansier-Variétés.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 10 [1802] :
Lui-même, opéra-comique en un acte, Paroles du citoyen Francis, Musique du citoyen Alexandre Piccini, fils. Représenté, pour la première fois, au théâtre Montansier-Variétés, le 15 prairial an 10.
Courrier des spectacles, n° 1917 du 16 prairial an 10 [5 juin 1802], p. 2 :
[Avant de parler de la pièce, le critique parle du théâtre où il est allé la veille, et qu'il définit comme le théâtre « de tous les genres » à l'exception du drame. En fait, le public y aime le gros comique de farce et ne connaît pas l'esprit ou les scènes comiques. Lui présenter une pièce spirituelle, c'est se vouer à l'échec, comme c'est le cas de Lui-même, sur lequel le parterre était divisé : à un flanc droit qui soutenait inconditionnellement la pièce s'opposait un flanc gauche uniquement soucieux de siffler, non parce que la pièce manquait d'esprit, mais parce qu'il ne supportait pas ce qu'il voyait comme des longueurs, ni « sur-tout de la nullité de beaucoup de scènes ». L'intrigue est construite sur un dédit conclu avec un « jeune fat » dont une jeune femme souhaite se libérer, pour pouvoir épouser son amant, ce à quoi elle arrive bien sûr. La musique est très applaudie : elle est très supérieure aux paroles, qu'il faut améliorer si l'auteur, non nommé, veut sauver sa pièce.
Théâtre Montansier.
Ce théâtre s’est emparé de tous les genres, excepté celui du drame. Aussi, lorsqu’on dit : Je vais à Montansier, c’est comme si l’on disoit : Je vais rire. Ce théâtre est proprement le théâtre de la Gaîté. Les habitués sont tellement avides de farces ou de grosses niaiseries, que les pièces qui, aux yeux des gens de goût, présenteroient des traits d’esprit et même des scènes comiques, n’y obtiendroient pas la majorité des suffrages. Nous en avons la preuve dans le succès de la pièce représentée hier, sous le titre de Lui-même.
C'étoit une chose assez curieuse à voir que les dispositions du parterre. La droite étoit composée d’intrépides soutiens de l’ouvrage ; et il faut leur rendre justice, ils ont bien fait leur devoir. A la gauche du parterre étoit une masse imposante de siffleurs, qui n’avoient, il est vrai, à reprocher à l'ouvrage ni choses du mauvais goût, ni farces grossières, qui convenoient qu’il y avait de l’esprit, mais qui s’impatientoient des longueurs qu’ils croyoient remarquer, et sur-tout de la nullité de beaucoup de scènes dans un sujet qui devoit naturellement en amener de très-piquantes.
Florinville, jeune fat, aime une veuve nommée Elvire, et il y a entr’eux un dédit dont il est possesseur. Elvire aime Belval, jeune homme froid et réservé, mais plein de bons sentimens. Comment lui donner la préférence sur Florinville, qui a le dédit ? La Soubrette met dans ses intérêts le Valet du fat, lui remet le portrait de Florinville lui-même que celui-ci prend pour celui d’une jolie femme qui est amoureuse de lui, et pour lequel l’étourdi sacrifie le dédit qui le lioit à Elvire. Mais bientôt il reconnoit son erreur, et il est tourné en ridicule par son rival et par Elvire.
La musique de ce petit opéra a été très-applaudie, et si l’auteur des paroles veut faire quelques corrections et quelques coupures à son ouvrage, il se relevera de l’espèce de chûte qu’il a éprouvée hier soir.
F- J. B. P. G***.
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