Lutineau ou le Château de Narrembourg

Lutineau ou le Château de Narrembourg, comédie en quatre actes et en prose, d'André-Joseph Grétry neveu et Hermann, 15 mai 1806.

Théâtre des Élèves, rue de Thionville.

La pièce qui a servi de modèle à la pièce française est de Kotzebue, d'après l'avant -propos que Dumaniant a écrit pour l'Espiègle et le Dormeur ou le Revenant du château de Beausol [Théâtre de l'Impératrice, 28 juin 1806], sa propre adaptation de la même pièce. On a là deux adaptations d'une comédie allemande. Hermann est peut-être celui qui a contribué à l'adaptation de la version de Grétry neveu.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez M.me Masson, 1806 :

Lutineau ou le Château de Narrembourg, comédie en quatre actes et en prose ; Par MM. Grétry neveu, et Hermann. Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la rue de Thionville, le 15 mai 1806.

Courrier des spectacles, n° 3390 du 18 mai 1806, p. 3 :

[Sur un ton qui peut passer pour ironique, le critique salue le retour du Théâtre des Élèves à une pratique plus classique de leur activité. Fin de l'anarchie, soumission à « une saine et raisonnable législation ». Ce changement se marque par la création d'une pièce gaie venue du théâtre allemand, reposant sur un personnage classique, celui de l'Espiègle, baptisé Lutineau pour la France. Il multiplie les farces chez son oncle. La pièce mêle affaires matrimoniales et farces en tout genre. Le critique trouve que ces farces sont trop nombreuses au point de lasser le spectateur, et que la pièce est trop longue. De plus elle n'est pas bien écrite, même si elle comporte « des mots heureux » et « plusieurs scènes comiques ». Au total, un succès médiocre, malgré de bons acteurs, avec une mention spéciale pour Grevin, au « jeu franc, animé et plein de gaîté ». Le nom de l'auteur n'est pas donné.]

Théatre des Elèves.

Rue de Thionville.

Lutineau, comédie en quatre actes.

Les jeunes élèves de ce théâtre ont voulu aussi faire l’essai des principes de la liberté et de l’égalité, et exercer par eux mêmes la souveraineté du peuple. Après avoir passé à leur tour par les épreuves de la confusion des pouvoirs, ils ont enfin compris, comme les autres, qu’il est beaucoup plus aisé d’obéir que de commander, et que tout royaume divisé tombe dans la désolation. Après plusieurs mois d’anarchie, ils se sont enfin rangés sous un chef ; et rentrés aujourd’hui dans le bercail, ils commencent à jouir des avantages d'une saine et raisonnable législation.

L’ouverture de leur Théâtre a eu lieu jeudi par une nouveauté en quatre actes, intitulée Lutineau. C’est une traduction d’une pièce allemande où l’auteur a oublié le flegme de sa nation pour sacrifier à la gaité la plus extravagante. Le héros, que l’on appelle Lutineau, ou l'Espiègle, est toujours en scène. Le château de Bassojon est le Théâtre de ses espiègleries. Neveu du seigneur de l’endroit, il croit que sa majorité n’arrivera que dans un an ; mais sa Tante a l’indiscrétion de dire que la tutelle de son Neveu doit expirer le lendemain, et elle veut décider son mariage avec sa fille. Pour hâter cet événement, elle réveille son mari Jacques Sébastien de Bassojon, dormeur éternel, qui ne répond jamais que par monosyllabes, et qui consent à tout ce qu’elle désire pourvu qu’on lui permette de rester assis et de dormir. Lutineau profite de la découverte qu’il a faite, et voulant consacrer les grands biens dont il est l’héritier au bonheur de la niece du Seigneur de Bassojon, nouvelle Cendrillon, aussi bonne que belle, dont il est amoureux et aimé, Il fait agir tous les ressorts de son imagination, trompe sa Tante, sa cousine, le futur de celle-ci, et son Oncle ; enfin il met toute la maison en rumeur, par mille tours dont le détail seroit trop long.

D'un autre côté, il mérite par ses qualités l’estime d’un vieux colonel, père de son amante, à qui il a fait passer incognito des secours pécuniaires, et il finit par obtenir la main de la nièce au grand mécontentement de Mad. de Bassojon et de sa fille. Quant au Seigneur de Bassojou, il consent à tout, soupire, étend les bras, ferme l'œil et s'endort. Cet ouvrage est trop long, le personnage principal se crée à plaisir mille difficultés dont il s’embarrasse fort peu de sortir, et rarement on peut saisir le résultat de ses espiégleries. Cette continuité de tours finit même par fatiguer le spectateur. Le style se ressent de cette précipitation d’incidens ; il est lâche et peu correct ; on y a rencontré cependant des mots heureux et des réparties spirituelles ; plusieurs scènes comiques ont aussi excité le rire à diverses reprises ; mais en général l’ouvrage n'a obtenu qu’un succès médiocre. M. Grevin l’a soutenu par un jeu franc, animé et plein de gaîté. Ce jeune acteur étoit un des plus distingués de l’ancienne troupe. Mlles. Pauline et Savigny ainsi que M. Fontenay ont aussi rendu leurs rôles d’une manière satisfaisante.

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