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Le Mariage de Monsieur Beaufils
Le Mariage de Monsieur Beaufils, ou les Réputations d’emprunt, comédie en un acte et en prose, de Jouy, 27 août 1807.
Théâtre de l'Impératrice.
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Titre :
Mariage de Monsieur Beaufils (le), ou les Réputations d’emprunt
Genre
comédie
Nombre d'actes :
1
Vers ou prose ,
en prose
Musique :
non
Date de création :
27 août 1807
Théâtre :
Théâtre de l’Impératrice
Auteur(s) des paroles :
Jouy
Almanach des Muses 1808.
M. Beaufils avait été fort bien accueilli du public ; son mariage a été vu un peu froidement.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Mad. Masson, 1808 :
Le Mariage de M. Beaufils, ou les réputations d’emprunt, comédie en un acte, en prose, Par M. de Jouy. Représentée sur le Théâtre de l'Impératrice, le samedi 27 août 1807.
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1807, p. 281-284 :
[Le compte rendu s’ouvre sur une réflexion sur l’invraisemblance, qui empêche l’illusion, mais qui n’enlève pas toujours la possibilité de plaisir. C’est le cas des arlequinades ou des féeries, fondées sur des invraisemblances. Dans la farce, il faut accepter « la prodigieuse bêtise du principal personnage ». Son degré de bêtise peut varier, et éloigner plus ou moins la pièce de la comédie. Molière est appelé à la rescousse pour montrer la proximité de la farce et de la comédie. La première pièce qui met en scène M. Beaufils, Monsieur Beaufils ou la Conversation faite d'avance, est une farce gaie. Son comique repose sur le contraste entre la bêtise du personnage et ses efforts pour paraître spirituel. Et son succès montre bien sa réussite. On n’en dira pas autant de la nouvelle pièce qui en est la suite. M. Beaufils a acquis la réputation d’homme d’esprit en achetant une pièce à Foleville, et il lui faut désormais soutenir cette réputation. L’idée de cette nouvelle pièce est « heureuse », mais le comique qu’elle comporte est jugée par le critique d’un genre qui ne convient pas à la situation, car elle devrait amener à mettre en présence de M. Beaufils des personnages « imbécilles comme lui », ce qui « n'aurait plus rien de plaisant ». D’où la perte de vraisemblance de certaines scènes comme celle où il rencontre une femme qui a comme lui demandé à Folleville une œuvre (un roman cette fois) pour tenter de le séduire. Il est difficile pour nous de suivre le critique dans ses considérations sur la nullité des femmes, différentes selon leur âge : le ridicule des vieilles femmes a sa place dans la farce, celui des jeunes est jugé indécent. Il a donc fallu changer un peu le caractère de M. Beaufils. Tout ce débat n’est vraiment pas simple... La pièce a eu du succès, l’auteur a été demandé, et les acteurs principaux ont été très bons.
La Fausse Agnès ou le Poète campagnard , comédie en trois actes, de Néricault Destouches a été créée le lundi 12 mars 1759.]
THÉATRE DE L’IMPÉRATRICE.
M. Beaufils, ou les Réputations d'emprunt.
Il y a des invraisemblances convenues et des plaisirs qui n'ont pas besoin d'illusion, Un arlequin avec son masque noir et sa femme blanche, ne ressemble à rien, ne présente aucune espèce d'homme connu, et n'en divertit pas moins, quand il est divertissant s'entend, et on s'amuse d'une féerie sans que personne s'avise de croire aux prodiges de la petite baguette. Ce qu'il faut admettre dans la farce, c'est ordinairement la prodigieuse bêtise du principal personnage ; et comme une bêtise surnaturelle n'est pas plus étrange et même un peu moins difficile à concevoir qu'une puissance surnaturelle, on a fait un genre de la farce comme de la féerie et de l'arlequinade, dont une invraisemblance fait le fonds, et à qui par conséquent il n'est plus permis de reprocher l'invraisemblance. Il en résulte aussi que, dans toutes les farces, le principal personnage doit, comme celui de l'arlequinade, être à-peu-près le même, et, comme celui de la féerie, amuser par les mêmes moyens ; il varie seulement du plus au moins de bêtise, ce qui l'éloigne plus ou moins de la comédie, selon qu'on a besoin de plus ou moins de finesse pour le tromper, et selon qu'en mettant lui-même plus ou moins dans l'embarras les personnages qui ont besoin de sa bêtise, il les rend plus ou moins comiques. Il y aurait un peu de la farce dans la duperie des deux vieillards des Fourberies de Scapin, si la résistance qu'ils opposent, les efforts qu'ils font pour ne pas se laisser tromper, ne mettait Scapin dans un embarras qui le rend comique, en le forçant à employer toutes les ressources de son esprit. M. de Pourceaugnac est entièrement du genre de la farce, parce que le principal personnage se laissant duper sans la moindre résistance, ne donne d'autre plaisir et d'autre spectacle que celui de sa bêtise.
Monsieur Beaufils ou la Conversation faite d'avance, est une farce gaie et divertissante : la bêtise de M. Beaufils, en contraste avec les soins qu'il se donne pour avoir de l'esprit, fournit de ces méprises plaisantes que Molière n'a pas dédaignées dans son Thomas Diafoirus, et dont quelques-uns de nos auteurs de comédies se sont servis quelquefois pour exciter la gaîté. Elles sont ici d'autant mieux placées que rien n'y sort du genre de la farce ; que le personnage principal, une fois admis, peut être bête tout autant qu'il lui plaira sans aucune autre invraisemblance que l'invraisemblance reçue de son caractère : et le succès constant de M. Beaufils a suffisamment prouvé que cette petite pièce avait, dans un degré louable, comme dit M. Diafoirus, le mérite du genre, qui est celui de faire rire. Ce résultat était peut-être plus difficile à obtenir dans le sujet du Mariage de M. Beausfils ou les Réputations d'emprunt, qui est la suite de la Conversation faite d'avance. On se souvient que M. Beaufils, dans sa fantaisie d'avoir de l'esprit, a acheté de Folleville, son rival, une comédie dont celui-ci est l'auteur, ce qui a servi à le faire exclure par les parens de sa prétendue, lesquels n'aiment pas les auteurs. Sa pièce a réussi ; il s'agit maintenant pour lui de soutenir la réputation qu'elle lui a acquise. Cette idée est heureuse, et peut fournir à beaucoup de situations comiques, trop comiques peut-être pour le genre dans lequel il fallait traiter la suite de M. Beaufils, car il n'en peut imposer deux instans de suite qu'à des imbécilles comme lui ; et si on en réunissait plusieurs sur la scène, une telle ménagerie n'aurait plus rien de plaisant. Il a donc fallu violer un peu cette vraisemblance de situation conservée dans la Conversation faite d'avance, et nécessaire par-tout. Cela va bien encore dans la première scène avec le directeur du spectacle où s'est donnée la pièce, qui vient lui demander quelques changemens. L'embarras où se trouve M. Beaufils est plaisant, et ses bévues n'ont pas d'inconvéniens ; car si le directeur ne peut guères se tromper sur un homme qui, lorsqu'il lui observe que la précipitation de la composition ou une faute de copie, a laissé subsister quatre vers féminins de suite, lui répond qu'il l'a fait exprès, parce que c'est une femme qui parle, cela est du moins fort égal à ce directeur : la pièce a réussi, et puisque quelqu'un l'a faite, il est bien sûr que quelqu'un la corrigera ; le nom ne fait rien à l'affaire. Mais il n'en est pas de même de Mme. Cécilia Régina Desroches, qui, sur la réputation littéraire de M. Beaufils, s'est prise de belle passion pour lui, et veut l'épouser : elle a voulu comme lui avoir de l'esprit à toute force : et Folleville, qui a été son amant pendant quelque-temps, s'est aussi chargé des frais de sa réputation, en faisant paraître sous son nom un roman qui en est à sa troisième édition. Mais elle ne s'en est pas entièrement reposée sur lui : M. Beaufils n'a que la sottise que donne un succès à une bête : Mme. Cécilia Régina a toutes les prétentions du bel esprit : c'est la caricature d'une femme auteur, un M. Desmazures femelle et sentimental et sa première entrevue avec M. Beaufils, qu'elle ne connaît pas, aurait pu ressembler en sens inverse à la scène de la Fausse Agnès. Mais, pour amener avec quelque vraisemblance le mariage de M. Beaufils, il fallait les mettre un peu plus de niveau, et la femelle de M. Beaufils n'aurait rien eu d'amusant. L'excès de la bêtise dans un homme, contraste avec sa situation naturelle et la nécessité où il est d'agir pour lui-même d'une manière qui la rend plaisante. Dans une femme la nullité n'est pas absolument un défaut et rarement un ridicule ; d'ailleurs, les ridicules d'une vieille femme peuvent entrer dans la farce ; sur une vieille figure, la folie paraît dans toute son extravagance ; ceux d'une femme encore jeune ont toujours quelque chose qui les adoucit, ou bien ses bizarreries, poussées à un certain point, deviennent indécentes, et l'indécence n'a rien de plaisant Il a donc fallu, pour rétablir un peu l'équilibre, altérer l'heureux caractère de M. Beaufils. Il n'est pas si franchement bête que dans la première pièce ; il se prête au jargon de Mme. Cécilia ; et comme il n'est pas nécessaire d'être M. Beaufils pour n'y rien comprendre, ses contresens sont moins plaisans ; ses répliques font plutôt ressortir les ridicules de son interlocutrice que les siens, et les ridicules du bel esprit appartiennent à la comédie ; ils tiennent à des idées trop relevées, pour qu'on en puisse tirer cette bonne et grosse gaîté que produit la farce et qui convient à tout le monde, Ce n'est pas que dans la Conversation faite d'avance, lorsque M. Beaufils applique à Athalie le mot détestable,qui est une partie de sa leçon, je n'aie vu rire des gens qui auraient aussi bien pu rire du contraire : mais ils étaient en train, M. Beaufils ne pouvait plus ouvrir la bouche sans les faire rire : Mme. Régina les a moins amusés. Cependant Folleville marié voudrait bien avoir la réputation qu'il a prêtée aux deux prétendus auteurs : son valet, déguisé en huissier, vient citer Mme. Régina comme plagiaire au nom d'un M. Lenoir, qui prétend que le roman lui appartient et lui a été volé par Folleville. Le même valet va ensuite, déguisé en marin, demander raison à M. Beaufils de ce qu'il l'a, dit-il, désigné dans sa pièce, dans un role d'aventurier, où tout le monde l'a reconnu. Ces deux scènes sont plaisantes, ainsi que celle où M. Beaufils veut prouver à Folleville que c'est à lui à se battre ; mais la meilleure de la pièce est sans contredit celle où les deux littérateurs viennent avec embarras se confier mutuellement que, rebutés des dégoûts qu'entraîne après soi le métier d'auteur, ils sont résolus d'y renoncer, et même de déposer sur la tête d'un autre leur gloire passée, dont ils prient Folleville de se charger.
Cette petite pièce, quoique moins gaie que M. Beaufils, a été fort applaudie. L'auteur a été demandé : c'est M de Jouy, connu par plusieurs jolis ouvrages. M. Clozel a été aussi plaisant qu'à l'ordinaire dans M. Beaufils : Régina a été très-bien jouée par mademoiselle Molière.
Annales dramatiques: ou, Dictionnaire général des théâtres, tome sixième (1810), p.85-88 :
[Une longue notice dans ce dictionnaire. On retient : la morale de la pièce, sur la réputation d’emprunt, facile à obtenir, difficile à garder ; une analyse précise qui met Florville, l’auteur qui donne ses œuvres, au centre de l’intrigue. L’article cite des traits du langage des personnages, qui est censé représenter le « langage amphigourique de nos romanciers d'aujourd'hui », qui ferait dans la pièce l’objet d’« une critique très-fine et très-plaisante ». Les problèmes matrimoniaux de Florville sont signalés à la fin. Enfin, le jugement porté est positif.]
MARIAGE DE M. BEAUFILS (le), comédie. en un acte, en prose, par M. de Jouy, au théâtre de l'Impératrice, 1807.
La morale de cette pièce se trouve renfermée dans cette phrase : Rien n'est plus aisé que de se faire une réputation d'emprunt ; mais rien de plus difficile que de la soutenir. Au surplus, voici le fonds de cette comédie.
Florville, après avoir publié un assez grand nombre d'ouvrages qui n'ont obtenu aucun succès, s'avise, pour ne pas encourir la disgrâce d'un de ses proches parens, de publier un roman sous le nom de madame Cécilia Regina-Desroches, et une comédie sous celui de M. Beaufils. Ces deux ouvrages ont été aux nues ; le roman est à sa troisième édition, et la comédie a été généralement applaudie. Cecilia Regina-Desroches triomphe, ainsi que M. Beaufils ; tous deux croyent avoir mérité les éloges que l'on prodigue aux ouvrages de Florville. Mais occupons-nous du mariage de M. Beaufils. Florville a épousé la nièce de madame de Versel, que cette dernière destinait à M. Beaufils, et M. Beaufils s'est rejetté sur madame Cécilia Regina-Desrocbes, qui a refusé Florville. Madame de Versel est en tiers dans cette affaire ; c'est elle qui préside à l'union de ces deux illustres personnages, et qui les met en présence. Madame Cécilia Regina-Desroches redoute cette entrevue, et l'idée de se trouver un instant seule avec un jeune homme, bouleverse tout son être. Pauvre petite ! Quant à M. Beaufils, il ne fait pas tant de façons, il se jette brusquement aux pieds de madame Cécilia Regina-Desroches, et lui fait ce doux compliment :
M. Beaufils.
« Ce m'est bien doux, madame.....
Regina, effrayée.
» O ciel !
M. Beaufils.
» N'ayez pas peur, c'est moi ! Ce m'est bien doux, dis-je, madame, d'abaisser devant vos appas un front tout rayonnant de lauriers, et d'offrir à la plus aimable des Muses des fleurs cueillies sur cette montagne d'Hypocrène qu'arrose le Parnasse. »
Content, M. Beaufils se relève et s'écrie : « Voilà une bonne affaire de faite. » Madame Regina lui répond :
« Quelque soit l'espoir qui m'anime,
» Ah ! je l'éprouve en ce moment
» On doit toujours sentir ce qu'on exprime,
» Mais on ne peut pas toujours exprimer ce qu'on sent. »
« C'est divin », dit madame de Versel : « Qu'appelez-vous divin, lui répond M. Beaufils avec enthousiasme, c'est.... délicat. » Ensuite il s'adresse à madame Regina, et lui fait cette question : « Entre nous, vous les aviez fait d'avance, pas vrai ? » La déclaration commencée, madame de Versel quitte les amans, et leur laisse le soin de l'achever. La scène suivante est fort comique. Elle renferme une critique très-fine et très-plaisante du langage amphigourique de nos romanciers d'aujourd'hui. Nous allons en citer quelques traits : Madame Cécilia Regina-Desroches, qui soupirait des romances en essayant la vie, est priée par M. Beaufils de lui en soupirer une. Elle y consent, mais avant de commencer, elle veut l'associer à la douloureuse position qui la fit naître. « C'était, lui dit-elle, par une longue soirée d'automne; j'étais seule dans un de ces vieux châteaux Mon âme était absorbée dans cette vague mélancolique dont les nuages fantastiques pèsent sur l'existence..... Vous concevez ? Belle question ! Dieu ! si je conçois ? lui répond M. Beaufils. » Là dessus elle continue : « L'oiseau de Minerve semblait m'adresser ses plaintes funèbres, à travers une croisée frémissante, qu'agitaient les noirs autans ; l'astre aimé de la douleur laissait filtrer ses rayons ; j'arrosais de mes larmes le.piano dont ma main attentive faisait retentir les touches mélancoliques.... Tout-à-coup, saisie par une inspiration doublement créatrice, ma voix et ma pensée exhalèrent à-la-fois ces ;soupirs harmonieux. » C'est-là le cas de s'écrier avec M. Beaufils Ouf ! Voici le premier soupir de madame Cécilia Regina-Desroches. Quant au second, nous en faisons grâce au lecteur.
« Fiers Aquilons, noirs Autans,
» Qui désolez cette rive,
» De la fille des torrens,
» Ecoutez la voix plaintive :
» Cherchant des sentiers nouveaux
» Où je ne sois pas suivie,
» C'est au milieu des tombeaux
» Que je traverse la vie. »
Revenons à Florville. L'on a vu qu'il n'avait publié son roman et sa comédie sous les noms empruntés de madame Cécilia Regina-Desroches et de M. Beaufils, que pour ne pas déplaire à un de ses parens ; maintenant il veut rentrer en possession de ses ouvrages par la raison contraire. Un de ses oncles, riche de 20,000 livres de rente, ne veut donner sa succession qu'à celui de ses neveux qui aura fait le plus d'honneur à la famille dans la carrière des lettres. A l'aide de son valet, il parvient à mettre les auteurs putatifs dans la nécessité de lui rendre ses ouvrages; ce qui ne les empêche pas de se marier.
Cette petite pièce est écrite et dialoguée avec beaucoup d'esprit, elle offre des scènes très-comiques et très-adroitement filées ; enfin elle a obtenu un succès mérité.
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