Le Maurico de Venise, parodie en un acte d'Othello de Ducis, de Sewrin.
Pièce non représentée.
Othello de Ducis a été créé le 26 novembre 1792 et a fait l'objet de deux parodies tout à fait « classiques», avec Arlequin, masque noir oblige, en Othello. Le Maurico de Venise de Sewrin, annoncé pour le 8 décembre au Théâtre de la rue de Louvois, est bloqué par une manœuvre des directeurs et auteurs du Théâtre du Vaudeville, qui réussissent à passer les premiers et créent Arlequin Cruello le 13 décembre. La tragédie a eu 45 représentations, et la parodie de Barré, Desfontaines et Radet 71. Sewrin est réduit à publier la brochure de son Maurico (renseignements empruntés à l'article de Martine de Rougemont, « Esquisse d'une histoire de la parodie théâtrale en France », Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°119-120, 2003. pp. 182;.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1793 :
Le Maurico de Venise, parodie d'Othello, Par C. A. B. Sewrin.
Le texte de la pièce est précédé de cette « anecdote », dans laquelle sont expliquées anonymement les tribulations de la parodie de Sewrin, jamais jouée.
ANECDOTE ASSEZ CURIEUSE.
L'estimable Ducis venoit de donner sa Tragédie d'Othello, ouvrage plein de feu, et l'un de ceux qui font le plus d'honneur au Shakespeare moderne, lorsqu'à la seconde re présentation, les affiches d'un théâtre de second ordre, annoncèrent la première du Maurico de Venise, Parodie.
Le Triumvirat du Vaudeville, trois auteurs dont il est inutile de citer les noms, parce que leurs talens sont connus, travailloient à une pièce de même genre, et furent extrêmement piqués de ne pouvoir paroître les premiers ; ils n'avoient fait alors qu'esquisser leur canevas; le punch et le café (1) n'avoient point encore échauffé leur imagination, et produit ces saillies heureuses, ces pointes d'esprit, ces éteincelles qui brillent de toutes parts dans Arlequin Cruello.
Quelle contrariété! . . . . . Maurico doit montrer sa hideuse figure avant Cruello! . . . Un mauvais rimailleur passeroit avant les protégés de Phœbus. . . . . Chétif avorton ! . . . . tu mourras avant d'être né.
N'accusons personne, racontons purement et simplement les faits.
Midi sonne ; les Acteurs sont au théâtre ; l'orchestre est rassemblé ; l'on répète par deux fois la pièce affichée à la porte en gros caractères ; les deux repétitions finies, chacun s'en retourne bien certain de jouer son rôle le soir ; Maurico lui-même s'en va tout, fretillant, sautillant ; à cinq heures les oisifs, les turbulens, les envieux, les avides de nouveautés remplissent la salle ; le spectacle commence par le Devin du Village ; la musique enchanteresse du Philosophe de Genêve ne sauroit modérer l'impatience d'un parterre bruyant ; elle cesse, la toile se baisse, et au grand étonnement de tout le monde, deux minutes après on la relève. Un acteur paroît sur la scène ; que de ah ! ah ! se font entendre. . . . il annonce enfin que le Maurico de Venise attaqué d'une maladie subite, ne peut remplir l'attente du public. C'étoit bien le cas de s'écrier :
Parturiunt montes, nascitur mus.
Quel coup ! ô ciel ! . . . fallait-il le prévoir ? . . .
Oui.
Qui croira que l'auteur du Maurico de Venise se brouilla à cette époque avec le Directeur du théâtre du Vaudeville, et qu'il se vit forcé de retirer deux ouvrages reçus, dans la crainte de ne les voir joués de dix ans ?
Il essaya par la suite de faire représenter sa Parodie. Pour cet effet il avoit composé le couplet suivant, qui devoit être chanté avant l'ouverture, et par lequel Maurico rappelloit ainsi sa maladie au Public.
Air: Je suis Afficheur, ect.
Avant Cruello je suis né.
Messieurs, comment se peut-il faire
Que Cruello soit mon aîné ?
Je vais expliquer ce mystère.
Me rendant justice à mon tour,
Et de lui craignant quelque niche,
Je tombai malade le jour
Qu'on me mit sur l'affiche.
On observa sagement à l'Auteur que son ouvrage avoit perdu le mérite de la nouveauté ; il se contenta donc de livrer cette bluette à l'impression.
(1) On sait ou peut-être l'on ne sait pas que quand ces trois favoris des Muses ont arrêté un plan, ils se rassemblent la nuit, prennent force punch et café, embrâsent leur cerveau fécond, et tout en riant, en bûvant, composent les plus jolies choses du monde. C'est au milieu de semblables orgies qu'ont été conçues les charmantes pièces d'Arlequin Afficheur, Arlequin Taquin, Arlequin Machiniste, etc. etc. etc. etc. etc. etc.
Ajouter un commentaire