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Monsieur et Madame Toutcœur

Monsieur et Madame Toutcœur, comédie en un acte et en prose, d'Henry, 6 février 1812.

Théâtre de l'Impératrice.

Henry, sans doute un pseudonyme, mais de qui ? On peut penser à Henri (ou Henry) Verdier de Lacoste, auteur en 1813 de Washington, ou les Représailles, joué en janvier 1813 sur le même Théâtre de l'Impératrice.

Titre

Monsieur et Madame Toutcœur

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

prose

Musique :

non

Date de création :

6 février 1812

Théâtre :

Odéon. Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Henri ***

Almanach des Muses 1813.

Farce de carnaval où l'on retrouve quelques situations, mais non pas toujours l'esprit de Pourceaugnac et de l'Intrigue Epistolaire ; de la gaîté, du succès.

 

Journal de l’Empire du 11 février 1812, p. 3-4 :

[La farce de carnaval a la chance incroyable d’être l’objet d’un morceau du feuilleton de Geoffroy, mais c’est une chance risquée : Geoffroy est un juge sévère, et la pièce de M. Henri (qu’il ne nomme pas) n’a pas l’heur de lui plaire. Il met d’abord son lecteur en garde contre les illusions que le titre pourrait faire naître : on n’a pas affaire à des gens de cœur, mais à un couple de marchands de cartes qui veulent marier leur fille à quelqu’un d’aussi sot qu’eux (mais père et mère ne sont pas d’accord sur le choix du gendre idéal). Et l’amant que leur fille préfère réussit à les tromper, et à épouser celui qu’elle aime. Sujet cent fois traité déjà, et cette fois de façon bien peu heureuse. C’est l’occasion pour Geoffroy de stigmatiser ce qu’il appelle une « vraie morale de comédie », celle où les amants trompent leurs parents, où « la jeunesse et l’amour » triomphent. Ce genre de pièce ne survit pas au carême, et seules quelques pièces « subsistent quelques années ». Et « la meilleure des pièces où l’on berne un sot provincial assez hardi pour venir à Paris épouser une jolie fille » reste de toute façon le Monsieur de Pourceaugnac de Molière.]

Théâtre de l’Impératrice.

Monsieur et Madame Toutcœur.

Ce ne sont point de bonnes gens, des gens d’un bon coeur, comme on pourroit le croire d’après leur nom ; ce sont des marchands de cartes, fort sots, fort ridicules. Chacun d'eux veut marier sa fille à un imbécile de son espère mais l'amant choisi par la fille se présente à M. et à Mad. Toucœur sous le nom du gendre dont chacun a fait choix, et rompt ainsi leurs mesures. C'est une des farces les moins heureuses sur un sujet qui peut-être a fait éclore une centaine de farces. Ce sujet est la disgrâce d'un niais choisi pour gendre par les parens, mais éconduit et berné par l’amant que s'est choisi la fille. Le bon sens des parens ne brille pas dans ces farces ; la jeunesse et l'amour y triomphe [sic] : vraie morale de comédie. Honneur à Molière ! Toutes ces farces que le Carnayal enfante tous les ans ne durent que jusqu'à Pâques : quelques unes telles que Monsieur des Chalumeaux, le Carnaval de Beaugency et autres, subsistent quelques années ; mais les farces de Molière vivent depuis plus de cent vingt ans : c'est avec ces farces que nous faisons encore notre Carnaval ; celles qu'on fait aujourd'hui n'en approchent pas : Pourceaugnac est encore la meilleure des pièces où l’on berne un sot provincial assez hardi pour venir à Paris épouser une jolie fille.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, p. 423-425 :

[L’article comporte essentiellement le résumé d’une intrigue plutôt convenue (le mariage d’une jeune fille à qui ses deux parents ne destinent pas le même prétendant, et qui épouse un troisième jeune homme, l'élu de son cœur. Le critique y voit « une véritable farce de carnaval », sans originalité, qui a plu au public et ne devrait pas vivre bien longtemps.]

ODÉON. THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.

M. et Madame Toucœur, comédie en un acte, jouée le 6 février,

M. Toucœur est un fabricant de cartes à jouer qui emporté par le désir de la gloire, s’est fait peintre d’histoire, et travaille à un grand tableau allégorique. Madame Toucœur s’est jetée à corps perdu dans la botanique ; sans cesse elle fait des invocations à Cérès, et la Société d'agriculture de son endroit s'honore de l'avoir pour secrétaire perpétuel.

M. Toucœur veut marier sa fille à Nicolas Desécussons, fils d'un ancien ami ; jamais il n'a vu ce Nicolas, qu'il attend le jour même. Madame Toucœur prétend au contraire qu'elle n'aura pas,d'autre gendre qu'Horace Deslauriers, membre de plusieurs Athénées, poète agriculteur, et candidat de la Société des Bergers d'Arcadie(1). Elle ne. le connoît que par la correspondance littéraire et sentimentale qu'elle a avec lui depuis quelque temps. Mademoiselle Toucœur, quoique fille très-soumise, n'est de l'avis ni de son père, ni de sa mère, sur le choix d'un mari, parce qu'elle aime un certain cousin qui ne leur est pas plus connu que ceux qu'ils lui destinent. Or ce cousin, aidé d'une soubrette, parvient à persuader à M. Toucœur qu'il est Desécussons, et à Madame Toucœur, qu'elle voit en lui ce spirituel Horace Deslauriers, dont les lettres l'ont tant intéressée. Par ce moyen, il épouse sa maîtresse à la barbe même de ceux auxquels il s'est substitué, et ceux-ci, personnages niais et grotesques, selon l'usage, s'en retournent furieux d'avoir été mystifiés.

Cette pièce est une véritable farce de carnaval. L'auteur a pris partout ce qui étoit à sa convenance. On y trouve des lambeaux de Pourceaugnac, de l'Intrigue épistolaire et de vingt autres pièces. Mais le public n'a pas mis d'importance à cette bluette, et elle a réussi. Elle ne vivra sans doute pas longtemps, car j'ai remarqué qu'au théâtre de l'Odéon, une pièce à grand succès comptoit ordinairement cinq ou six représentations.

L'auteur est M. Henri ***.

(1) Je ne sais s'il existe une Société des Bergers d'Arcadie ; mais il y a à Paris une Société des Bergers de Syracuse, composée des chansonniers et chanteurs des rues. Leurs séances littéraires ont lieu rue de la Verrerie, près de la Grève ; elles se tiennent avec autant de pompe que celles de nos Athénées, et on y lit quelquefois des productions plus originales que dans la plupart de ces Académies secondaires. Je me propose de publier un Mémoire sur cette singulière Société, qui est peu connue, et qui mérite peut-être une place dans l'histoire de notre Littérature.

L'Esprit des journaux, français et étrangers, janvier 1812, p. 285-289 :

[C’est le carnaval, et on ne pense qu’au plaisir. Au théâtre tout est permis pour faire rire le public. Mais au lieu des chefs-d'œuvre de Molière coulés dans le bronze, il faut se contenter des œuvres contemporaines, en banale et fragile terre cuite... Les petits théâtres ont besoin de nouveautés, quand le Théâtre Français peut se contenter de puiser dans son répertoire prestigieux. ET ces nouveautés doivent être jugées avec indulgence. Une seule règle : faire rire. La pièce nouvelle du théâtre de l’Impératrice aurait pu aller plus loin dans la recherche du ridicule des personnages, même si le dialogue y a de la facilité et des traits comiques. Elle met en scène un couple à la recherche d’un prétendant pour sa fille, et qui se divise sur ce choix. Bien sûr, la jeune promise a aussi son favori, qui réussit, « avec le secours d'une soubrette adroite à miracles », à se faire agréer comme gendre en se faisant passer pour ses rivaux qu’il parvient à faire exclure. Cela n’est ni neuf, ni fin, mais cela suffit. A la fin, tout le monde est content, y compris le public, même si certains signes d’improbation sont apparus à la fin. L’auteur a été demandé et nommé.]

THÉÂTRE DE L’IMPÉRATRICE.

Monsieur et madame Toutcœur.

Nous sommes, dieu merci, en plein carnaval, dans ce bon temps où, bon gré, mal gré, il faut que chacun se livre au plaisir et s'abandonne à la joie. Le reste de l'année, la gaîté n'est qu'un accessoire qui vient quand il peut ; mais en carnaval, c'est le principal ; le rire alors est de commande, et depuis les plus ignobles tréteaux jusqu'au théâtre de Thalie, l'empire dramatique se met en débauche complète ; les auteurs sont en délire ; les acteurs s'évertuent, et le public est tenu de rire aux éclats, ne fût-ce que par étiquette ou par habitude. Le premier de nos grands théâtres est le seul qui, pendant ces momens d'effervescence, n'ait pas besoin, pour attirer la foule, d'employer l'appât de la nouveauté. Son répertoire est tout fait, et quoique ses pièces de carnaval datent de plus d'un siècle, on ne s'apperçoit pas que Pourceaugnac, le Malade Imaginaire et le Bourgeois-Gentilhomme aient trop vieillis. Ils n'en sont pas moins courus, pas moins fêtés, et leurs plaisanteries mêmes les moins recherchées nous semblent encore, au milieu de tant d'autres facéties, des mets assez fins et assez agréables. Cependant, je ne parle pas ici pour tout le monde ; mais j'espère être assez heureux pour rencontrer encore un assez grand nombre de lecteurs de mon avis. Et le succès constant des vieilles farces de Molière autorise à penser, en dépit de la malignité, que le Français n'est pas aussi léger dans ses goûts que les envieux affectent de le-répandre. Probablement pour le fixer toujours, il suffirait d'imiter Molière et de jeter en bronze ; mais, par malheur, son secret paraît à-peu-prés perdu, la plupart des auteurs de nos jours ne s'occupent plus guère que de fabriquer en terre-cuite. Il s'ensuit que leurs petits chefs-d'œuvre sont moins durables ; mais, en revanche, ils sont plus nombreux, et je laisse à décider aux connaisseurs si, dans cet état de choses, il y a compensation suffisante. En attendant, jetons un coup-d'œil sur quelques-uns de nos théâtres secondaires qui, n'ayant pas, comme le Théâtre-Français, un fonds assuré, sont obligés de le renouveller sans cesse, et voyons quelle espèce de succès a couronné les louables efforts qu'ils ont faits pour nous mettre en joie. Toutefois n'oublions pas que les pièces de carnaval doivent être jugées avec quelque indulgence, et que c'est principalement en pareille circonstance qu'il faut répéter avec Baliveau :

J'ai ri, me voilà désarmé.

Mais il faut nous faire rire ; c'est le point important. Que l'auteur soit extravagant, invraisemblable, absurde même, on lui passe les moyens, pourvu qu'il arrive au résultat. En pareil cas, le spectateur ne consulte pas les règles, mais il faut que l'auteur se fasse pardonner de les avoir oubliées.

Celui de monsieur et madame Toutcœur, que l'on vient de donner à l'Odéon, a, par exemple, usé trop sobrement de la permission ; il semble avoir été retenu par la crainte d'aller trop loin, car je ne me permettrai pas de soupçonner que sa réserve tienne à son impuissance, et il s'est contenté d'esquisser quelques caricatures, qu'avec un peu de courage il aurait pu rendre beaucoup plus ridicules. On dit que cet ouvrage, où l'on découvre plus souvent l'intention que le moyen d'être plaisant, est d'un jeune homme qui se lance pour la première fois dans la carrière, et l'on peut s'en appercevoir aisément à quelque incertitude dans la marche de la pièce, à quelque embarras dans la coupe des scènes qui décèlent une main novice encore et mal assurée. Cependant, il serait injuste de ne pas reconnaître dans le dialogue de la facilité, de l'esprit même, et parfois des traits comiques ; aussi le public, en accueillant avec indulgence les endroits faibles ou négligés, n'a-t-il pas manqué de donner des encouragemens à tout ce qui pouvait faire concevoir quelques espérances.

On s'imaginerait peut-être, d'après l'usage assez commun, et dans le fait assez raisonnable, de juger d'une pièce sur le titre, que M. et Mme. Toutcœur forment un couple bon, franc, généreux, ami de la simplicité, ennemi de la fraude, ayant enfin, comme on dit, le cœur sur la main ; mais il s'en faut de beaucoup : ce sont deux originaux, crédules au-delà de toute expression sans doute, mais, au demeurant, taquins, entêtés, et point du tout faciles à vivre. Le mari, débitant de cartes à jouer, au lieu de surveiller l'impression de ses rois de pic et de carreau, s'est mis dans la tête de barbouiller des tableaux allégoriques ; la femme, membre de je ne sais plus quelle société savante, ne rêve que botanique et littérature. Tous deux prétendent se donner un gendre à leur fantaisie, et ces deux gendres, qu'ils n'ont jamais vus, se trouvent être deux personnages passablement sots et ridicules. On se doute bien que Mlle. Toutcœur n'a pas ratifié le choix de ses parens ; qu'elle n'a pas demandé leur avis pour en faire un autre ; et comme elle se connaît un peu mieux qu'eux en mari, elle a mis la main sur un jeune homme aimable, vif, entreprenant, lequel, avec le secours d'une soubrette adroite à miracles, parvient à éconduire ses rivaux, après s'être successivement emparée de leurs noms pour capter la bienveillance des ridicules parens de sa maîtresse. Ce stratagème, qui n'est ni bien neuf, ni bien fin, réussit cependant, grace à l'excessive simplicité de M. et Mme. Toutcœur, qui ne se font même pas prier pour pardonner la supercherie ; le mari, en considération du tour que l'on a joué à sa femme, la femme en considération du panneau dans lequel on a fait donner son mari. De cette façon, la pièce finit à la satisfaction de tout le monde, et même du public, qui a manifesté la sienne par des témoignages à-peu-près unanimes ; car je ne crois pas devoir parler de quelques signes d'improbation qui ne se sont fait entendre qu'à la fin, et que l'on doit même attribuer à une sévérité bien rigoureuse.

L'auteur, demandé et nommé, est M. Henri.

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