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Menzikoff et Fœdor, ou le Fou de Bérézoff

Menzikoff et Fœdor, ou le Fou de Bérézoff, drame en trois actes, de Lamartelière, musique de Champein ; 30 janvier [1808].

Théâtre de l'Opéra-Comique.

D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 330, la pièce a été jouée jusqu’en 1815.

Titre :

Menzikoff et Fœdor, ou le Fou de Bérézoff

Genre

drame

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

oui

Date de création :

30 janvier 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Lamartelière

Compositeur(s) :

Champein

Almanach des Muses 1809.

Fœdor d'Olgoroucki, amant de Marie, fille de Menzikoff, a été relégué par ce ministre au fond de la Sibérie, ou, quoiqu'il ait perdu la raison, il ne laisse pas d'exercer une assez grande autorité sur ses compagnons d'infortune. Trois ans après l'exil de Fœdor, son persécuteur vient lui-même, avec sa fille, partager le sort de ses victimes. Fœdor ne reconnaît pas Menzikoff, et n'en est pas reconnu ; mais il n'a pas oublié les traiys de Marie, dont la présence lui rend toute sa raison. Malgré le nom de Mizoff qu'il a pris, Menzikoff est reconnu par plusieurs Russes qu'il a autrefois proscrits : ils se soulevent contre lui ; mais d'Olgoroucki prend sa défense, et l'arrache à leur fureur. Il fait plus ; comme, par ordre du gouverneur,Menzikoff s'éloignait de Bérézoff, ce jeune proscrit arme la colonie pour voler à la défense du pere de Marie, qui était attaqué par les ours blancs. Bientôt après Fœdor reçoit le décret de l'empereur qui lui rend ses biens et ses dignités, et le nomme en outre gouverneur de la Sibérie. Le nouveau gouverneur profite de sa nouvelle fortune pour offrir sa main à Marie.

Piece qui, au total, n'est ni meilleure ni plus mauvaise qu'un mélodrame ; musique bien supérieure au poëme.

L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome III (mars 1808), p. 256-263 :

[Tout le monde est censé connaître ce Menzikoff, pâtissier devenu prince par le bon vouloir de Pierre le Grand, mais envoyé en Sibérie par Pierre II. Le drame débute à l’arrivée de Menzikoff en Sibérie (avec des entorses à la vérité historique : une fille au lieu de deux, sa femme survivant au voyage). Tout va mal pour la famille des exilés, qui doivent cacher qui ils sont (Menzikoff n’a que des ennemis en Sibérie). L’amant refusé de la fille de Menzikoff, envoyé en exil par Menzikoff, apparaît sous les traits du « fou de Beresoff » et offre ses services à Menzikoff. On s’attend alors ce que l’intrigue démarre, mais le critique a l’impression que c’est le hasard qui guide les événements, pourtant nombreux. La réhabilitation de ce jeune homme devrait fournir un dénouement mais le critique préfère ne rien dire et nous invite à faire preuve de sagacité (peut-être Menzikoff est-il rappelé lui aussi, et que les jeunes gens se marient avec la bénédiction de Menzikoff... Quelle surprise ce serait !). « On voit que cette pièce mérite à tous égards son titre de drame ; elle en a le romanesque, l'invraisemblance, les reconnaissances ; mais aussi la gravité, la morale, la dignité », mais on sait que ces belles qualités ont le tort d’ennuyer le public, qui a fait pour cette pièce preuve d’une grande indulgence. La musique n’est pas non plus sans reproches : le critique la valorise peu en disant qu’« elle n'a rien de désagréable », entre autres compliments paradoxaux. « Ce sont les acteurs qui ont eu tous les honneurs de la soirée », malgré la difficulté des rôles principaux.]

Théatre de l'Opéra-Comique.

Menzikoff et Fœdor, ou le Fou de Beresoff, drame en trois actes de M. Lamartellière, musique de M. Champein.

Rien de plus connu que la fortune extraordinaire de Menzikoff, de ce garçon pâtissier que la faveur de Pierre-le-Grand éleva au rang de prince, et qui, sous Pierre II, vit combler les vœux les plus hardis que puisse former l'ambition d'un sujet, par les fiançailles de sa fille avec son empereur, et de son fils avec la sœur de ce monarque. Sa chute n'est pas moins célèbre ; tout le monde sait que, renversé par le crédit des Dolgoroucki, Menzikoff fut relégué au fond de la Sibérie ; que sa femme succomba aux fatigues du voyage ; qu'une de ses filles mourut dans l'exil, et qu'il ne lui resta de. consolation que son fils et une seconde fille. L'auteur du drame nouveau a établi sa fable sur ces événemens, à cela près qu'il ne parle point de fils de Menzikoff, qu'il ne lui donne qu'une fille, et laisse arriver sa femme avec lui à Beresoff, lieu de son bannissement. C'est là que l'action commence.

Menzikoff est souffrant, sa femme presqu'aveugle ; ils n'ont pour les soigner que leur fille Marie et une fidelle servante nommée Petrowna. La cabane qu'on leur a assignée pour demeure est ouverte à tous les vents ; on n'y voit ni meubles, ni provisions ; on a enlevé à Menzikoff, à la frontière, l'or et les bijoux qu'il avait sauvés ; il est dans la misère la plus complette. C'est lui-même qui en fait le récit à sa femme, que l'auteur a supposée aveugle pour avoir un personnage quî pût écouter l'exposition de son sujet ; car Menzikoff arrivant dans un désert peuplé de ses victimes, loin de pouvoir y trouver un confident de ses malheurs doit leur cacher jusqu'à son nom, pour, ne pas s'exposer à leur vengeance, il redoute sur-tout un jeune Fœdor Dolgoroucki, qui avait aspiré à la main de sa fille et qu'il avait puni de ses prétentions par l'exil.

Nos exilés en sont là, et Marie est allée cueillir des fleurs parmi les rochers, lorsqu'on voit arriver dans leur cabane un charmant jeune homme, connu dans la colonie sous le nom de Jean, , mais plus encore sous celui de fou de Beresoff, qu'on lui a donné, dit-il, parce qu'il n'a d'autre plaisir que de faire du bien à ses semblables. Ce motif peut paraître d'autant plus singulier, que ce jeune homme, tout intéressant qu'il est, a d'autres droits au titre qu'on lui donne. Victime d'une passion malheureuse, il a tâché d'être fou pour se consoler ; et il y a
si bien réussi, qu'en effet sa raison lui échappe par intervalles. Cependant, comme une partie de sa fortune l'a suivi dans l'exil, il en a fait le plus noble usage. Il a réveillé l'industrie des colons ; il a établi un commerce avec les Chinois et les Tartares ; il anime tout de sa gaîté, il vivifie tout par ses bienfaits..... Si nos lecteurs ont lu attentivement ce qui précède, s'ils ont remarqué le titre du drame, ils doîvent déjà savoir comme nous que l'intéressant jeune homme n'est autre que l'amant de Marie, le beau Fœdor Dolgoroucki.

Il offre à Menzikoff ses services ; il lui demande son nom, que l'ex-ministre cache sous celui de Miskoff. Quoique les traits du nouveau colon ne lui soient point étrangers, Fœdor ne peut le reconnaître ; il sort en promettant à Menzikoff de lui envoyer le médecin de la colonie, homme trés-habile, mais dont Menzikoff n'entend pas le nom sans frémir ; c'est celui de son ennemi mortel, d'un, ancien médecin de l'impératrice, qu'il a fait exiler dans ces- déserts. A la visite du fou de Beresoff succède celle du gouverneur ; puis une députation des habitans vient inviter Menzikoff et sa famille à la fête qu'on donne au bienfaisant médecin.... On sent quel est l'embarras de l'ex-ministre ; il. s'excuse sous prétexte qu'après un si long voyage il a besoin de repos, et le gouverneur l'emmène chez lui avec sa famille.

Après le premier acte, dont on vient de lire l'exposé, on pouvait s'attendre à une action fortement intriguée. Le médecin, ennemi mortel de Menzikoff, pouvait, en le reconnaissant, méditer des projets de vengeance. Fœdor, dans un moment de raison, devait aussi reconnaître et Marie qu'il adore et son père qu'il doit haïr : chacun pouvait former un plan d'action ; le gouverneur et les colons pouvaient y intervenir, et il y avait lieu d'espérer autant d'événemens que dans le meilleur mélodrame ; mais cette espérance a été déçue. L'auteur n'a donné d'intentions à aucun de ses personnages, et a laissé la conduite de sa pièce au hasard. Fœdor, au second acte, tait réparer et meubler, la cabane de Menzikoff, puis il disparaît. Il revient ensuite ; le gouverneur est présent. Fœdor reconnaît Marie et par conséquent Menzikoff ; mais celui ci force, par ses regards, sa fille au silence, et soutient obstinément qu'il est Miskoff. Fœdor a quelque peine à le croire; mais le faux Miskoff lui disant que sa fille ressemble à la princesse Marie, et que lui-même a été officier des gardes, Fœdor ne trouve rien à lui répondre ; et comme il a par malheur assez de raison pour savoir qu'il est un peu fou, il aime mieux en croire au témoignage du faux Miskoff qu'à celui de ses yeux et de ses oreilles. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que le gouverneur, quoiqu'il sache que Menzikdff est en Sibérie , se laisse tromper aussi facilement que Fœdor.

La visite du médecin n'a pas plus de suites. Au moment où il promettait à la princesse de lui rendre la vue, il reconnaît à son tour son époux ; mais il n'en résulte qu'une altercation entre lui et l'ex-ministre, altercation qui finit par une nouvelle assurance de traiter les yeux de la princesse, tout en conservant une haine implacable à Menzikoff. Le médecin pousse même la générosité plus loin. Le gouverneur paraît ; il est sûr maintenant que Menzikoff est dans sa colonie ; plusieurs exilés l'ont reconnu; on ne peut le sauver qu'en le reléguant dans un lieu encore plus sauvage. La médecin ne le trahit point, et ne confirme même pas le gouverneur dans le demi-soupçon que sa rare sagacité a enfin conçu sur le véritable nom du nouvel habitant de Beresoff. L'acte finit par la résolution que prend Menzikoff de se rendre seul au nouveau séjour qui lui est assigné.

Il n'y a pas plus de combinaison dans les événemens du troisième acte. Il commence par la fête que les exilés donnent à leur médecin, et dont celui-ci les oblige de reporter tous les honneurs au bienfaisant Foedor. La fête est interrompue par un colon qui vient demander du secours pour un autre exilé que des bêtes féroces attaquent. On y vole, on ramène Menzikoff ; le médecin le reconnaît, et touché de l'excès de son malheur, lui pardonne ; mais deux autres exilés reconnaissent aussi leur persécuteur , et tous leurs camarades se joignent à eux pour l'immoler à leur rage. C'en était fait de l'ex-ministre, sans l'intercession des deux héros de la fête. Le fou de Beresoff et le médecin obtiennent sa grâce ; et comme un bonheur ne vient jamais seul, au même instant arrivent sa femme et sa fille, et sur leurs pas l'honnête gouverneur qui apporte le dénouement dans un ukase. Quelques coups de tambour en précèdent la lecture, d'où il appert que S. M. l'empereur et autocrate de toutes les Russies rappelle son cousin le prince Fœdor Dolgoroucki, le nomme membre de son conseil et gouverneur-général de la Sibérie, avec le pouvoir, bien essentiel pour notre auteur, de conclure tous les mariages qu'il croira utiles au bonheur de la province. A la fin de cette lecture, on a commencé à sortir des loges, et nous croyons que nos lecteurs ne nous demanderont pas compte de ce qui a suivi ; ce serait faire injure à leur sagacité que de le leur dire.

On voit que cette pièce mérite à tous égards son titre de drame ; elle en a le romanesque, l'invraisemblance, les reconnaissances ; mais aussi la gravité, la morale, la dignité, qualités qui malheureusement entraînent toujours un peu d'ennui. Le parterre, de son côté, s'y est comporté comme à un vrai drame. Il n'a point chicané sur les invraisemblances ; il a applaudi aux beaux sentimens ; il s'est édifié à la morale ; il a accueilli avec transport quelques mots heureux ; il n'a pas eu la moindre envie de rire, et surtout il a écouté avec une attention exemplaire l'ukase impériale qui rappellait un peu les pièces des boulevards. Puissent cette gravité et cette bonne intelligence entre le parterre et les auteurs se maintenir long-temps pour le bonheur de ces derniers !

Il y a peu de choses à dire sur la musique de ce drame ; la mélodie en est généralement sans caractère et sans couleur ; mais elle n'a rien de désagréable : l'orchestre n'est pas trop bruyant ; il y a même des morceaux, tels que celui de la fête au commencement du troisième acte, où les accompagnemens ont de la verve et de l'originalité. Le premier duo entre Pauline et Marie a aussi des passages qui plaisent ; et les amateurs de romances pourront en adopter quelques-unes de la musique de Menzikoff ; mais on devait espérer beaucoup mieux de l'auteur de la Mélomanie. A notre avis, ce sont les acteurs qui ont eu tous les honneurs de la soirée. Elleviou a mis beaucoup de naïveté, de sentiment et de charme dans le rôle de Fœdor, rôle assez équivoque ; car il flotte toujours tellement entre la raison et la folie, qu'on ne sait jamais s'il est sage ou fou. Le rôle de Menzikoff, joué par,, Gavaudan, est encore plus ingrat. Ce personnage devait intéresser au plus haut degré par la profondeur de sa chûte et l'excès de sa misère. Mais l'auteur ayant eu l'art de le placer au milieu des victimes également malheureuses de son despotisme, on aurait peut-être de la peine à le supporter sans l'art de l'acteur. Les autres rôles, très secondaires, ont été rendus avec talent par Solié, Paul, Mmes. Crétu et Paul-Michu.

Menzikoff et Fœdor, ou le Fou de Bérézoff a été l'objet d'une parodie, Mincétoff, de Moreau, Marc-Antoine Désaugiers et Francis Théâtre du Vaudeville, 9 mars 1808).

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