Mincétoff, parodie de Menzikoff, en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, de Francis, Moreau et Marc-Antoine Désaugiers 10 mars 1808.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Mincétoff
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Genre
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parodie de Menzikoff
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ,
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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10 mars 1808
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Francis, Moreau et Marc-Antoine Désaugiers
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Almanach des Muses 1809.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1808 :
Mincétoff, parodie de Menzikoff, Par MM. Francis, Moreau et Désaugiers. Représentée, pour la première fois, sur le théâtre du Vaudeville, le 9 mars 1808.
L'Esprit des journaux français et étrangers, Mai 1808, tome V, p. 275-280 :
[La parodie paraît simple à faire : le sujet est tout trouvé, et il suffit d’assaisonner le dialogue de plaisanteries sur les thèmes à la mode. Pourtant elle peut, au prix d’un effort de l’auteur, aller plus loin dans le comique. Ce qu’il faut parodier, « ce sont les situations » et substituer « des intérêts risibles à de grands intérêts, rendre plus comique l'importance qu'on y attache, ou l'emphase de l'idée qu'on y applique ». Et le critique en donne une série d’exemples. La parodie de Menzicoff utilise bien ce procédé en transformant une aveugle en une personne ayant mal aux yeux (changement de « l'échelle de proportion »). Mais il aurait fallu pratiquer ainsi pour l’ensemble de la pièce. La transposition des situations n’est pas assez forte, « il n'y a rien de gai à la situation d'un homme qui a peur qu'on le tue ». Le critique voit là une « fausse idée » de ce qu’est la parodie, « la copie chargée, mais exacte de l'ouvrage parodié ». Il faut au contraire la concevoir comme « une petite pièce composée à part », n’utilisant de la pièce originale que ce qu’on peut rendre piquant ou critique. La pièce n’est cependant pas sans qualités, elle est pleine de mouvement, « le dialogue est piquant, il y a de jolis couplets ». Les auteurs ont été nommés.]
Mîncétoff, parodie de Menzicoff.
Rien ne paraît plus facile à faire qu'une parodie ; le sujet de la pièce est tout trouvé, on est dispensé de la conduite ; la satire de l'ouvrage fournit le trait du dialogue : avec cela et quelques plaisanteries sur le docteur Gall, sur la maladie courante, sur les ridicules à la mode, un auteur qui a de l'esprit peut bien se flatter de faire rire le parterre, sans s'y donner beaucoup de peine. Mais si en se donnant un peu plus de peine, il faisait rire davantage, il me semble que cela n'en vaudrait que mieux. Si au lieu de se fier sur la gaîté de quelques traits souvent étrangers au sujet, il tâchait d'en mettre dans le sujet même, et de faire sortir le comique de la situation des personnages, il me semble qu'il se créerait des ressources de plaisanterie qui s'offriraient ensuite d'elles-mêmes à son esprit, et rendraient sa gaité bien plus communicative, parce qu'elle serait plus naturelle, et qu'il aurait ri lui-même de l'idée dont il veut qu'on rie. Mais ce n'est pas naturellement que des plaisanteries sur les médecins et les maris se trouvent dans tous les sujets qu'on traite au Vaudeville ; et cependant quelqu'esprit que puissent avoir des auteurs du Vaudeville, ces gaîtés, tous les jours plus bannales, leur deviennent tous les jours plus nécessaires, parce qu'ils oublient tous les jours davantage qu'il faut compter le sujet pour quelque chose dans le mérite d'une pièce, même d'un Vaudeville. Un auteur de parodie croit avoir tout fait quand il a parodié quelques discours des personnages de la pièce originale ; mais ce sont les situations qu'il faut parodier ; il faut, en substituant des intérêts risibles à de grands intérêts, rendre plus comique l'importance qu'on y attache, ou l'emphase de l'idée qu'on y applique. Ainsi, dans les Rêveries renouvelées des Grecs, une des plus jolies de nos anciennes parodies, on se garde bien de chanter, comme le chœur des furies le chante à Oreste dans lphigénie en Tauride : il a tué sa mère , mais il a battu sa mère ; et cette circonstance triviale rend tout-à-fait risible le désespoir du personnage. Dans la parodie du Roi Léar, au lieu de ce vers :
Et la foudre en fureur n'épargne pas les rois ;
le roi Lire dit à son confident :
Mon ami, tu le vois,
Il pleut sur les rois.
Si, au lieu de cela, le roi Lire avait peur du tonnerre, comme la peur du tonnerre est une peur assez naturelle, il pourrait y avoir de la gaité dans les simagrées de l'acteur chargé du rôle, mais il n'y en aurait point dans l'idée. Ici Mme. Mincétoff paraît seule sur le théâtre ; elle n'y voit goutte et chante :
D'où vient que je clignotte ?
Sont-ce les pleurs que je répands ?
Sont-ce les grands vents ?
Est-ce la cocote?
Les pleurs qu'on répand ne valent rien dans une parodie , à moins qu'on ne les fasse répandre, comme dans les Plaideurs, par des petits chiens :
. . . . Monsieur , voyez nos larmes.
Mais c'est bien une idée de parodie que de substituer l'ophthalmie, ou, si 1'on veut, la cocote, à la cécité de Mme. Menzicoff dans l'opéra-comique ; c'est là l'échelle de proportion qu'il fallait suivre dans tout le reste de la parodie ; mais elle a été abandonnée sur-le-champ ; il fait tout aussi froid dans l'île où est reléguée la famille Mincétoff que dans la demeure du triste Menzikoff, et quand Marion donne à sa mère, pour la réchauffer, un petit fichu de gaze qu'elle a sur les épaules, cela n'a rien de plaisant, parce qu'il n'est pas plaisant de voir des gens mourir de- froid dans un pays glacé, sous un hangard ouvert à tous les vents. Mincétoff, élevé du rang de pâtissier à celui de ministre du roi de Cocagne ; et disgracié pour une tourte, n'est pas encore assez risible. Nous ne savons pas précisément quelles sont les fonctions des ministres du roi de Cocagne; mais ils sont sûrement bien aussi heureux que d'autres : ainsi, passer de là dans les déserts de la Sibérie, ou quelque chose de pareil, c'est un véritable malheur ; et les expressions tragiques de l'acteur chargé du rôle de Mincétoff, et qui imite Gavaudan d'une manière plaisante, n'ont cependant rien d'assez déplacé pour faire rire autant qu'elles le pourraient faire dans une situation moins déplorable. Mincétoff se retrouve ici au milieu de tous les pâtissiers qu'il a fait exiler du royaume de Cocagne : s'ils me reconnaissent, dit-il, ils me tueront, cela n'est pas gai. Voilà précisément le défaut de la pièce; c'est qu'il n'y a rien de gai à la situation d'un homme qui a peur qu'on le tue. Le médecin Bistouri, chirurgien et barbier des exilés, propose à Mincétoff de lui faire la barbe ; celui-ci hésite, craint d'être reconnu et l'est en effet par Bistouri ; c'est alors avec un poignard qu'il se défend ; ce sont aussi des poignards qu'on tire sur lui lorsqu'à la fin tous les exilés le reconnaissent. Des poignards dans une parodie ! Des bâtons, la batte d'Arlequin, voilà ce qu'on peut employer de plus tragique. Cependant, s'il faut absolument mourir, Amatrox et Cocatrix, dans la facétie de ce nom, se tueront avec des pistolets de poche, à la bonne heure ; mais des poignards !
Tout cela tient au défaut du sujet et à la fausse idée qu'on s'est faite depuis quelque-temps du genre des parodies, que l'on regarde seulement comme devant être la copie chargée, mais exacte de l'ouvrage parodié, tandis que la parodie doit être elle-même une petite pièce composée à part, et où l'on ne fait entrer de la pièce originale que ce qui peut y paraître piquant par le contraste du ton et de la situation, ou ce qui peut fournir à quelques traits de critique. Dans la parodie de la scène de Cinna, on voit le duc d'Aumont qui, dans le style d'Auguste consultant Cinna et Maxime, se plaint des embarras de la place de gentilhomme de la chambre, et demande à ses confidens s'il sera
Ou directeur de troupe ou simple duc et pair.
Et c'est ainsi qu'en changeant les intérêts on fait, presqu'avec les mêmes vers, d'une belle scène de tragédie une scène très-plaisante. Ici les intérêts étant les mêmes, l'effet ne peut pas être assez différent ; ce n'est pas que, le sujet donné, les auteurs n'en aient bien tiré tout ce qu'il était possible : il y a dans ce petit ouvrage du mouvement qui supplée souvent à ce qui manque de gaité au sujet ; le dialogue est piquant, il y a de jolis couplets. On a fait répéter celui-ci :
Aujourd'hui la vie est bien chère,
Chacun s'inquiette et se plaint ;
En bons-mots comme en bonne chère,
Tout dégénère, tout éteint.
De l'eau sans vin, travail sans lucre,
Vers sans esprit, auteurs sans goût,
Couplets sans sel, café sans sucre,
Il faut s'accoutumer à tout.
Les auteurs , demandés, sont MM. Moreau, Francis et Desaugiers, auteurs de plusieurs jolis ouvrages, et à qui on sent bien qu'il n'a manqué dans celui-ci qu'un meilleur plan.
P.
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