Minuit, ou l'heure propice, petite pièce en un acte, en prose, de Désaudras, 31 décembre 1791.
Théâtre de la Nation.
Dans la Suite du répertoire du Théâtre français (édition Lepeintre), tome 55, publiée en 1823 chez la veuve Dabo, où la pièce figure sous le titre de Minuit ou la Veille du jour de l'an, Désaudras se voit associer un coauteur, Saint-Prix, connu sinon comme acteur. Ce Saint-Prix aurait fourni l'anecdote du portrait substitué aux dragées, et aurait aidé Désaudras « pour la contexture de sa comédie et la liaison des scènes ».
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Titre :
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Minuit, ou l’Heure propice
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Genre
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petite pièce
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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11 décembre 1791
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Théâtre :
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Théâtre de la Nation
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Auteur(s) des paroles :
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Desaudras
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Chronique de Paris, n° 2 du lundi 2 janvier 1792, p. 8 :
[Le critique a beaucoup aimé, dans laquelle il voit, pourvu qu'on y apporte des modifications limitées, « une des plus jolies bagatelles qu'on ait données depuis long-tems ». Il résume une intrigue sans grande surprise, un jeune homme qui s'enferme chez sa jeune veuve de cousine pour lui souhaiter avant tout le monde la bonne année, et qui est surpris dans sa chambre : pour qu'elle ne soit pas compromise, l'oncle et la tante son bien obligés de lui donner la main de sa cousine. L'interprétation est jugée excellente, grâce, finesse, naturel. On note que le rôle du jeune homme est tenu par une femme, ce qui suggère que le personnage est fort jeune. L'auteur, demandé, a été nommé (mais le critique a mal compris son nom).]
SPECTACLES.
Théatre de la Nation.
On a donné, samedi, à ce spectacle la première représentation de Minuit ou l'heure propice. Un jeune homme nommé Floridor, fort amoureux de sa cousine, jeune & jolie veuve, trouve le moyen de se glisser après souper, dans son appartement ; afin d'être le premier à lui souhaiter la bonne année. Il la croit couchée, & veut au moins lui baiser la main ; Clairine, sa femme de chambre, passa la sienne à travers les rideaux de sa maîtresse qui sort du cabinet où elle étoit entrée pour donner au jeune étourdi le tems de se retirer. Surprise de Floridor qui laisse éclater son amour, & parvient à se faire écouter sans colère. Dans ce moment, l'oncle & la tante, inquiet [sic] sur le compte du jeune homme que son domestique n'a pas vu rentrer, viennent frapper à la porte. Floridor se cache, & Clairine met en défaut les soupçons des deux bonnes gens par un conte fabriqué sur-le-champ. Ils se retirent en emportant la clef de l'appartement de leur nièce. Floridor sort de sa cache. Il est grondé ; mais que faire ? Il faut prendre son parti. On se dispose à chanter une romance, qu'il a composée fur un air favori de sa cousine. Les bons parens attirés par le bruit, reviennent & surprenant Floridor aux genoux de la cousine, promettent de les unir dès le lendemain. Cette pièce, pleine de gaité, de traits charmans, & de surprises neuves au théâtre, a été fort applaudie, & a eu beaucoup de succès. Il faut convenir aussi qu'il est impossible de faire valoir un ouvrage de ce genre avec autant de grace, de finesse, & de naturel qu'en ont mis madame Petit, mademoiselle Devienne & mademoiselle Joly dans les rôles de Floridor, Séraphine & Clairine. Si l'auteur veut un peu resserrer le commencement jusqu'à la scène du lit, ou du moins y jetter quelques traits, pour le rendre digne du reste, ce fera une des plus jolies bagatelles qu'on ait données depuis long-tems. Le Public a demandé l'auteur. Madame Petit est venu [sic] annoncer que c'étoit M. Desaudran.
[Encore un auteur dont le nom est déformé lors de l'annonce à la fin de la pièce.]
Mercure français, n° 7, du samedi 18 février 1792, p. 77-78 :
[Sur une petite pièce, un compte rendu très favorable : beaucoup d’esprit et de charme, mais aussi « du meilleur ton », sur un sujet qui pourrait facilement devenir peu moral (un jeune homme, dans la chambre d’une dame). Et une pièce bien jouée.]
Cette saison est celle des Pièces nouvelles ; elles se sont fort multipliées sur nos Théâtres multipliés ; & quoique nous ne nous soyons engagés qu'à rendre compte de celles qui réussissent, le nombre en est assez grand pour nous forcer à ne dire qu'un mot de chacune d'elles. Le peu d'espace que nous laisse l'abondance des matieres, & dont nous ne jouissons même pas toujours, nous oblige encore à nous resserrer.
Minuit ou l’Heure propice, petite Pièce donnée au Théâtre de la Nation, est une de celles que nous pouvons le moins passer sous silence. Son Auteur est M. Desaudras. Voici le sujet. Un jeune homme de seize ans est amoureux de sa belle cousine, une veuve d'environ vingt-deux. Il lui demande la grâce de se trouver dans son appartement à minuit précis, pour être le premier à embrasser & à lui souhaiter la bonne année. On le refuse rigoureusement ; mais par une suite d'incidens, de situations très-comiques & très-agréables, il se trouve enfermé par son pere lui-même dans la chambre à coucher de la veuve, sans autre compagnie que la femme de chambre, qui est dans les intérêts du jeune Amant. Qu'y faire ? On sc donne des étrennes, on chante des Romances qui se trouvent accompagnées par une sérénade, donnée sans dessein dans la rue , & interrompues par l'heure de minuit & par un baiser. Le pere & la mere, qui étaient entrés doucement pour mieux entendre la sérénade, sont spectateurs de ce petit tableau, & sentent qu'il convient de presser le mariage.
Il y a, dans ce petit Ouvrage des détails charmans, pleins d'esprit, de grâce & du meilleur ton. Cette courte analyse ne permet pas d'en donner, l'idée ; il faut d'ailleurs les voir exécuter par les excellens Acteurs qui les sont valoir.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 3 (mars 1792), p. 312-314 :
[D'emblée, le compte rendu pose la question du genre de la pièce : pas « à proprement parler » une comédie, mais une « bagatelle », apparemment identifiable à l'esprit et aux grâces. Une histoire d'amour qui pourrait passer pour un peu légère : le jeune amoureux commence par entrer de nuit le 31 décembre dans la chambre de celle qu'il aime, « sa cousine, jeune veuve » (cela ne se fait pas), puis embrasse la main de sa femme de chambre (mais c'est un simple malentendu) et supplie qu'on le laisse attendre la nouvelle année dans cette chambre (mais cela ne se fait évidemment pas). L'attente de minuit est longue, et les jeunes gens ne savent trop comment s'occuper, jusqu'à ce que sonne minuit, moment où le jeune homme peut embrasser sa belle avec ivresse. Mais l'oncle et la tante de la jeune femme entrent alors, et devant le caractère manifeste de l'amour des jeunes gens, ils ne trouvent, pour les punir, que « de les marier dès le lendemain ». Jugement porté sur la pièce : elle est « pleine de situations gaies & piquantes », « le sujet, très galant, est traité avec une délicatesse charmante ». Et elle « est très-bien jouée » (avec une curiosité : le rôle du jeune homme est confié, sans doute en raison de la jeunesse du personnage, à Mme Petit.]
THÉATRE DE LA NATION.
Le 31 décembre, on a donné la premiere représentation de Minuit ou l'heure propice, petite piece en un acte, en prose, par M. des Audrais.
Ce n'est pas, à proprement parler, une comédie ; mais c'est une bagatelle pleine d'esprit & de graces. En voici l'action.
Floridor aime très-tendrement Séraphine sa cousine, jeune veuve à laquelle il n'est rien qu'indifférent, & qui affecte de le traiter en enfant. On est à la veille du jour de l'an. L'oncle des deux jeunes gens s'est promis, devant le jeune homme, d'embrasser sa niece le premier le lendemain. Séraphine & Clérine, sa femme-de-chamhre, sont à peine seules dans l'appartement de la premiere, que Floridor vient frapper pour demander de la lumiere, parce qu'il a laissé tomber sa bougie. Clérine ouvre ; Floridor ne voit point Séraphine, il la croit couchée & il demande, au moins, à lui baiser la main. Clérine passe la sienne au travers des rideaux, & le jeune étourdi s'en empare, lorsque Séraphine sort d'un cabinet où elle s'étoit retirée. Transports amoureux du jeune homme, qui prie qu'on le garde jusqu'à minuit, afin qu'il ait l'avantage d'embrasser le premier sa belle cousine, qui presse, qui sollicite, qui obtient enfin ce qu'il désire.
Pendant que Floridor jouit d'avance du bonheur qu'on lui a promis, l'oncle & sa femme arrivent chez Séraphine. On fait cacher l'espiegle. L'oncle dit qu'il est inquiet de Floridor, qu'il croyoit chez lui, & que son domestique n'a pas vu. Pour ôter prétexte à toute recherche, Clérine dit qu'elle étoit dans sa confidence, qu'il est allé au bal, & qu'elle a promis de lui ouvrir la porte vers deux heures ; on se charge d'ouvrir au jeune homme, & l'on se retire, en enfermant Clérine & Séraphine, & même en emportant la clef de l'appartement. Ici la situation des personnages devient plus embarrassante. Á quoi l'indiscrétion & la foiblesse ont-elles conduit Séraphine ? Que diront l'oncle & la tante ? Que vont ils penser ? Le jeune homme s'avoue coupable, s'excuse sur son amour, s'explique avec tant de sensibilité, qu'il faut bien cesser de gronder, puis pardonner, puis lui donner ses étrennes. Que faire ensuite ? Il faut tuer le tems. On cause, on rit, on chante des couplets. Alors on entend sonner minuit ; c'est le moment si désiré par Floridor ; il tombe aux genoux de sa belle cousine, il l'embrasse avec ivresse. Mais la musique a réveillé l'oncle & la tante, qui sont venus à pas de loup, qui ont doucement ouvert la porte, & qui entrent au moment même où le jeune homme fait éclater tous ses transports, tout son amour, tout son bonheur. La consternation des deux amans est extrême : mais leurs bons parens n'abusent pas de leur situation : ils les aiment, ils les connoissent vertueux & sensibles : ils les punissent de leur indiscrétion, en promettant de les marier dès le lendemain.
Cette jolie bagatelle est pleine de situations gaies & piquantes : le sujet, très-galant, est traité avec une délicatesse charmante. La piece est très-bien jouée par Mme. Petit, chargée du rôle de Florìdor, & par Mlles. Devienne & Joly.
Dans la base César le titre est réduit à Minuit. Ce qui évite de signaler le changement de titre qui, le 31 décembre 1792 devient Minuit, ou la Veille du jour de l'an (voir André Tissier, les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2, p. 70).
Ce changement de titre pourrait bien être plus précoce : dès le 2 janvier 1792, c'est le nouveau titre que le Mercure universel emploie dans le compte rendu de la pièce
L'auteur : Desaudras. Créée le 31 décembre 1791, la pièce est jouée assez souvent jusqu'à la fin du siècle, avec une interruption de juillet 1793 à octobre 1796 : 1 fois en 1791, 9 fois en 1792, 8 fois en 1793 (toutes ces représentations au Théâtre de la Nation) ; 4 représentations en 1796 (2 au Théâtre de l’Ambigu-Comique, 2 au Théâtre Feydeau), 2 en 1797 (au Théâtre de la Nation), 14 en 1798 et 15 fois en 1799, dans divers théâtres. Et peut-être au-delà de 1799.
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