Minuit, ou l'Heure propice

Minuit, ou l'heure propice, petite pièce en un acte, en prose, de Desaudras, 31 décembre 1791.

Théâtre de la Nation.

Titre :

Minuit, ou l’Heure propice

Genre

petite pièce

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

11 décembre 1791

Théâtre :

Théâtre de la Nation

Auteur(s) des paroles :

Desaudras

Mercure français, n° 7, du samedi 18 février 1792, p. 77-78 :

[Sur une petite pièce, un compte rendu très favorable : beaucoup d’esprit et de charme, mais aussi « du meilleur ton », sur un sujet qui pourrait facilement devenir peu moral (un jeune homme, dans la chambre d’une dame). Et une pièce bien jouée.]

Cette saison est celle des Pièces nouvelles ; elles se sont fort multipliées sur nos Théâtres multipliés ; & quoique nous ne nous soyons engagés qu'à rendre compte de celles qui réussissent, le nombre en est assez grand pour nous forcer à ne dire qu'un mot de chacune d'elles. Le peu d'espace que nous laisse l'abondance des matieres, & dont nous ne jouissons même pas toujours, nous oblige encore à nous resserrer.

Minuit ou l’Heure propice, petite Pièce donnée au Théâtre de la Nation, est une de celles que nous pouvons le moins passer sous silence. Son Auteur est M. Desaudras. Voici le sujet. Un jeune homme de seize ans est amoureux de sa belle cousine, une veuve d'environ vingt-deux. Il lui demande la grâce de se trouver dans son appartement à minuit précis, pour être le premier à embrasser & à lui souhaiter la bonne année. On le refuse rigoureusement ; mais par une suite d'incidens, de situations très-comiques & très-agréables, il se trouve enfermé par son pere lui-même dans la chambre à coucher de la veuve, sans autre compagnie que la femme de chambre, qui est dans les intérêts du jeune Amant. Qu'y faire ? On sc donne des étrennes, on chante des Romances qui se trouvent accompagnées par une sérénade, donnée sans dessein dans la rue , & interrompues par l'heure de minuit & par un baiser. Le pere & la mere, qui étaient entrés doucement pour mieux entendre la sérénade, sont spectateurs de ce petit tableau, & sentent qu'il convient de presser le mariage.

Il y a, dans ce petit Ouvrage des détails charmans, pleins d'esprit, de grâce & du meilleur ton. Cette courte analyse ne permet pas d'en donner, l'idée ; il faut d'ailleurs les voir exécuter par les excellens Acteurs qui les sont valoir.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1792, volume 3 (mars 1792), p. 312-314 :

[D'emblée, le compte rendu pose la question du genre de la pièce : pas « à proprement parler » une comédie, mais une « bagatelle », apparemment identifiable à l'esprit et aux grâces. Une histoire d'amour qui pourrait passer pour un peu légère : le jeune amoureux commence par entrer de nuit le 31 décembre dans la chambre de celle qu'il aime, « sa cousine, jeune veuve » (cela ne se fait pas), puis embrasse la main de sa femme de chambre (mais c'est un simple malentendu) et supplie qu'on le laisse attendre la nouvelle année dans cette chambre (mais cela ne se fait évidemment pas). L'attente de minuit est longue, et les jeunes gens ne savent trop comment s'occuper, jusqu'à ce que sonne minuit, moment où le jeune homme peut embrasser sa belle avec ivresse. Mais l'oncle et la tante de la jeune femme entrent alors, et devant le caractère manifeste de l'amour des jeunes gens, ils ne trouvent, pour les punir, que « de les marier dès le lendemain ». Jugement porté sur la pièce : elle est « pleine de situations gaies & piquantes », « le sujet, très galant, est traité avec une délicatesse charmante ». Et elle « est très-bien jouée » (avec une curiosité : le rôle du jeune homme est confié, sans doute en raison de la jeunesse du personnage, à Mme Petit.]

THÉATRE DE LA NATION.

Le 31 décembre, on a donné la premiere représentation de Minuit ou l'heure propice, petite piece en un acte, en prose, par M. des Audrais.

Ce n'est pas, à proprement parler, une comédie ; mais c'est une bagatelle pleine d'esprit & de graces. En voici l'action.

Floridor aime très-tendrement Séraphine sa cousine, jeune veuve à laquelle il n'est rien qu'indifférent, & qui affecte de le traiter en enfant. On est à la veille du jour de l'an. L'oncle des deux jeunes gens s'est promis, devant le jeune homme, d'embrasser sa niece le premier le lendemain. Séraphine & Clérine, sa femme-de-chamhre, sont à peine seules dans l'appartement de la premiere, que Floridor vient frapper pour demander de la lumiere, parce qu'il a laissé tomber sa bougie. Clérine ouvre ; Floridor ne voit point Séraphine, il la croit couchée & il demande, au moins, à lui baiser la main. Clérine passe la sienne au travers des rideaux, & le jeune étourdi s'en empare, lorsque Séraphine sort d'un cabinet où elle s'étoit retirée. Transports amoureux du jeune homme, qui prie qu'on le garde jusqu'à minuit, afin qu'il ait l'avantage d'embrasser le premier sa belle cousine, qui presse, qui sollicite, qui obtient enfin ce qu'il désire.

Pendant que Floridor jouit d'avance du bonheur qu'on lui a promis, l'oncle & sa femme arrivent chez Séraphine. On fait cacher l'espiegle. L'oncle dit qu'il est inquiet de Floridor, qu'il croyoit chez lui, & que son domestique n'a pas vu. Pour ôter prétexte à toute recherche, Clérine dit qu'elle étoit dans sa confidence, qu'il est allé au bal, & qu'elle a promis de lui ouvrir la porte vers deux heures ; on se charge d'ouvrir au jeune homme, & l'on se retire, en enfermant Clérine & Séraphine, & même en emportant la clef de l'appartement. Ici la situation des personnages devient plus embarrassante. Á quoi l'indiscrétion & la foiblesse ont-elles conduit Séraphine ? Que diront l'oncle & la tante ? Que vont ils penser ? Le jeune homme s'avoue coupable, s'excuse sur son amour, s'explique avec tant de sensibilité, qu'il faut bien cesser de gronder, puis pardonner, puis lui donner ses étrennes. Que faire ensuite ? Il faut tuer le tems. On cause, on rit, on chante des couplets. Alors on entend sonner minuit ; c'est le moment si désiré par Floridor ; il tombe aux genoux de sa belle cousine, il l'embrasse avec ivresse. Mais la musique a réveillé l'oncle & la tante, qui sont venus à pas de loup, qui ont doucement ouvert la porte, & qui entrent au moment même où le jeune homme fait éclater tous ses transports, tout son amour, tout son bonheur. La consternation des deux amans est extrême : mais leurs bons parens n'abusent pas de leur situation : ils les aiment, ils les connoissent vertueux & sensibles : ils les punissent de leur indiscrétion, en promettant de les marier dès le lendemain.

Cette jolie bagatelle est pleine de situations gaies & piquantes : le sujet, très-galant, est traité avec une délicatesse charmante. La piece est très-bien jouée par Mme. Petit, chargée du rôle de Florìdor, & par Mlles. Devienne & Joly.

Dans la base César le titre est réduit à Minuit. Ce qui évite de signaler le changement de titre qui, le 31 décembre 1792 devient Minuit, ou la Veille du jour de l'an (voir André Tissier, les Spectacles à Paris pendant la Révolution, tome 2, p. 70). L'auteur : Desaudras. Créée le 31 décembre 1791, la pièce est jouée assez souvent jusqu'à la fin du siècle, avec une interruption de juillet 1793 à octobre 1796 : 1 fois en 1791, 9 fois en 1792, 8 fois en 1793 (toutes ces représentations au Théâtre de la Nation) ; 4 représentations en 1796 (2 au Théâtre de l’Ambigu-Comique, 2 au Théâtre Feydeau), 2 en 1797 (au Théâtre de la Nation), 14 en 1798 et 15 fois en 1799, dans divers théâtres. Et peut-être au-delà de 1799.

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