Molière à Lyon, vaudeville en un acte, de Ségur aîné, Després et Deschamps, 25 prairial an 7 (13 juin 1799).
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Molière à Lyon
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Genre
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comédie-vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose, avec couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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25 prairial an 7 (13 juin 1799)
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Ségur aîné, Després et Deschamps
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Courrier des spectacles, n° 843 du 26 prairial an 7 [14 juin 1799], p. 2 :
[La pièce a pour sujet une anecdote supposée connue de la vie de Molière. Elle a réussi, ses auteurs ont été nommés. Mais le critique conteste ce succès : pièce froide, qui ne réussit que par le nom de Molière. Et surtout elle est un tissu d’anachronismes que personne ne peut ignorer, dont l’article donne une idée précise : alors que la pièce montre un Molière de 20 ans, on parle des pièces qu’il écrira dans les décennies suivantes.]
Théâtre du Vaudeville.
Le sujet de Molière à Lyon, comédie donnée pour la première fois hier à ce théâtre, est l’anecdote que l’on raconte de cet illustre auteur qui, pressé par son oncle, au nom de toute sa famille, de quitter le théâtre, engagea ce sévere censeur à prendre lui-même un rôle dans une pièce à la place d’un acteur absent. Cet ouvrage a réussi : on a nommé pour les auteurs les cit. Ségur ainé, Deschamps et Després.
Nous ne pouvons dissimuler que c’est au nom de Molière que l’on doit le succès de cet ouvrage qui, extrêmement froid, offre des anachronismes d’autant plus frappantes qu’il n’est personne qui puisse ne les pas remarquer : on annonce que Molière a vingt ans, et il a déjà fait le Mysantrope : on ponrroit même s’appercevoir qu’il a fait l'Avare et le Tartuffe. Caron parle de tous ces ouvrages, et cependant tout le monde sait que Molière a donné sa première comédie, l’Etourdi, à trente-quatre ans. Après avoir parlé de tous les chefs-d’œuvres dont Molière a enrichi la scène, on dit : Ce garçon-là fera quelque chose, etc.) et c’est à Lyon que l’on fait passer cette scene. Molière y est directeur de spectacle : ce fut justement à Lyon que Molière, directeur d’une troupe, y fit jouer, à trente-quatre ans, l’Etourdi, mais il étoit bien loin alors de faire le Mysanthrope et les Femmes savantes dont il est question dans cet ouvrage.
La Décade philosophique, littéraire et politique, n° 29, 20 Messidor an VII, p. 108-110 :
[On retiendra l’inévitable discussion sur la vraisemblance, une fois de plus plus importante que le vrai (la pièce situe l’anecdote concernant Molière à une autre époque que celle où elle a eu lieu, mais c’est mieux ainsi : Molière ne doit être représenté que dans sa gloire dramatique), la qualité du style, en particulier dans les couplets. Seul un calembour pose problème, mais le critique finit par le sauver de l’opprobre, pour une raison un peu curieuse (il n’est pas indigne de Chapelle, qui pratiquait le genre avant qu’il ne soit devenu un auteur grave...)]
Théâtre du Vaudeville.
On vient de donner à ce théâtre une très-jolie et très-spirituelle petite pièce sous le titre de Molière à Lyon. Les auteurs ont choisi une anecdote de la vie de ce grand homme, qu'ils ont seulement transportée à une époque plus avancée, afin d'avoir plus de latitude pour donner à Molière la physionomie qu'il doit avoir, et parler de sa gloire dramatique. Cet anachronisme, qu'on leur a reproché sans beaucoup de réflexion, était d'autant plus permis qu'il n'a rien d'invraisemblable ; et qu'il était presqu'impossible de mettre Molière sur la scène sous un autre point de vue, sans le rendre insignifiant et sans manquer son but.
L'anecdote est celle des instances des Pocquelins pour lui faire quitter le théâtre et comme acteur et comme auteur : on sait que ces bonnes gens s'enorgueillissaient alors beaucoup plus du nom de Pocquelin, tapissier du Roi, que de celui de Molière dont ils ne se doutaient pas qu'ils tireraient un jour leur gloire.
Un des oncles du Poète comique, député par la famille, vient à Lyon pour cette belle mission ; mais au lieu de séduire Molière, c'est lui qui se trouve séduit; et comme amateur de comédie, il est entraîné et consent à jouer lui-même le rôle de Gorgibus dans les Précieuses ridicules. Le subdélégué, amoureux de la Bëjart, et à ce titre, concurrent de Molière, croit avoir en main un ordre du Gouvernement pour arracher son rival à sa profession et à sa maîtresse, mais il se trouve que c'est au contraire un privilège accordé par Louis XIV au Poète et à sa troupe de jouer à Paris, sur le théâtre du Palais-Cardinal.
Tel est le fonds assurément très-léger de cet ouvrage, mais dont les détails sont faits pour plaire aux gens de goût : le rôle de Molière, celui de Chapelle, celui de la Béjart, celui du subdélégué même, sont tracés, quoiqu'en miniature, avec une parfaite convenance : un des mérites sur-tout de cette bluette charmante, c'est le style et la facture des couplets, où jamais il ne se trouve, comme dans ceux de quelques feseurs à la mode, cinq ou six vers parasites pour amener une mauvaise pointe. Ceux-ci sont toujours nourris, et joignent la finesse du trait spirituel à la précision des idées, à l'originalité des tournures et à la fermeté pure d'un style serré.
En voici un exemple : le Poète comique, dit Molière, est Législateur ; son ministère commence où. celui de la loi finit.
Molière.
Punirez-vous par un arrêt
Le petit-maître qui se vante ?
Défendrez-vous par un décret
A ma femme d'être savante ?
Chapelle.
Et si je suis par un amant
Inquiété......., bien pis peut-être ;
Trouverez-vous un Parlement
Qui puisse m'empêcher de l'être.
J'en pourrais citer beaucoup d'autres, si je ne craignais de prolonger cet article, tels que celui de Chapelle, contre les écrits anonymes, et qui finit ainsi :
Dire du mal sans le signer,
C'est bien signer qu'on est un lâche.
Et celui de Molière qui dit de ses ennemis :
Ils m'insultent sans se nommer ;
Je les peindrai pour qu'on les nomme.
On a d'abord été surpris de trouver à côté de couplets aussi bien faits, quelques calembourgs tels que celui-ci ; si Molière veut être un bon auteur comique au lieu d'être un méchant tapissier, il ne change pas de métier:
Il eût drapé de beaux salons,
Il drapera tous ceux qui les habitent.
Mais en réfléchissant qu'il est dans la bouche de Chapelle, on l'excuse d'autant plus facilement que Chapelle et Voiture ne se refusaient pas ce genre d'esprit qui depuis a fait trop d'imitateurs.
La scène se passe sur le théâtre au moment où l'on est censé prêt à allumer, en sorte que la toile du fond représente le derrière du rideau d'avant-scène, et les décorations le derriere des chassis d'un théâtre à rebours, ce qui produit un effet nouveau et assez curieux.
Le succès décidé de ce joli petit ouvrage annonçait des plumes exercées, aussi a-t-on nommé trois auteurs bien connus par leur esprit et leur goût, les Citoyens Després, Deschamps et Ségur.
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 5e année, 1799, tome II, p. 227-229 :
[La pièce offre « de très-jolis couplets, mais trop peu d'intérêt ». Et des anachronismes choquants aux yeux du public, et corrigés dès la seconde représentation...]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
Molière à Lyon.
Le Souper de Molière avoit obtenu, au Vaudeville, le plus grand succès; On a voulu nous présenter cet homme célèbre, à une autre époque de sa vie, et c'est sa jeunesse que les CC. Ségur aîné, Després et Deschamps, ont retracée dans cet ouvrage.
Molière, préférant à la charge de greffier plumitif, l'état d'acteur et d'auteur comique, a quitté sa famille, et a été à Lyon, où il vient d'établir une troupe de comédiens, dont il est le chef. Son oncle, M. Boutet, député de la famille, vient conjurer Molière de quitter l'état qu'il a embrassé ; et, sans faire attention à l'embarras où se trouve son neveu, lui fait un long sermon que Molière écoute à peine. Le spectacle est prêt à commencer, et Lagrange vient lui annoncer que Flessel, qui devoit jouer le rôle de Cinna, revient d'une noce, et qu'il est si ivre, qu'il a beaucoup de peine à se soutenir. L'embarras de Molière augmente, et on propose de jouer, au lieu de Cinna, l'Etourdi, et les Précieuses ridicules, qui devoient suivre la
grande pièce ; mais Flessel devoit jouer aussi Gorgibus, dans les Précieuses ; alors, on remarque que Boutet a le physique tout-à-fait convenable pour jouer ce rôle, et on se rappelle qu'il l'a même joué autrefois en société. De jolies actrices le font asseoir malgré lui, et arrangent à la hâte sa toilette. Au moment où on va lever la toile, le Subdélégué, rival de Molière, que M.lle Bejard lui préfère, fait tout interrompre, et apporte une lettre scellée du sceau royal, et qu'il suppose être une lettre de cachet, qui va le délivrer de son rival préféré; mais cette lettre est celle qui appelle à Paris Molière et sa troupe et leur donne le titre de Comédiens du roi.
Tel est le fond de cette bagatelle, dans laquelle on remarque de très-jolis couplets, mais trop peu d'intérêt. La décoration est singulière, et représente le théâtre, vu du fond, et offrant les coulisses retournées, et la toile en, perspective.
Le rôle très-difficile de Molière a été rendu avec la plus grande vérité, par le C. Carpentier. Ceux de Chapelle, Flessel, Lagrange et Boutet, ont été très-bien joués par les CC. Henry, Hippolyte, Julien et Duchaume. La. C.e Henry a mis beaucoup de grâces dans celui de M.lle Bejard, et la C.e Blosseville beaucoup de gaieté dans celui de Laforét.
Quelques anachronismes très-frappans qui avoient choqué le public à la première représentation, ont été corrigés à la seconde.
D’après la base César, la pièce, présentée comme une comédie en vers, a été jouée 22 fois au Théâtre du Vaudeville, du 13 juin au 26 octobre 1799.
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