Monsieur et Madame André, vaudeville en un acte, de L. Leconte et Travault l’aîné, 5 prairial an 13 [25 mai 1805].
Théâtre de la Cité-Variétés.
Les auteurs indiqués ici sont ceux que donne la brochure de Maître André, ou le Perruquier auteur tragique. On trouve aussi leur nom dans les Instructions générales, suivies des lois relatives à la propriété dramatique et de la liste générale des auteurs signataires de la procuration de Sauvan (janvier 1806), p. 40.
Représentations le 5, le 6, le 7 prairial an 13 [25, 26, 27 mai 1805]
L'examen de la brochure de Maître André, ou le Perruquier auteur tragique montre bien qu’il s’agit de la même pièce que Monsieur et Madame André : les personnages portent les mêmes noms, et l’intrigue est la même...
Courrier des spectacles, n° 3023 du 7 prairial an 13 [27 mai 1805], p. 2 :
[Le compte rendu s’ouvre par l’annonce de la métamorphose future du Théâtre de la Cité : il va devenir un Théâtre de mélodrame, et en attendant montre des ouvrages (et des personnages) plus modestes. La pièce nouvelle met en scène un homme féru de théâtre, ce qui trouble sa femme, craignant qu’il ne la trompe avec cette Melpomène qu’elle prend pour une rivale amoureuse. Et sa fille a bien du mal à obtenir de se marier avec celui qu’elle aime plutôt qu’avec un ennuyeux grammairien. Heureusement son bien aimé réussit à se débarrasser du pédant. Pièce au sujet peu neuf, un peu trivial, d’un style commun, avec des couplets peu piquants. Conséquence : « un succès médiocre » et peu de spectateurs. C’est l’occasion pour le critique de traiter du’n sujet plus important à ses yeux, la crise que traverse le théâtre en cet été : ni le printemps, ni l’été ne sont propices au théâtre, les grands théâtres sont vides depuis plusieurs mois, et les plus grands interprètes ne peuvent faire venir les spectateurs. Regret du passé, naturellement. Et inquiétude en voyant qu’on s‘apprête à créer un nouveau théâtre, dont le critique se demande ce qu’il va pouvoir apporter.]
Théâtre de la Cité.
M. et Mad. André.
En attendant que ce Théâtre puisse s’élever à la hauteur du mélodrame, il prélude à ses destinées futures par des ouvrages d’un genre plus modeste.
M. et Mad. André ne sont que des personnages subalternes, qui doivent être remplacés bientôt par des Rois, des Princes, des héros. M. André n’est même présenté ici que dans l’obscurité de sa vie privée et au milieu de son ménage.
Mais il est occupé de sa gloire littéraire, tandis que sa femme et sa fille se livrent à des goûts plus vulgaires. Mad. André, jalouse de conserver le cœur de son mari, ne peut l’entendre sans inquiétude prononcer avec un intérêt toujours croissant, le nom de Melpomène ; elle ne doute pas que cette Melpomène ne soit quelqu’autre perruquière qui lui a ravi le .cœur de son mari, et il est difficile de lui faire entendre raison ; car elle n’est pas familière avec les Muses et tous les grands noms du Parnasse.
De son côté, Mlle. André s’occupe à disposer de son cœur en faveur d’un amant digne d’une si grande conquête, et c’est sur Félix que son choix est tombé ; mais quoique ce nom ait du rapport avec les lettres anciennes , il ne paroit point à M. André d’une nature assez noble ; il veut une couleur plus docte, et c’est à M. Gérondif qu’il donne la préférence. Félix, réduit à son génie pour triompher de son rival, se déguise, et parvient à brouiller M. André le tragique avec M. Gérondif le grammairien. Le résultat de cette mésintelligence est le mariage de Félix avec Mlle. André. Cette petite pièce, dont les idées n’ont rien de neuf, dont le sujet est un peu trivial, et le style commun, est mêlée de vaudevilles, qu’on auroit pu rendre plus piquans ; elle n’a eu qu’un succès médiocre et la salle ne comptoit qu’un fort petit nombre de spectateurs.
Le printems et l’été ne sont point des saisons favorables pour les théâtres ; il semble même que cette prétendue passion pour les spectacles, qu’on nous a quelquefois reprochée si amèrement, ait fait place à une indifférence générale. Les premiers théâtres de la capitale sont déserts depuis quelques mois ; le prestige attaché à quelques noms célèbres, s’efface tous les jours ; Elleviou et Martin chantent déjà dans la solitude ; on s’anime encore pour les noms de Mlle. Contat, de Mlle. Duchesnois, de TaIma, mais ce n’est plus qu’une ardeur modérée. Quelle différence entre l'état actuel du Théâtre Français et cette époque si peu éloignée où, malgré tous les feux de l’été, on couroit s’étouffer dans la salle du Théâtre Français, pour aller entendre les deux jeunes débutantes qui excitoient tant de chocs dans les opinions et de débats au parterre !
A quel haut dégré de sagesse ne devons-nous pas parvenir bientôt ! Les théâtres vuides, plus de jardins, plus de feux d’artifice, plus de courses, plus de bals, etc. ; des Français vivant en Anachorètes, des jolies récluses, ne sera-ce pas un spectacle nouveau ?
Cependant on nous prépare encore de nouveaux théâtres. et c’est au milieu de l’été que celui du Quai Voltaire se dispose à faire son ouverture. Aura-t-il de plus riches ballets qu’à l’Opéra, de meilleure musique que celle des Italiens, des voix plus brillantes que celle de Martin et d’Elleviou, de plus grands tragédiens que les Monvel et les Talma, des actrices plus recherchées que Mlles. Contat, Duchesnois, Mars, Bourgoin , etc. ? et cependant avec tant de richesses, nos premiers théâtres se plaignent justement de voir leur opulence diminuer.
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