La Nièce supposée

La Nièce supposée, comédie en trois actes et en vers, de Planard, 23 septembre 1813.

Théâtre Français.

Titre :

Nièce supposée (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

3

Vers ou prose ?

en vers

Musique :

non

Date de création :

23 septembre 1813

Théâtre :

Théâtre Français

Auteur(s) des paroles :

Planard

Almanach des Muses 1814.

Sainville a épousé en Amérique une jeune et riche héritière ; mais son oncle avait déjà disposé de sa main. Les deux époux, dont le mariage est encore un secret, se présentent devant leur oncle, honnête et franc marin, mais un peu emporté. Heureusement, la personne qu'il destine à Sainville a fait un autre choix. Elle est la première à vouloir rompre son mariage projeté. L'oncle, que l'ontrompe quelque temps, finit par tout découvrir ; mais il retrouve dans l'épouse de Sainville la fille d'un de ses amis, et tout se pardonne.

Dialogue spirituel et facile ; de l'intérêt. Du succès.

 

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Vente, 1813 :

La Nièce supposée, comédie en trois actes et en vers, Par M. Planard. Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre Français, par les Comédiens ordinaires de Sa Majesté l'Empereur et Roi, le 22 septembre 1813, Et sur le théâtre de la Cour, à St.-Cloud, devantSa Majesté l'Impératrice Reine et Régente, le 14 Octobre suivant.

 

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1813, p. 261-265 :

[Le critique a de nombreux griefs contre la Nièce supposée. Après avoir donné d’emblée le nom de l’auteur, il montre qu’en ne se limitant pas à un seul genre, il se condamne à peu de succès. La pièce a le grand défaut de ne pas appartenir « au genre de la bonne comédie », qu’il définit : un but moral, de l’observation, la peinture des mœurs, l’originalité, l’architecture d’ensemble. Ici, rien de tout cela, « le cadre est trop grand pour le tableau, la forme l’emporte trop sur le fond » et la surabondance des détails n’est pas rachetée par leur piquant, tandis que les scènes ne sont pas bien liées entre elles. Pas d’originalité : une liste de pièces sur le même sujet suffit à le montrer, avec le défaut supplémentaires que ces pièces antérieures sont meilleures que la pièce nouvelle. Le résumé de l’intrigue en montre à la fois le manque d’originalité et de vraisemblance. Le dénouement en particulier est trop prévisible,et l’auteur a dû écrire bien des scènes inutiles et parasites pour tenter de remplir son tableau. Le critique souligne combien la comparaison avec ses illustres prédécesseurs tourne au désavantage de Planard. L’action est trop lente parce qu’elle se réduit à trop peu de choses, « un pas à faire », l’action ne suscite de l’intérêt qu’à la fin du dernier acte, et le style est négligé, au point que certains des rôles secondaires « ont paru du ton de l’opéra-comique plus que de celui de la comédie » (la pièce a été jouée au Théâtre Français). C’est l’interprétation qui a assuré le succès de la pièce, qui n’aurait pas dû excéder un acte : son succès est annoncé comme peu durable, « comme un encouragement dû à un talent qui n’est pas encore formé ».]

THÉATRE FRANÇAIS.

La Nièce supposée.

La Nièce supposée est de M. Planard, déjà connu par le succès d'ouvrages agréables représentés sur nos divers théâtres, mais non pas encore par une de ces productions qui fixent le nom de leur auteur dans la mémoire, et lui assignent un rang dans la carrière dramatique : c'est le propre de tous ceux qui s'essaient dans des genres différens ; le public les prend au mot, et ne considère leurs ouvrages que comme ils semblent les considérer eux-mêmes, comme l'épreuve de leur talent, et la rechercha du genre auquel ils seront le plus propres. On ne peut se dissimuler ici, que dans sa tentative nouvelle, M. Planard n'est pas encore dans la véritable route ; sa pièce n'appartient point au genre de la bonne comédie ; je n'y vois point un but moral même éloigné ; point d'observation, de peinture de mœurs, peu d'originalité, peu d'art dans la contexture générale : les proportions sont établies avec peu de justesse, le cadre est trop grand pour le tableau, la forme l'emporte trop sur le fond, et les détails ne sont pas assez piquans pour excuser leur prolixité ; les scènes ne sont pas assez développées pour qu'on ne remarque pas leur défaut de liaison.

Le .sujet manque d'originalité; et il n'est que trop aisé de le prouver en nommant le vieux Célibataire, le Mariage secret, une Heure de Mariage et quelques autres ouvrages dont les auteurs ont prévenu l'auteur nouveau, et ne peuvent craindre d'être dépossédés par lui, quoique son succès ait été flatteur et constaté par de nombreux applaudissemens.

Sa Nièce supposée est une jeune créole mariée en secret en Amérique au fils de l'intime ami d'un père qu'elle a perdu dans son habitation. Son époux, Dermont, est revenu en France avec elle; mais il doit redouter la sévérité de son père, franc marin retiré du service, et qui lui destinait un autre parti : la jeune mariée est donc établie, sous un costume villageois, chez la nourrice de Dermont fils, dans la terre même du marin. Elle passe pour la nièce de la bonne Marguerite. Il s'agit de la faire reconnaître sans la nommer, de la faire aimer sans avouer le lien qu'elle a contracté. C'est l'idée de Guyot de Merville et de Collin. Comme celte situation principale n'était pas neuve, l'auteur a dû la combiner avec d'autres idées, et en cela même il est encore retombé dans des imitations presqu'inévitables. Dermont fils se trouve en présence d'une jeune cousine que son père veut lui faire épouser. Cette cousine aime ailleurs ; et son amant voit un rival dans Dermont, tandis que la nièce supposée conçoit quelque jalousie des entretiens forcés de son mari avec la cousine ; cette jalousie paraît assez peu vraisemblable, quoique la cousine soit jolie et coquette ; mais la difficulté de se voir et de s'entendre, l'indiscrétion et la curiosité de quelques valets sont les moyens employés par l'auteur pour justifier l'emploi de ce ressort comique.

Le dénouement est facile à concevoir, il l'est malheureusement trop ; il est prévu dès le premier acte. Aussitôt qu'on a fait connaissance avec tous les personnages, ce qui est assez long, on voit qu'il n'y a pas de danger pour les jeunes époux, car le père est sensible et bon, car la cousine a déjà donné son cœur et promis sa main, et il ne faut que dire un mot pour que tout s'arrange. Pour le dire, l'auteur a dû attendre sa dernière scène ; et pour l'attendre, il n'a pu éviter d'en écrire une foule d'inutiles, de parasites, qui tiennent de la place dans le cadre, sans offrir un tableau bien dessiné. Ce n'est pas ainsi que Guyot, Collin et Desfaucherets ont présenté leurs époux secrets ; voyez de quelles gens le vieux célibataire est entouré, de quelles calomnies Armand a été victime, et quel danger pour lui s'il se nomme imprudemment ; voyez avec quel soin l'oncle mis en scène par Desfaucherets dit et redit, qu'il est instruit par une triste expérience à ne pas souffrir chez lui une. nièce mariée. Là, tout commande aux jeunes mariés la discrétion et la réserve : ici rien ne l'ordonne, car le choix est convenable, l'union assortie, le marin n'eût pas mieux choisi, et l'on voit plus le désir que le moyen de trouver dans cette situation le sujet d'une pièce en trois actes.

Le défaut essentiel de l'ouvrage est donc d'offrir une action trop lente, parce qu'elle n'a qu'un pas à faire, et trop de temps à occuper ; une action tellement conçue et tellement développée, que la pièce finit au moment où elle commence, c'est-à-dire, vers le milieu du 3e. acte ; c'est-là en effet que l'intérêt s'est établi, mais ce ne pouvait être que pour un moment ; le style offre des détails agréables, mais il manque de précision et de fermeté ; il a cette sorte de négligence qu'il est dangereux d'imiter de Collin, et de prendre pour sa facilité. Quelques-uns des rôles secondaires ont paru du ton de l'opéra-comique plus que de celui de la comédie ; celui de l'amant jaloux est le mieux traité ; il est écrit avec plus de soin et de nerf que les autres. L'imitation du style de Barthe s'en fait sentir avec celle du rôle de Dormilli.

De jolis mots dits par Mlle. Mars, qui a [sic, pour « à »] la coëffure brillante de Julie, avait fait succéder la cornette villageoise, la complaisance de Fleury qui avait pris le rôle de marin, et quelques allusions favorables aux comédiens n'ont pas médiocrement servi l'auteur. Son sujet ne s'étendait pas au-delà d'un acte, et peut-être, puisqu'on ne joue plus le Consentement forcé, sa pièce serait-elle restée au répertoire. Telle qu'elle est, son succès ne peut étre considéré que comme sans conséquence, et comme un encouragement dû à un talent qui n'est pas encore formé, mais dont on peut attendre des idées plus comiques, et des combinaisons plus neuves, et mieux développées.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1813, tome V, p. 427-429 :

[Article sévère, qui s’ouvre par des considérations désabusées sur le Théâtre Français, dont les nouveautés ne sont pas dignes de ce lieu prestigieux. Et la pièce nouvelle est dans ce cas : elle « auroit pu briller dans un cercle plus étroit ». Après avoir résumé l’intrigue, le critique s’interroge : comment a-t-on pu vouloir faire une pièce en trois actes avec un sujet aussi mince. Le style est ce que la pièce offre de meilleur, grâce à une versification agréable, et les interprètes principaux ont assuré le succès. L’auteur est nommé sans commentaire.]

THÉATRE Français.

La Nièce supposée, comédie en trois actes et en vers, jouée le 21 septembre.

Le Théâtre Français est, dit-on, le premier théâtre du monde, et on ne pourroit pas lui contester ce beau titre, si l'on n'y jouoit jamais que les chef-d'œuvres de Corneille, de Molière et de Racine ; mais on y a représenté les folies de Dancour, les farces de Legrand et de Poisson ; et on y joue maintenant des nouveautés qui n'ont pas même le mérite de la gaieté, qui faisoit supporter des ouvrages médiocres. D'ailleurs, il n'y avoit pas alors de théâtres secondaires, et les vaudevilles du jour n'avoient d'asile que le Théâtre Français.

La Nièce supposée ne paroîtra peut-être pas digne de la bonne compagnie dans laquelle elle se montre, et qui auroit pu briller dans un cercle plus étroit.

M. Dermont, ancien marin, vif, emporté, goûteux, comme tous les marins de théâtre, a conçu le projet de marier ensemble son fils et sa nièce : mais il a envoyé son fils, voyager pendant six ans. Pendant cet intervalle, Mademoiselle Laure a mis le temps à profit.

Le jeune Dermont, rappelé par son père, revient à Marseille ; mais il ne revient pas seul. Il a épousé à Saint-Domingue une riche orpheline, dont la fortune est le moindre mérite, et il s'est dispensé de demander le consentement de son père. Mais comment présenter sa femme à l'irascible marin ? Il faut attendre une circonstance heureuse pour risquer un aveu et obtenir un pardon. La jolie Créole est donc confiée à la bonne et bavarde Marguerite, qui occupe un petit hermitage dans le parc même de M. Dermont. Elle passe pour la nièce de cette paysanne, et c'est ce qui justifie le titre de la Nièce supposée.

Mademoiselle Laure, vive, enjouée, étourdie, coquette, n'en est pas moins sensible ; elle a laissé parler son cœur. Elle aime Sainville, autre voyageur qui habite depuis quelque temps la maison de M. Dermont. Bien sûre de l'effet de ses charmes, elle le tourmente au point qu'il a pris le parti de s'éloigner. Ce n'est pas là le compte de la coquette ; elle vient le chercher de grand matin dans le parc, démarche assez singulière pour une jeune personne bien élevée, et elle lui arrache le secret de son amour.

M. Dermont, qui ne sait rien de tout ce qui se passe, croit son fils et sa nièce enchantés de leur prochaine union ; il leur ménage des tête-à-têtes dont Sainville enrage. Le cousin et la cousine sont obligés d'en venir à une confidence réciproque. Jamais on n'a vu de futurs époux plus joyeux d'apprendre qu'ils ne s'aiment mi l'un ni l'autre. Nos deux jeunes gens se promettent alors un mutuel appui ; mais ils n'imaginent rien, et il faut que l'Américaine prenne d'elle-même le parti de tout avouer au père de son époux. Il reconnoît en elle la fille d'un de ses meilleurs amis, pardonne de fort bonne grâce à son fils, donne sa nièce à Sainville, et il y a deux mariages au lieu d'un. Cet aveu, qui se fait à la fin, pouvoit très-raisonnablement se faire au commencement. Alors il n'y avoit plus de pièce, et c'est tout au plus s'il y en a une, après toute la peine que l'auteur a prise pour différer l'explication.

Comment a-t-on pu obtenir trois actes d'un pareil sujet ? La jalousie de Sainville, celle de Madame Dermont, celle du fils de la paysanne Marguerite qui est amoureux de sa prétendue cousine, fournissent quelques scènes ; un assaut de discrétion bavarde entre Marguerite et un vieux valet, en fournissent d'autres, et la pièce arrive à la fin.

Le style est la partie de l'ouvrage qui mérite le plus d'éloges. Les vers sont corrects, faciles, quelquefois piquans. La pièce a dû une partie de son succès au jeu de Fleury et de Mademoiselle Mars.

L'auteur est M. Planard.

'D'après la base La Grange de la Comédie Française, La Nièce supposée a été jouée à la Comédie Française  52 fois entre 1813 et 1828.

 

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