La Nuit espagnole, opéra en 2 actes, de Joseph Fiévée, musique de Persuis, 14 juin 1791.
Théâtre de Monsieur.
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Titre :
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Nuit espagnole (la)
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Genre
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opéra
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose
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prose avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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14 juin 1791
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Théâtre :
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Théâtre de Monsieur
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Auteur(s) des paroles :
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Joseph Fiévée
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Compositeur(s) :
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M. Persuis
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Mercure universel, tome 3, n° 109 du vendredi 17 juin 1791, p. 271 :
[Dans ce compte rendu, il manque au moins deux choses : le nom de l'auteur des paroles (seul le compositeur est nommé) et le rappel de la comédie de ce parolier dont l'opéra est l'adaptation.
L'opéra créé la veille a réussi. Le résumé de l'intrigue montre qu'elle repose sur des ressorts connus (le tuteur, la pupille, les deux amants, le valet rusé, la gouvernante qui croit être aimée (imbroglio tout à fait classique), on mélange le tout, et le dénouement arrive on ne sait trop comment : le tuteur pardonne). Le critique apprécie le canevas proposé, « qui offre des situations plaisantes », et plus encore la musique, « vive, légère, variée, pleine de traits et de gayeté ». Son auteur est nommé, et le critique rappelle la figure de son père, auteur d'un Passage de la Mer Rouge (qu'on attribue souvent à son fils, malgré l'impossibilité chronologique morceau créé en 1759, quand Persuis fils est né en 1769). L'interprétation, évoquée ensuite, donne pleine satisfaction au critique. Après avoir cité les paroles d'un air bien interprété par une des chanteuses, il enchaîne avec le complément de programme, nettement moins satisfaisant à ses yeux, Encore des Ménechmes, qui a été « jusqu'au bout » (ce n'est pas une information rassurante ! Il y avait des raisons de crainte l'inverse ?), et dont le critique moque le style.]
Theatre de Monsieur.
L’opéra en deux actes, donné hier, sous le titre de la Nuit Espagnole, a parfaitement réussi. Felicie a deux amans, l’un est aimé, l’autre ne l’est pas. Un valet rusé, qui a gagné la conscience du tuteur, parvient par son adresse, à l’enlèver [sic] de ses mains, pour la remettre à son amant ; une vielle [sic] gouvernante, à qu’il [sic] en contoit, pour parvenir à ses fins, reçoit de nuit les vœux de l’amant dédaigné de Felicie ; ce qui forme un imbroglio assez plaisant ; à la fin tout se découvre, le tuteur dupé, pardonne et fait deux heureux. Tel est en peu de mots le canevas de cet opéra, qui offre des situations plaisantes. La musique a fait le plus grand plaisir ; elle est vive, légère, variée, pleine de traits et de gayeté. La partie de l'orchestre et celle du chant y sont également soignées. On a demandé l’auteur, il a cédé aux instances du public, c’est M. Persuis, jeune homme de 21 ans, dont le talent donne les plus flatteuses espérances. Nous devons ajouter qu’il est fils de l’artiste du même nom, qui parmi les morceaux de sa composition, exécutés au Concert Spirituel, donna en 1769, le passage de la Mer Rouge, dont le brillant succès est connu de tout le inonde.
Nous avons peu vu d’opéra aussi bien rendus à ce théâtre. M. Belmont dont nous n’avions point encore eu occasion de parler, fait éclater sa belle voix dans le peu de chant que comporte son rôle. Il est bon acteur. Mad. Verteuil a joué en actrice consommée celui de Séraphine. Les autres rôles ont été également bien rendus par MM. Valiere, Chateau-Fort, Gavaux, Mesdemoiselles Parisot, Dumont ; on a fort applaudi un air chanté par cette dernière, en voici les paroles :
Charmante liberté,
Après qui je soupire,
Ce n’est que sous ton empire
Qu’on trouve la félicité.
La contrainte éteint la gaité.
Chasse l’amour,
Etouffe le génie,
Mais tout renait à la vie
Sous les loix de la liberté.
Comme il faut bien commencer le spectacle par quelque chose, on a donné, avant l’opéra, Encore des Menechmes, dont nous avons rendu compte le lendemain de la première représentation. Celle-ci est allée jusqu’au bout, et nous a mis à même de juger du mérite du style, dont voici un échantillon : Si vous saviez..... vous saurez tout.... il sait que..... Ma foi, le lecteur n’en saura pas davantage.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 7 (juillet 1791), p. 291-292 :
[Une comédie (Maison à vendre ou la Nuit de Grenade, de Joseph Fiévée, 1789) transformée en opéra comique : comme l’intrigue est inspiré d’un modèle espagnol, il « n’est qu’un imbroglio qui n’offre rien de neuf » (les œuvres qui s’inspirent de modèles espagnols sont toujours dans ce cas) ; « néanmoins l'auteur a su tirer parti de son sujet, sur-tout dans le second acte, où l'intrigue marche bien & se dénoue assez naturellement ». La musique est l'œuvre d’un débutant et se ressent de l’inexpérience de son auteur : « elle manque de couleur dramatique, de nuances, & souvent de chant », et le jeune compositeur subit trop les influences italiennes, allemandes et françaises. Il est cependant promis à un bel avenir, à condition de suivre le conseil du critique : « travailler son chant avec autant d’art qu’il travaille son orchestre ». L’interprétation était très bonne, et la représentation s’est achevée par la demande des auteurs.]
On connoissoit déja à ce théâtre la Nuit Espagnole, qui avoit été donnée en 1789, sous le titre de la Nuit de Grenade. Elle n'étoit alors qu'une comédie : l'auteur l'a coupée depuis en opéra-comique, & l'a fait donner mardi dernier avec quelque succès. Ce poëme, comme tous les poèmes tirés ou imités de l'espagnol, n'est qu'un imbroglio qui n'offre rien de neuf. C'est encore un tuteur dupé, un duel nocturne entre deux rivaux,des enlevemens, des méprises, &c. &c. Une duegne sévere & un frère cadet de Figaro y jouent les principaux rôles : néanmoins l'auteur a su tirer parti de son sujet, sur-tout dans le second acte, où l'intrigue marche bien & se dénoue assez naturellement. La musique, qui est le début de M. Persuis, jeune artiste connu déja par ses talens en musique, est faite avec esprit, quant à la partie de l'orchestre ; mais elle manque de couleur dramatique, de nuances, & souvent de chant : nous avons cependant distingué le duo qui termine le premier acte ; il est fait avec intelligence & bien en situation. En général, ce compositeur paroît nourri des auteurs Italiens, François & Allemands, et souvent, n'ayant pas encore un style à lui, il se trouve mêler ces trois genres, ce qui ôte à sa musique le caractère qui devroit lui être particulier. Nous l'engageons à travailler son chant avec autant d'art qu'il travaille son orchestre ; &, comme il donne déja beaucoup d'espoir, nous ne doutons pas qu'il ne fasse un jour de très-bons ouvrages. Les premiers rôles de cette petite piece sont très-bien joués par Mrs. Valiere, Gavaux, Chateaufort, Belmont, &- par .Mlles. Verteuil, Parisot & Dumont. Cette derniere, qui se livre depuis peu à l'opéra-comique, a une voix fort agréable, & peut réussir, si elle la travaille beaucoup. On a demandé les auteurs : on a annoncé que celui des paroles étoit anonyme ;. mais comme le public persistoit à demander M. Persuis, il s'est présenté à la première & à la secondé représentation.
Dans la base César : paroles de Joseph Fiévée, musique de Louis-Luc Loiseau de Persuis. La pièce, créée le 14 juin 1791, a connu 9 représentations, jusqu'au 13 janvier 1792.
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