Encore des Ménechmes, comédie en trois actes, en prose, de Picard, 9 juin 1791
Théâtre de Monsieur.
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Titre :
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Encore des Ménechmes
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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9 juin 1791
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Théâtre :
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Théâtre de Monsieur
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Auteur(s) des paroles :
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M. Picard
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Mercure universel, tome 4, n° 102 du vendredi 10 juin 1791, p. 158-159 :
[Le critique reprend allègrement ce qu'on lit partout, que la comédie vit sur la répétition d'une « mine inépuisable », la gémellité, connue sous tant de noms. Une nouvelle pièce avec des gens qu'on prend pour qui ils ne sont pas et qu'il est donc inutile d'analyser « pour juger de la vraisemblance » d'une intrigue dont « le public n'est plus la dupe ». Ce qu'on pourrait prendre pour insignifiant est une tromperie qui dans la réalité « conduiroient à l'échafaud », une « production monstrueuse […] d'une inconvenance totale » qui pille « des scènes d'Amphitrion, de Ricco et de l'Avare ». la pièce finit par un double mariage de gens que la pièce ne fait pas se rencontrer, ce qui ne les empêche pas de s'aimer : tout est pardonné... y compris pour l'auteur, coupable déjà de deux pièces « qu’on ne joue plus à ce théâtre », le futur illustre Picard. La pièce du jour ne devrait finalement pas enrichir la famille des Ménechmes illustrée par la pièce de Cailhava dont il a été question la veille dans le même journal.
Le journal du lendemain 10 juin a corrigé deux erreurs que j'indique (historiques mis pour comiques, Malheureusement mis pour Mais heureusement)]
Theatre de Monsieur.
Les Méprises sont l'ame des comédies. Tout ce qui les amene est une source plus ou moins précieuse, selon qu’elle fournit des méprises plus ou moins naturelles et faciles. C’est de cette mine inépuisable que sont tirés les Ménéchmes, les Jumeaux, les Méprises, les Ressemblances, et beaucoup d’autres pièces qui doivent leur naissance aux équivoques dont les auteurs tirent leurs principales causes du rire.
Tels sont les traits historiques que l’on a essayé de reproduire hier au théâtre de Monsieur, à la faveur du titre de encor des Ménéchmes, comédie en trois actes et en prose.
Il faut convenir que ce mot encor est une petite ruse dramatique bien inventée pour justifier les similitudes frappantes et les vols évidemment faits aux ouvrages les plus connus. Malheureusement le public n'en est plus la dupe.
Le lecteur nous dispensera volontiers d’une pénible analyse, lorsque, pour juger de la vraisemblance qui regne dans cette fâcheuse conception, il apprendra qu'une sœur ne reconnoît point son frere, qu’une femme prend son jeune neveu pour son vieil époux ; qu’une fille prend son cousin pour son pere ; qu’un valet oublie les traits de son maître; et que tous ces changemens miraculeux sont opérés par une perruque.
Nous ne parlerons pas d’un valet plus que fourbe, qui obtient un ordre de faire enlever l’oncle de son maître, et que ses petites epiégleries [sic] conduiroient à l'échafaud...... Mais l'auteur avoit besoin qu'il fit [sic] tout impunément. L’on sent que cette production monstrueuse est une inconvenance totale ; cependant pour l’enfanter, l’auteur adroit a pillé des scènes d'Amphitrion, de Ricco et de l'Avare.
L’œuvre est couronné par deux mariages entre personnes qui, avant l’action, ne s’étoient jamais vues, et qui, pendant toute la pièce, ne se sont point trouvées en scène une seule fois...... Cependant elles disent s’aimer beaucoup, il faut les en croire sur parole ; en un mot, tout a fini, non point par des chansons, mais par un pardon absolu. Les personnes sensées et indulgentes ont compris dans cette amnystie [sic] générale l’auteur déja inconnu par deux petites pièces qu’on ne joue plus à ce théâtre.
Le bon public a demandé l’auteur ; mais l'attente des amateurs, qui désiroient le voir, a été déçue par l’annonce qu’est venu faire M. Mongautier. Il a nommé M. le Picard.
Nota. Nous avons bien peur que cette sœur cadette de la pièce des Menechmes de M. Cailhava, dont nous avons rendu compte hier, ne soit point adoptée dans la famille des Menechmes.
Journal de Paris, n° 161 du 10 juin 1791, p. 648 :
[Une histoire de mariage, ce n’est pas neuf, une histoire de ressemblance, ce n’est pas neuf. Un oncle et sa fille, un neveu qui veut épouser sa cousine malgré l’oncle, on se déguise en oncle, on arrive presque à tromper tout le monde, sauf que l’oncle revient au mauvais moment. Heureusement le valet (l’indispensable valet de ce genre de pièce) arrange toute l’affaire. La pièce a réussi.]
THÉATRE DE MONSIEUR.
Encore des Menechmes ! c'est le titre de la pièce représentée hier pour la première fois à ce théâtre. Il prévient le reproche qu'on auroit pu faire à l'Auteur d'avoir choisir [sic] un cadre usé. On peut l'atténuer encore en observant que les méprises sont presque toujours des sources fécondes du vrai comique.
Ici les Ménechmes sont un Oncle & un Neveu qui se ressemblent beaucoup. Toute la différence, c'est que l'Oncle porte perruque & qu'il a un uniforme différent. Cet Oncle est allé chercher un prétendu pour sa fille ; pendant ce tems-là, le Neveu devient amoureux de la jeune personne qui est sa Cousine. Le Valet imagine de lui faire prendre la perruque & l'uniforme de son Oncle, & ensuite de le faire reparoître sous son véritable costume, pour que le mariage puisse avoir lieu. Ce projet commence à s'exécuter; toute la maison s'y méprend jusqu'à la femme de l'Oncle elle-même : mais ce maudit Oncle arrive préciſément lorsque tout alloit le mieux du monde. Delà une foule de quiproquo très-plaisans. Le Valet qui s'est un peu pris de vin est trompé comme les autres par la grande ressemblance & découvre le stratageme : il en invente un autre pour l'eloigner. On nous dispensera sans doute de détailler tous ces imbroglio qui sont quelquefois obscurs, mais qui remplissent leur objet en faisant beaucoup rire. La marche de la pièce est rapide ; plusieurs scènes marquent du talent & elle a eu du succès. Le public a demande l'Auteur : on a nommé M. Picard, Auteur du Badinage dangereux, Comédie donnée l'année dernière au même théâtre.
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 25 du samedi 18 juin 1791, p. 111 :
[Le compte rendu a commencé avec le Vendemie, il s’achèvera avec Adélaïde et Mirval. Place maintenant à une pièce d’un quasi débutant, Picard, sur un sujet rebattu qu’il a su renouveler, Encore des Ménechmes. L’intrigue repose sur la confusion entre un neveu et son oncle, auquel il a emprunté ses habits. Rien de bien nouveau, mais Picard a su en tirer « un imbroglio souvent très-piquant, & des scènes pleines de gaîté, de sel & d'intentions comiques ». Le dialogue est à l’unisson de la construction de l’intrigue. Quelques reproches toutefois, « quelques inconvenances, quelques défauts dans la contexture », mais elle révèle un talent rpécoc, déjà remarqué dans une première pièce.]
Nous avons à parler de trois Nouveautés, deux au Théatre de Monsieur, & une au Théatre Italien. [...]
On a donné depuis, au même Théatre, une Comédie de M. le Picard, intitulée Encore des Ménechmes. Ce sujet est fort usé ; mais l'Auteur, qui, dans un âge très jeune, annonce beaucoup d'imagination, a trouvé le secret de le rajeunir. C'est un jeune Officier qui, pour éviter les suites d'une affaire d'honneur, vient se cacher à Paris, sous les habits de son oncle, auquel il ressemble prodigieusement. Il arrive assez tôt pour empêcher le mariage de sa cousine, dont il est amoureux & aimé. Il en reçoit l'aveu d'elle même, qui le prend pour son pere. Mais son oncle arrive avec le jeune homme auquel il destine sa fille. On les prend à tout moment l'un pour l'autre. Il en résulte un imbroglio souvent très-piquant, & des scènes pleines de gaîté, de sel & d'intentions comiques. Il n'y a pas moins de mérite dans le dialogue dans les situations; & quoiqu'on puisse reprocher à l’Auteur quelques inconvenances, quelques défauts dans la contexture, on ne peut que l'encourager à poursuivre une carriere dans laquelle il promet de se distinguer. Cet Auteur a déjà donné au même Théatre une petite Comédie intitulée le Badinage dangereux, qu'on a vue avec plaisir.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 7 (juillet 1791), p. 289-291 :
[La pièce reprend une intrigue un peu usée, et que le critique invite à abandonner, parce que les auteurs ne peuvent plus l’utiliser qu’en la rendant toujours plus compliquée. Sinon, la pièce mérite plutôt des éloges : si elle « n'est pas généralement bonne », « elle offre des traits d'un excellent comique, une conception hardie & une imagination féconde » : le talent de son très jeune auteur est prometteur ! Et la pièce est « bien jouée » (ce qui est un compliment bien sobre !).]
Encore des Ménechmes, comédie en trois actes. Les Ménechmes ou la ressemblance frappante de deux personnes, ont été une mine inépuisable pour Ménandre, Plaute , &, dans les modernes, pour Shakespear, Regnard, & plus de vingt auteurs qui ont imité ceux-ci. En effet, quand une fois on a pris son parti sur la vraisemblance, qui se trouve toujours choquée dans ce genre d'intrigue, il faut convenir que rien ne prête mieux au comique & aux situations piquantes ; mais il nous semble qu'il seroit bon d'abandonner ce fonds, sur lequel on a tant travaillé. A force de le retourner, on l'épuise, & l'on finit par fatiguer l'esprit du spectateur, en le forçant de suivre une intrigue qui, pour être neuve, doit être nécessairement forcée &. embrouillée. C'est un labyrinthe dans lequel on s'engage, & d'où, après l'avoir fait beaucoup marcher, on ne le fait sortir que d'une manière toujours peu satisfaisante. Quoi qu'il en soit, la piece intitulée : Encore des Ménechmes, en trois actes, en prose, donnée jeudi sur ce théâtre, a obtenu du succès au milieu des inutilités & des longueurs qui en obstruent la marche. Dorsigny, officier dans un régiment, a une fille & une nièce charmantes. Son neveu, qui porte son nom & sa figure, car il lui ressemble au point que ses plus proches parens s'y trompent, est amoureux de sa cousine : il s'avise, pendant l'absence de son oncle, de prendre son uniforme & sa perruque, & de se présenter chez lui comme le maître de la maison. Ceci donne lieu à des quiproquos multipliés, & qu'il est difficile d'analyser. L'oncle revient, le neveu est découvert, un valet adroit embrouille de nouveau toute l'intrigue : enfin un M. de Lormeuil, qui devoit épouser Mlle. Dorsigny, la cède à son cousin, & tout le monde est content jusqu'au valet, qui se permet des gentillesses un peu trop fortes ; mais à qui l'on pardonne en faveur du succès de ses ruses. Cette piece n'est pas généralement bonne ; mais elle offre des traits d'un excellent comique, une conception hardie & une imagination féconde : en un mot, elle fait concevoir des espérances de son auteur, jeune-homme de 22 ans, que le public, qui se montre toujours l'appui des jeunes talens, a beaucoup encouragé : il a été demandé ; c'est M. le Picard, auteur à ce théâtre, du Masque & du Badinage dangereux. Cette piece est bien jouée par Mrs. Paillardelle, Chevalier, Pelissier, de Vigny, Montgautier, Folleville, & par Mesd. Josset & Dumont.
César : l'auteur, c'est Louis-Benoît Picard. Sa pièce a été jouée 9 fois au Théâtre de Monsieur / Théâtre Feydeau, du 9 juin au 11 août 1791. Elle a été reprise au Théâtre de Louvois à compter du 18 floréal an 10 (8 mai 1802).
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